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Votation, pourquoi les Suisses confortent leur sécurité alimentaire... Et pas nous !
©Reuters

Exemple alpin

Ce dimanche 24 septembre, les Suisses ont rendez-vous avec les urnes. Leur « votation » porte sur trois points distincts : deux concernent les retraites et semblent difficiles à dénouer dans les sondages, tandis que le troisième, sur la sécurité alimentaire, devrait être adopté facilement. Explications.

Antoine Jeandey

Antoine Jeandey

Antoine Jeandey est journaliste et auteur de « Tu m’as laissée en vie, suicide paysan veuve à 24 ans ».

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WikiAgri est un pôle multimédia agricole composé d’un magazine trimestriel et d’un site internet avec sa newsletter d’information. Il a pour philosophie de partager, avec les agriculteurs, les informations et les réflexions sur l’agriculture. Les articles partagés sur Atlantico sont accessibles au grand public, d'autres informations plus spécialisées figurent sur wikiagri.fr

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La Suisse, pays des référendums populaires, devrait ainsi accepter d’inscrire sa sécurité alimentaire dans sa constitution, selon les derniers sondages avant le vote de ce dimanche. Cette modification de la constitution vise à assurer l’approvisionnement de la Suisse en prenant compte de l’ensemble de la chaine de production, de la fourche à la fourchett

La Suisse fait partie de ces pays qui ont une réelle vision pour leur agriculture, et son apport à la société. En 2014, l’Union suisse des paysans avait lancé une initiative populaire, appelée « Pour la sécurité alimentaire ». La Confédération avait alors examiné le projet avec attention, et l’avait trouvé inachevé, dans le sens où, s'il prônait la promotion des productions locales, c'était sans tenir compte des importations, qui devaient elles aussi répondre à des critères de sécurité alimentaire. Mais l'intérêt pour le sujet était tel, qu’une contre-proposition a été rédigée, laquelle est donc soumise à votation, selon le terme en vigueur en Suisse pour les référendums, ce dimanche 24 septembre.

Il s’agit d’inscrire la sécurité alimentaire dans la constitution suisse selon cinq critères. Ainsi, si le premier projet de l’Union suisse des paysans ne visait qu'à défendre la profession, le contre-projet inclut bien sûr cette volonté, mais dans un champ plus large pour intéresser tous les citoyens, et même les agriculteurs suisses vivant de l’export, de fait oubliés du premier texte. C’est donc le concept de « sécurité alimentaire » qui englobe tout cela.

Les cinq points de la sécurité alimentaire vue de Suisse

Voici les thèmes des cinq critères retenus pour la sécurité alimentaire en Suisse, selon le texte soumis à votation :

1) La protection des terres agricoles pour une préservation des bases des productions agricoles.

2) L’adaptation des productions aux conditions locales avec une utilisation efficace des ressources (en d’autres termes, le maintien de l’environnement dans la manière de produire).

3) Orienter les denrées alimentaires vers les marchés, tant l'intérieur que l’extérieur (ou comment leur trouver un débouché économique).

4) Assurer des relations commerciales transfrontalières dans le respect du développement durable (accepter import et export en répondant toutefois à différentes conditions).

5) Utiliser des denrées alimentaires qui préservent les ressources (inclus dans ce chapitre : réduire la quantité de déchets alimentaires, qui constituent, en Suisse, un tiers des denrées produites).

Pourrait-il s’agir d’un modèle pour la France ?

Les perceptions suisses et françaises de l’agriculture sont différentes, un « copié-collé » parait donc hors de propos. En effet, le système suisse a de tout temps protégé son agriculture. Avant même cette inscription probable dans la constitution, le foncier agricole est très surveillé. Impossible pour un élu local de le changer de destination (pour un agrandissement urbain ou une zone économique par exemple) sans l’approbation du ministère de l’Agriculture, qu’il n’est possible d’obtenir qu’après moult argumentation. Par ailleurs, les prix des produits agricoles sont fixés à l’avance, et largement au-dessus des cours mondiaux, ceci en vertu d’un pouvoir d’achat supérieur dans le pays, et d’une politique protectionniste par rapport aux importations.

Pour le cas précis du texte de la votation, on constate aussi un réel intérêt du pouvoir suisse pour ses agriculteurs. Le parlement tout comme le conseil fédéral ont examiné de près le texte qui leur était suggéré par l’Union suisse des paysans, et l’ont amendé à leur manière certes, mais en tenant compte des objectifs du texte initial ainsi que de sa philosophie.

Si le copié-collé est impossible, s’inspirer de l’esprit de la votation suisse, en revanche, serait une excellente chose pour notre agriculture française. On voit aujourd’hui les limites de la démarche des états généraux de l’alimentation lancés par Emmanuel Macron : les agriculteurs manifestent jusqu’au coeur de Paris à cause de l’arrêt programmé du glyphosate, les ONG environnementalistes menacent de se retirer en raison d’une décision récente sur le financement du bio, les grandes surfaces n’ont jamais autant communiqué sur leur manière de s’approprier le terroir montrant ainsi qu’elles ne sont pas prêtes à perdre un centime sur leurs marges... Bref, l’idée consistant à mettre autour de la table tous les acteurs paraissait bonne, mais on a juste oublié que le match n’était pas amical et qu’il fallait donc un arbitre à la hauteur... Or jamais un « M. états généraux » qui fasse autorité pour tout le monde n’a été nommé... Et pendant ce temps, la crise continue pour notre agriculture, à la recherche d’une identité compatible avec les évolutions de notre société qu’elle ne parvient pas à trouver, faute d’une ligne directrice, d’une politique nationale claire et précise.

Donc, oui, s’inspirer de cet esprit helvète autour du concept de sécurité alimentaire inscrit directement dans la constitution (ce qui en fait une priorité nationale concrète, qui dépasse les discours d’intentions de périodes électorales), ce serait une réelle bonne idée. Mais rien n’indique, aujourd’hui, que qui ce soit ait envie de placer notre agriculture comme priorité nationale, y compris en la positionnant dans un concept plus large (comme la sécurité alimentaire) incluant la société dans son ensemble...

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