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De la nécessité de revaloriser sa culture face à l'hégémonie américaine
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Résistance

Quand l'uniformisation s'installe dans les goûts, les idées, dans la vie quotidienne, dans la conception même de l'existence, alors la pensée unique domine. La langue anglaise domine le monde et sert aujourd'hui de support à cette pensée unique. Mais le français est bien vivant. Extraits du plaidoyer de Claude Hagège "Contre la pensée unique" (2/2).

Claude Hagège

Claude Hagège

Claude Hagège est linguiste, professeur honoraire au Collège de France et lauréat de la médaille d'or du CNRS.

Il est l'auteur de Contre la pensée unique (Odile Jacob, 2012)

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La pression exercée par la pensée unique sur la vie et les états d’esprit dans la France d’aujourd’hui présente de nombreux aspects qui ne sont pas difficiles à apercevoir. La mention même de ces aspects contient les indices sur l’action nécessaire pour circonvenir la pensée unique : médiocrité des idéaux, uniformisation des comportements comme des interprétations du réel, penchant pour la désaffection, sinon l’hostilité déclarée et suivie d’actes destructeurs, à l’égard des entreprises qui remettent en cause les habitudes et les ordres établis, ou qui inspirent le combat pour de nouvelles valeurs.

Au sommet de cette pyramide d’effets délétères figure l’abrasion de distinctions capitales, comme celles qu’il faut faire entre l’essentiel et l’accessoire, entre le meilleur et le moins bon, entre la vulgarité et l’élégance. Y figure également la frénésie mimétique, dont l’exemple puissamment efficace et savamment orchestré est donné par les médias, comme le souligne, par exemple, le récent livre d’H. Brusini (2011), au titre éloquent, "Copie conforme. Pourquoi les médias disent tous la même chose ?"

La prise de conscience de cette conjugaison de facteurs nullogènes est à elle seule le fondement même d’une pensée diversifiée et d’un ressaisissement énergique des Français redevenus lucides sur leur place dans le concert des nations et dans la construction d’une destinée humaine. L’un des moyens les plus sûrs pour favoriser cette prise de conscience et les comportements qu’elle suscitera est la place croissante qui doit être donnée dans les familles, comme à l’école, comme dans les recommandations officielles de l’État, à une activité de base sur laquelle s’articule toute construction d’un esprit libre et capable d’opposer une résistance victorieuse aux assauts répétés de la pensée unique. Cette activité a un nom simple : la lecture (cf. ci-dessous).

C’est parce que la dévalorisation de sa propre culture est, dans chaque pays, la conséquence, en même temps que le critère, du succès d’une guerre destinée à asseoir une hégémonie par abrasion des spécificités culturelles, qu’un chemin d’action essentiel consiste à revaloriser chaque culture face à la culture américaine.

L’inconscience, sinon la désarmante sottise, de beaucoup de Français se déchiffrent aisément à travers l’épithète de « ringard » qu’ils appliquent à ce qui est français et traditionnel dans beaucoup de domaines, sans comprendre que cette dévalorisation de leur culture au bénéfice de l’illusion d’être « modernes », c’est-à-dire américanisés, se paie au prix fort de l’inhumation de leur personnalité culturelle. Heureux qu’il se trouve encore, en France, notamment, des immigrés pour qui la citoyenneté française est définitoire, et qui, loin de la dévaluer, la surévaluent, au contraire, car sa valeur se mesure au prix qu’ils payent pour elle : pour la conquérir, ils se battent, notamment contre certaines formes de rejet raciste, et cela dans le même temps où beaucoup de ceux qui possèdent cette citoyenneté par naissance ne songent qu’à la dénigrer comme désuète et comme trop éloignée de ce qui est flatteur parce que estampillé d’outre-Atlantique.

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Extrait de Contre la pensée unique, Odile Jacob (12 janvier 2012)

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