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Jupiter à l'Acropole : Emmanuel Macron s'engagerait-il dans un début de bras de fer avec l'Allemagne?
©AFP

Rivalités

Emmanuel Macron prononçait son discours d'Athènes, dit de "refondation européenne" ce 7 septembre.

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud est professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble depuis 1999. Il est spécialiste à la fois de la vie politique italienne, et de la vie politique européenne, en particulier sous l’angle des partis.

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Atlantico : Emmanuel Macron prononçait son discours d'Athènes, dit de "refondation européenne" ce 7 septembre. Ce discours a-t-il été à la hauteur de son intitulé?

Christophe Bouillaud : L’histoire le dira. Personne ne sait sur le moment si un discours aura été historique, et non plus dans quel sens il jouera finalement. Par contre, l’élément le plus intéressant de ce discours me parait être la reprise du thème par le Président français selon lequel la crise européenne n’est pas finie d’une part et que ce qui s’est passé en Grèce fait partie de cette crise d’autre part. Le choix d’une mise en scène presque excessive de la référence à la Grèce berceau de la démocratie – à la manière d’un philhellène comme Valéry Giscard d’Estaing  en son temps -  a bien souligné l’importance de cette mise en cause des responsabilités européennes dans la crise grecque. Un pays qui dispose du Parthénon ne peut pas être habité par des personnes aussi méprisables que ne l’a dit la presse allemande populaire pendant des années. C’est tout de même un autre cadrage que celui qui a prévalu de 2010 à 2015 qui a attribué toute la responsabilité de la crise grecque exclusivement aux Grecs eux-mêmes.  Il est assez surprenant d’ailleurs que le Commissaire européen, Pierre Moscovici, ait fait ces jours-ci des déclarations assez similaires sur le « scandale démocratique » qu’aurait représenté le fonctionnement de l’Eurogroupe pendant la crise grecque. Quoi qu’il en soit, aller dire en Grèce que tout n’est pas de la faute de la Grèce, c’est vraiment pour le coup une rupture avec la doxa admise à Bruxelles et à Berlin, même si E. Macron adopte par ailleurs la position allemande sur le besoin d’une présence pérenne du FMI dans le soutien à la Grèce.

Par ailleurs, sauf à se déjuger ensuite, Emmanuel Macron semble bien aller dans le sens d’un vrai saut qualitatif dans la poursuite de l’intégration européenne. Réclamer solennellement cela ne va pas de soi pour un Président français dans la mesure même où c’est surtout le non français au Traité constitutionnel européen en 2005 qui a marqué l’officialisation de la rupture entre les élites porteuses du projet européen et une partie des Européens. Il parle d’ailleurs d’une nouvelle méthode pour faire avancer le projet européen. Même si cela reste flou à ce stade, cela revient tout de même à ouvrir un grand débat, une consultation, dans chaque pays sur l’Union européenne. Et de toute façon, même ces consultations seront sans doute bien encadrées, si l’on veut avancer, il faudra bien négocier et ratifier des traités. Ne serait-ce que pour réaliser le vieux projet de listes transnationales aux élections européennes, évoqué par E. Macron, qui traine depuis le milieu des années 1990, il sera impossible de ne pas avoir l’accord des 27 Etats membres. Or je vois mal les Hongrois et les Polonais donner actuellement leur accord…

Quel bilan peut-on faire des ambitions d'Emmanuel Macron sur le plan européen ? De l'homme de la campagne électorale, aux premières intentions, au premier grand discours européen, quelles sont les variations constatées?

Pour l’instant, il faut souligner la cohérence de ses projets en matière européenne. Il en revient toujours à l’idée d’une gouvernance démocratique de la zone Euro, qui passerait par un Parlement de la zone Euro et par un fort budget de cette même zone. Il écarte d’ailleurs avec soin l’idée allemande d’un MES (Mécanisme européen de solidarité) devenu un « FMI européen » et qui ferait office de Ministère des finances de la zone Euro. De fait, il insiste pour une vision moins baroque des choses, avec l’institution d’un simple budget fédéral au sens habituel du terme dans une fédération. Cela ne va pas faire plaisir à Berlin. Pour l’instant, il ne varie donc guère sur le fond – simplement il tend à publiciser de plus en plus sa position et à la dramatiser en parlant de la peur qui paralyserait les Européens.

Comment peut-on anticiper la réaction de ce discours en fonction des différents publics auxquels il était adressé?

Il sera surtout intéressant d’observer les réactions en Allemagne. Faire un tel discours à Athènes en pleine campagne électorale outre-Rhin peut avoir un effet boomerang. Cela pourrait aider aussi bien les libéraux du FDP que les nationalistes de l’AfD à mobiliser leurs électeurs. En effet, si en Allemagne, revenir sur la crise grecque amène à réitérer l’explication habituelle (« c’est la faute à ces fainéants de Grecs ! »), cela peut avantager ces deux partis, et peut-être mettre en difficulté la Chancelière Merkel.

Par ailleurs, les autorités des pays conservateurs situés en dehors de la zone Euro, Hongrie et Pologne en particulier, vont y trouver une raison supplémentaire d’être hostile à l’action d’Emmanuel Macron, et chercheront sans doute à enrayer le processus de réforme européenne qu’il souhaite enclencher.

Quant au public français, Il se peut que ce discours lui paraisse bien éloigné de ses préoccupations quotidiennes. En même temps, on pourra s’étonner qu’E. Macron affiche des velléités keynésiennes/interventionnistes pour les affaires économiques européennes et des choix néo-libéraux pour les affaires économiques françaises. Faire la synthèse entre A. Tsipras et P. Gattaz, c’est pour le coup très dialectique. 

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