Ce jour de 2006 où Sarkozy décida de lancer sa campagne présidentielle<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Ce jour de 2006 où Sarkozy décida de lancer sa campagne présidentielle
©

Bonnes feuilles

Claude Guéant a côtoyé, quarante années durant, ministres, patrons, artistes et chefs d’État. Il a fait, comme il dit, "partie du cercle des puissants", sans cesser d’aller à la rencontre des "Français ordinaires". Une vie de travail et de dévouement riche de rencontres, mais qui lui a valu aussi la rancune et la calomnie. Extrait de "Quelques vérités à vous dire" de Claude Guéant, aux Editions de l'Archipel (2/2).

Claude Guéant

Claude Guéant

Claude Guéant est un haut fonctionnaire et homme politique français. Il a été secrétaire général de la présidence de la République française, puis ministre de l'Intérieur, de l'Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l'Immigration.

Voir la bio »

D’un point de vue institutionnel, les relations avec l’Élysée se déroulaient sans accroc. En coulisses, c’était moins évident. Bien des signes étaient donnés que Jacques Chirac n’acceptait pas les ambitions présidentielles de Nicolas Sarkozy. Les tensions étaient vives et Sarkozy s’en montrait très amer. Blessé même, tant il me semble qu’il aurait aimé être lui aussi un « fils politique » pour le président, à l’image d’Alain Juppé. Avec le Premier ministre Dominique de Villepin, les choses se passaient bien. Malgré les remous de l’affaire Clearstream, les deux hommes se rencontraient souvent et travaillaient en bonne intelligence. Une fois par mois, j’accompagnais Nicolas Sarkozy à Matignon pour déjeuner avec le Premier ministre et son directeur de cabinet, Bruno Le Maire. À la belle saison, les déjeuners se tenaient dans le parc. Les conversations étaient toujours détendues. Je n’ai le souvenir d’aucun échange vif. Sans jurer qu’il n’existait aucune arrière-pensée de part et d’autre, ces rapports se déroulaient sans nuages apparents. Le ton de la conversation était même si suave que les scènes dégageaient presque quelque chose d’irréel. Ce type de relation se retrouvera lorsque Nicolas Sarkozy deviendra président. J’ai assisté à nombre de leurs entretiens, tous se sont révélés cordiaux et constructifs. Toujours, j’ai senti entre eux une véritable estime. En 2006, nous sommes passés à la vitesse supérieure. Au printemps, Nicolas Sarkozy m’invita avec ma femme à passer un week-end dans une maison qu’il avait louée dans la palmeraie de Marrakech pour se reposer quelques jours.

L’ambiance était à la détente. Nous faisions de longues promenades dans la ville. Jusqu’à tard le soir, nous bavardions. Mais ce n’était pas pour cela qu’il m’avait convié. Peu de temps après notre arrivée, il m’adouba comme son futur directeur de campagne. En m’annonçant sa décision, il m’offrit un stylo ! Encore une surprise, encore une terrible responsabilité. Ma vie professionnelle m’avait habitué à l’organisation, à l’animation d’équipes, à la connaissance intime des politiques publiques. À travers les postes que j’avais occupés, j’avais acquis une réelle connaissance de la France et des Français. Mais je n’étais pas un homme politique. Les jeux des partis ne m’étaient pas familiers. Je n’avais jamais organisé de tournée électorale ni de meeting. Mais on ne refuse pas une telle proposition. Nul ne peut prétendre que l’ambition ait guidé ma vie professionnelle. Je dirais plutôt que j’ai toujours eu le souci de réussir ce que j’entreprenais. Ce qui me semble assez naturel : lorsqu’on exerce un métier, on souhaite le faire du mieux possible. Je ne voyais donc mon rôle dans la future campagne que comme un nouveau défi qui s’offrait à moi. Le temps de la politique viendra, mais, dans l’immédiat, il fallait se préparer sur le plan doctrinal et programmatique. Dans cette optique, une personne se distingua : Emmanuelle Mignon. Elle quitta le cabinet pour diriger le service des études de l’UMP, où elle accomplit un travail titanesque. Sans doute pour nous affaiblir tous les deux, certains ont voulu nous présenter elle et moi comme des ennemis. C’est vrai que plus tard, à l’Élysée, nous avons eu du mal à définir les frontières de nos responsabilités, et par conséquent notre complémentarité. Mais je voudrais dire ma très sincère admiration pour Emmanuelle Mignon. Pour son intelligence et sa culture hors du commun, mais aussi pour son exceptionnelle capacité de travail.

À la tête de plusieurs groupes de réflexion, elle traitait méthodiquement la plupart des thèmes sur lesquels un candidat est attendu dans une campagne. Ces thèmes faisaient l’objet de débats. Des réunions thématiques se tenaient régulièrement, rassemblant entre trois et quatre cents personnes, experts et militants. Ces réunions étaient l’occasion de tester les idées et de les améliorer. Lorsque nous le pouvions, nous y associions aussi les fédérations départementales de l’UMP afi n de les faire participer à l’élaboration du futur programme. Dès que l’occasion se présentait, Nicolas Sarkozy prononçait des discours dans lesquels il affirmait ses convictions et amorçait ses propositions sur le logement, la formation professionnelle, la santé ou l’éducation. Pour ma part, je réunissais les groupes de réflexion sur la justice, la défense, le logement et l’Afrique. Plusieurs fois par semaine, je rassemblais chez moi ou dans une salle du ministère des experts avec lesquels nous refaisions le monde. Nous esquissions la fi n de la Françafrique avec des spécialistes du développement et des économistes du continent. J’échangeais beaucoup sur ce sujet avec l’un des rares diplomates à nous avoir rejoints : Bruno Joubert, directeur des affaires africaines et malgaches au ministère des Affaires étrangères. Pour ce qui est de la défense, les responsables des principaux instituts de stratégie étaient là, ainsi que de nombreux généraux et amiraux à la retraite. Ce travail de réfl exion fut passionnant sur le plan intellectuel, mais il était avant tout utile pour la campagne, utile pour notre pays.

Extrait de "Quelques vérités à vous dire" de Claude Guéant, aux Editions de l'Archipel

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !