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Il n’y a pas que la baisse dans les sondages... La République En Marche et ses adhérents montrent déjà de sérieux signes d'essoufflement
©TIZIANA FABI / AFP

Flop

Le vote pour les nouveaux statuts de LREM n'a rassemblé qu'un tiers des adhérents du mouvement.

Bruno Cautrès

Bruno Cautrès est chercheur CNRS et a rejoint le CEVIPOF en janvier 2006. Ses recherches portent sur l’analyse des comportements et des attitudes politiques. Au cours des années récentes, il a participé à différentes recherches françaises ou européennes portant sur la participation politique, le vote et les élections. Il a développé d’autres directions de recherche mettant en évidence les clivages sociaux et politiques liés à l’Europe et à l’intégration européenne dans les électorats et les opinions publiques. Il est notamment l'auteur de Les européens aiment-ils (toujours) l'Europe ? (éditions de La Documentation Française, 2014) et Histoire d’une révolution électorale (2015-2018) avec Anne Muxel (Classiques Garnier, 2019).

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Atlantico : Ce jeudi 17 août, les nouveaux statuts de La République en marche​ ont été​ adoptés par 90,6 % des votants. Cependant, ce scrutin n'aurait eu qu'une participation de 32.1% des adhérents, soit 72 066 des 224 640 adhérents de LREM. ​Comment interpréter un tel niveau de participation ? Comment le comparer par rapport aux scrutins internes aux autres partis ? ​

Bruno Cautrès : Comme tout chiffre de participation, il faut bien sûr prendre en compte la base de calcul du pourcentage. Il y a déjà plusieurs observations à faire sur le sujet et un peu de clarification à apporter: dans le communiqué envoyé par mail à ses adhérents le 17 août pour proclamer les résultats, LREM parle de 224 640 membres du mouvement « à pouvoir participer au vote ». C’est sur cette base qu’est calculé le taux de 32.1% de participation au vote sur les statuts du mouvement. Mais si l’on se rend aujourd’hui sur le site du mouvement pour lire les statuts votés, ils parlent de « 373.000 adhérents du mouvement ». Par ailleurs, dans une interview aux Echos parue le 17 août, Arnaud Leroy (membre du conseil d'administration de LREM et qui doit intégrer sous peu la direction collégiale provisoire du mouvement) déclare que « le nombre d'adhérents augmente et on approche aujourd'hui de 400.000 ».  L’écart entre les chiffres (qui est très important) s’explique sans doute par un filtre qui a été mis en place pour pouvoir participer au vote : celui-ci n’était ouvert qu’aux membres du mouvement ayant adhéré depuis au moins 3 mois à la date de la convocation de l’Assemblée générale qui se tenait du 23 au 30 juillet, les dates initialement prévues pour le scrutin (finalement le scrutin s’est déroulé sur presque un mois, le tribunal de Créteil ayant demandé sa prolongation jusqu'au 16 août, à la suite d'une demande de « marcheurs-frondeurs »). Seuls pouvaient participer les adhérents du mouvement ayant adhéré avant le 9 avril 2017. De fait, cela représente un peu plus de 148.000 adhérents qui n’ont pas pu participer au vote. Quoi qu’il en soit, la participation à ce vote des adhérents est faible. Comparer ce chiffre avec les données d’autres votes dans d’autres partis politiques n’est pas totalement simple : la nouveauté de LREM et la forme de l’adhésion (adhésion à 0 euros, en ligne et sans engagement à un corps de doctrine politique) rendent l’exercice délicat. Mais on peut néanmoins rapprocher le chiffre de participation donné le 17 août à celui d’autres votes d’adhérents et de militants d’autres partis politiques.

Lors du dernier congrès socialiste de Poitiers, en juin 2015, 71.140 militants ont participé au vote sur les différentes motions. Compte-tenu du fait que le nombre de militants socialistes à cette date-là était estimé à 131.000, cela fait mécaniquement monter le chiffre de la participation si on le compare au vote des statuts de LREM. De même, on peut noter que le vote de motions lors d’un congrès est sans doute plus mobilisateur qu’un vote sur les statuts. Néanmoins, en nombre absolu de votants, on voit que les deux chiffres de participation sont comparables alors même qu’en 2015 le PS est déjà en pleine crise et qu’en 2017 LREM est en plein essor, ce qui n’est pas un bon signe pour LREM.

Comparé aux Républicains, la participation au vote sur les statuts de LREM apparait également assez faible. Lors dernier congrès de l'UMP, qui avait voté sur la présidence du parti et avait vu Nicolas Sarkozy gagner cette élection interne, un peu plus de 150.000 militants avaient voté, deux fois plus. Le vote qui apparait néanmoins le plus comparable avec celui sur les statuts de LREM, est le vote organisé en mai 2015 par Les Républicain sur leurs nouveaux statuts : 97.440 adhérents avaient voté, une différence d’un peu plus de 25.000 votes avec le scrutin de LREM et un taux de participation de 45.7%. On peut aussi rapprocher les chiffres de participation avec le vote des Insoumis entre les deux tours de la présidentielle : appelés à se prononcer sur la stratégie de la France insoumise face au duel entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron, près de 245.000 militants avaient participé au scrutin, ouvert pendant une semaine, soit près de 3.5 fois plus que pour le vote des statuts de LREM. Il est vrai néanmoins que dans le cas du vote de la France insoumise l’enjeu et le contexte n’étaient pas comparables.

Quels sont les autres signes qui pourraient montrer une forme d'essoufflement du mouvement créé par Emmanuel Macron ? Quels sont les risques les plus importants à éviter, pour que le mouvement ne cesse de suivre cette tendance ?

Nous ne disposons pas encore d’un faisceau d’indicateurs empiriques pour le savoir et cela provient en partie du mode d’adhésion à LREM. Contrairement aux partis traditionnels qui ont un rendez-vous annuel avec leurs adhérents au moment de payer leur cotisation, LREM est un mouvement politique sans cotisation. C’est une bonne chose pour favoriser l’adhésion mais du coup on ne dispose pas d’un précieux indicateur, le nombre de personnes qui ne renouvellent pas leur adhésion. Techniquement parlant, cela pose un problème car les nouveaux adhérents se mêlent aux plus anciens alors que dans cette dernière catégorie on compte des adhérents « dormants » ou des personnes qui ont adhéré au tout début du mouvement par intérêt pour la démarche ou la personne d’Emmanuel Macron mais ne sont plus intéressées aujourd’hui. D’ailleurs sur le site de En Marche ! la procédure pour quitter le mouvement n’est pas apparente. Une contestation interne, certes de faible ampleur en nombre, a vu le jour : des « marcheurs mécontents » ont constitué un collectif appelé "La Démocratie En Marche" et se plaignent du manque de démocratie interne. Si le mouvement LREM ne souhaite pas connaître le sort des formations politiques traditionnelles (un engouement dans la foulée d’une victoire ou d’une promesse de victoire, suivi d’un effet « soufflet qui retombe »), il lui faudra montrer à ses adhérents une vraie capacité d’impulser des idées qui se retrouvent sur la table du conseil des ministres. Si la belle mécanique interne mise au point par les nouveaux statuts (avec des innovations intéressantes comme le tirage au sort d’une partie des membres de certaines instances, la limite dans le temps des responsabilités, l’horizontalité des structures internes) n’intervient que pour valider les choix du gouvernement et du Président ou que ces derniers ne mènent que des opérations de communication à travers la consultation des adhérents, alors LREM subira le même sort que les « vieilles organisations » politiques. Pour le moment, on peut dire que la dynamique d’En Marche semble avoir marqué un ralentissement du pas lors du vote des statuts internes. Quels seront les prochains votes et verra t’on les adhérents amenés à se prononcer en amont sur les projets du gouvernement ?

Ce scrutin a pu se dérouler sur fond de tensions internes, certains militants critiquant leur cantonnement à un rôle de "supporteur". Comment comprendre les causes de cette désaffection ? N'y a-t-il pas un décalage manifeste entre un mouvement qui se voulait "participatif" et la réalité d'un pouvoir venant "d'en haut", incarné exclusivement par Emmanuel Macron ?

Tout le problème que va rencontrer LREM est  bien là. Les objectifs affichés et les statuts adoptés manifestent une vraie volonté de faire militer et vivre le mouvement politique de manière différente à ce qui se passe dans des organisations politiques plus anciennes ; mais mettre en œuvre cela n’est pas simple dans le cadre de nos institutions où l’exécutif domine tout. Par ailleurs, il y a une contradiction potentielle entre la volonté de faire vivre la démocratie « par le bas » et en même temps d’avoir un président « jupitérien ». …..Pour le moment, tout est en devenir et seul le déroulement du processus de décision gouvernemental nous montrera si LREM est là pour dire « oui » à tout.  En somme, un problème bien classique de lien entre l’exécutif, le groupe parlementaire et le parti présidentiel sous la Vème République. Le passé ne plaide pas pour l’optimisme dans ce domaine tant nous avons vu les partis présidentiels souffrir de la contradiction fondamentale entre le soutien au gouvernement et l’une des fonctions essentielles d’un parti, être une machine à produire des idées et à réfléchir…

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