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#100 jours : comment Emmanuel Macron a déjà perdu 8 mois dans son cycle de réformes
©Capture d'écran Dailymotion

Tempus fugit

Alors que le président Macron est installé à l'Elysée depuis 100 jours, un climat de scepticisme est tombé sur la France. Tout un chacun, macroniste ou non, ne reconnait pas l'habileté du candidat, qui semble s'être dissoute

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Au terme de 100 jours de pouvoir, le président Macron est parvenu à faire voter un texte sur la moralisation de la vie politique qui parait bien incomplet aux spécialistes de la question, notamment pour ce qui concerne le délicat sujet des conflits d'intérêts. Et une loi d'habilitation pour les fameuses ordonnances portant sur la réforme du code du travail.

Après 100 jours, il y a un climat de scepticisme qui s'installe car tout un chacun, macroniste ou non, ne reconnait pas l'habileté du candidat qui semble s'être dissoute comme un sucre dans un café chaud. Il suffit de voir la piètre prestation de l'Exécutif sur la question des APL qui a coûté une petite fortune en termes de popularité rapportée aux gains budgétaires modestes inférieurs à 150 millions d'euros.

La France, sous le triste régime de François Hollande, a cumulé en cinq ans plus de 370 milliards de dettes….alors les APL de Gérald Darmanin sont dérisoires autant qu'attentatoires aux intérêts politiques du chef de l'Etat dont la mi-juillet nous a, de manière très sonore, rappelé qu'il était chef des Armées.

En matière budgétaire, les chiffres s'imposent. Le projet de Loi de Finances pour 2017 a vu acter un futur déficit annuel de l'Etat de 68 milliards. Soit 5,7 milliards par mois. Dans un pays dont le " cash burning rate " pour prendre un anglicisme du secteur privé est de plus d'un milliard d'euros par semaine, est-il réaliste de gratter 850 millions d'euros sur le budget déjà tendu de la Défense ? La réponse est dans la question tout autant que le trouble dans l'opinion.

Les APL et le clash frontal avec le Général de Villiers auront sonné l'inflexion de la courbe de popularité du président. Un gaspillage certain pour un gâchis non moins avéré.

Dès le 10 mai, j'avais fait part de mon analyse dans un média national : j'indiquais qu'il fallait impérativement passer par une loi de finances rectificative ( un collectif budgétaire ) début juillet afin de ne pas perdre du temps et d'enclencher un sérieux choc de confiance. (http://lecercle.lesechos.fr/node/169903/).

Hélas, trois fois hélas, il a été décidé de ne pas suivre cette voie ce qui propulse l'arrivée de nouvelles mesures de politique économique au mois de février 2018 soit après le vote du budget et un éventuel recours devant le Conseil constitutionnel.

Compte-tenu de l'euro fort ( proche des 1,20 ) et de plusieurs signaux, il est possible que l'embellie conjoncturelle n'ait plus tout à fait la même vigueur d'ici 6 à 8 mois. Si tel devait être le cas, le quinquennat Macron aurait une saveur amère car excessivement pilotée par des considérations budgétaires.

N'en déplaise à celles et ceux qui ne veulent pas regarder les réalités de la concurrence en face, il est urgent d'élever le niveau d'attractivité de notre pays.

D'évidence, il faut abroger l'hérésie concoctée par le duo Ayrault – Moscovici qui a fait s'aligner, dès 2013, la fiscalité de l'épargne sur celle des revenus du travail : il était urgent de voter le principe énoncé au plan programmatique d'une fiscalité à 30% de l'épargne. Ceci n'a pas été fait en juillet 2017 et rien ne dit que cette mesure lisible et pertinente franchira les herses des contradicteurs lors du vote du budget 2018.

De même, si la réforme de l'ISF destinée à réinjecter des liquidités et autres actifs circulants dans l'économie peut froisser les humanistes sociaux ( à commencer par le présent auteur ), elle n'en demeure pas moins une clef pour qui veut voir la France se replacer dans le concert des nations développées.

L'opacité entoure les montants liés aux exilés fiscaux : certains sénateurs évoquent plusieurs centaines de milliards sur 10 ans. Tel est donc le destin d'un pays qui subit, par excès de socialisme mal pensé, l'hémorragie d'une frange de ses forces productives.

Emmanuel Macron pouvait rêver d'être en 1958 : il aurait pu générer un choc de confiance et de la même manière qu'il a remarquablement réussi son chamboule-tout politique, il aurait pu adosser son action économique à un plan Armand-Rueff. Et ainsi sortir la France de l'ornière dans laquelle les laxismes de François Hollande et de Michel Sapin ( qui n'ont nullement tenu leur promesse de 50 milliards de réduction de la dépense publique ! ) l'ont conduite.

De 1958, il n'y aura pas et il est désormais à craindre que les possibilités de réformer le pays ne soient inférieures, sur le terrain, à la volonté ardente du président de la République.

Quel triste paradoxe d'avoir eu autant d'atouts et de les avoir fait fondre dans la marmite cuivrée des grands confituriers de Bercy dont la technicité avérée ne doit pas cacher le peu de discernement politique. Ils devraient relire " La société de confiance " magistralement décryptée par Alain Peyrefitte.

La rentrée nous surprendra peut-être ( le pays en a besoin…) ou alors nous rapprochera de ce jugement de Vauvenargues : " On n'est pas né pour la gloire lorsqu'on ne connait pas le prix du temps ". ( in Réflexions et Maximes ).

8 mois pour démarrer un autre chemin économique, c'est décidément bien trop long !

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