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Pourquoi la chute du commerce extérieur français doit beaucoup au niveau de qualité de nos produits
©ALAIN JOCARD / AFP

Französisch Qualität

La France est malade de son commerce extérieur. Les derniers chiffres viennent confirmer cette situation qui dure depuis plus d'une décennie.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Concrètement, hors importations pétrolières, notre déficit s'élève à 34,6 milliards d'euros. Pris dans son ensemble, le chiffrage est fort préoccupant : 48,1 mds en 2016 et 45,7 mds de déficit en 2015.

C'est par conséquent une tendance lourde qui conduit certains économistes et certains politiques à pointer du doigt le volume de nos importations.

Imaginons que le siège principal de la question se situe effectivement du côté des importations, cela signifierait que les Français accordent peu de cas au " made in France " et une propension excessive à consommer étranger.

La réalité est plus complexe. Tout d'abord, dans bien des produits français, on trouve des intrants étrangers. A hauteur d'au moins un tiers en moyenne. Puis, nous avons un système fiscal qui fait, à son corps défendant, la part belle à l'importation. Prenons un cas d'actualité, la future hausse de près de 20 milliards de la CSG est un cadeau indirect pour les importations qu'elle ne frappera pas contrairement à la Tva dite sociale qui, elle, aurait impacté tous les prix de tous les produits.

Autrement dit, nous aurions intérêt à revisiter notre dispositif fiscal ( les impôts sur la production ) et à garder en mémoire qu'un équilibre commercial est un clignotant essentiel d'une économie moderne.

Pour ma part, attaché à une liberté du commerce version GATT plutôt que OMC, j'estime que notre déficit commercial a des racines côté exportations.

Premier élément, nous devons monter en gamme. Chacun peut prendre un exemple illustratif. Pour ma part, je suis bien obligé de constater que VW a su, en dix ans, transformer Skoda en un constructeur très compétitif au point que ses modèles haut de gamme dépassent nettement le standing, la fiabilité et le design de nos modèles nationaux. Qui se souvient de l'échec de la fusion en 1988 entre Volvo et Renault ? D'un côté, il y avait une armée de sceptiques qui vilipendaient le projet de Raymond Lévy. D'un autre côté, il y avait des visionnaires qui voulaient adjoindre un constructeur de niche haut de gamme ( Volvo ) à un constructeur de volumes. Le modèle vainqueur du type Audi / VW !

Objectivement, il y a plus d'un écart de compétitivité entre une Volvo et une Renault. Clairement, le rapport Gallois était parcellaire. Voir notre texte assez détaillé de 2012.

Focalisées sur la compétitivité par les prix, les décisions issues du rapport Gallois du type CICE n'ont que restauré " à la marge les marges d'exploitation " et n'ont pas apporté de pleine puissance aux notions d'investissements et d'emplois. L'investissement qui repart, c'est le fruit du dispositif fiscal avantageux de surinvestissement hélas abandonné en avril 2017.

Il est donc regrettable que les foyers de compétitivité hors-prix n'aient pas fait l'objet d'un travail aussi exhaustif que celui réalisé par Louis Gallois.

Une étude remarquable de la Direction du Trésor de janvier 2014 permettait d'établir un lien entre nos faiblesses exportatrices et nos carences dans le hors-prix.

Dans les années 1990, une étude diligentée par Gérard Longuet au " Mouvement Français pour la Qualité " avait permis de conclure que près de 12% du chiffre d'affaires des entreprises était englouti dans la non-qualité.

Quatre sources dangereuses nourrissent cette non-qualité : les rebuts, retouches et autres qui forment la non-qualité interne. La non-qualité finale visant les sujets de pénalités pour livraisons tardives, les réclamations et la mise en action de garanties. Entre ces deux premiers foyers se tiennent les coûts de détection et les coûts de prévention.

Le coût d'obtention de la qualité est une variable qui est fort mal appréhendée par les systèmes de comptabilité analytique qui " comptent les morts " de ce champ de bataille et n'aident pas à totalement appréhender ce que je nomme les incinérateurs de profit.

Or, à l'heure présente, bien des démarches qualités ont été absorbées par d'autres outils de management à spectre plus large donc parfois moins efficients comme le révèle un tableau de synthèse établi par Bain & Company.

La France cumule donc des imperfections dans sa spécialisation internationale définie par David Ricardo et par de nombreuses études du CEPII  avec des geysers de non-qualité. L'exemple coûteux de la cuve de l'EPR partiellement déficiente ne permet pas d'être optimiste pour les différents chantiers nucléaires.

France Qualité rappelle avec insistance la dimension du défi, il n'en demeure pas moins que trop de PME ou de filiales de grands groupes sont peu sensibilisées. L'ancien président de Schneider, Henri Lachmann, l'a pourtant démontré clairement à plus d'une occasion et en conclut frontalement qu'en France " on ne sait pas travailler ensemble ".

Un autre industriel, pragmatique autant que lucide a récemment déclaré : " Maintenant la France, c'est la qualité espagnole au prix allemand. Ce n'est pas tenable ! ".

Cela le sera d'autant moins si l'euro repart à la hausse au point d'atteindre le cap symbolique des 1,20.

Après analyse et travaux en entreprises, j'appelle à une fertilisation croisée entre le " lean management " qui vise la gestion frugale et débarrassée de gaspillage et la " balanced scorecard " des Professeurs Norton et Kaplan qui vise à auditer en permanence mais de manière interactive les forces et faiblesses de l'entreprise. Sur le terrain, cela marche et dégage des résultats totalement tangibles.

La France est un grand pays qui a su gagner la bataille du charbon ou la bataille du rail. Plus d'un demi-siècle après, il est urgent que la compétitivité hors-prix soit un vrai sujet et non un reliquat de pensées flasques pour nos décideurs.

A défaut, nous resterons avec plus de 50 milliards de déficit extérieur ce qui est intenable sur la distance.

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