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Affaire des oeufs contaminés : ce que vous risquez en cas d’intoxication au fipronil
©Reuters

Santé

Le scandale alimentaire des œufs touche désormais la France. Des lots d’œufs traités au fipronil, commercialisés aux Pays-Bas ont été distribués en France. Difficile de dire aujourd'hui s'ils se sont retrouvés dans le commerce.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Quel est ce produit appelé fipronil ?

Stéphane Gayet : Le fipronil (dénomination commune internationale ou DCI) est un produit chimique. Il s’agit chimiquement d’une amine soufrée, fluorée et chlorée qui contient un cycle pyrazole et un cycle phényle. C’est ainsi une molécule appartenant au groupe des phényl-pyrazoles.

Quelles sont les propriétés du fipronil ?

Les phényl-pyrazoles sont des biocides (produits qui attaquent la matière vivante) à effet principalement insecticide.

Physiquement, c’est une poudre blanche thermostable, qui résiste à la température de 200 °C. Il est pratiquement insoluble dans l’eau, mais soluble dans les solvants organiques polaires (acétone, acétate d’éthyle et méthanol).

Le fipronil est commercialisé depuis 1994. Il est utilisé comme insecticide à très large spectre. Il est en particulier efficace sur les coléoptères, diptères, orthoptères et hyménoptères. Il va donc sans dire qu’il est létal pour les abeilles.

Quelles sont les utilisations du fipronil ?

Ce produit fait l’objet d’une large utilisation en agriculture, car les insectes font partie des principaux dangers pour les produits agricoles. Il est plus particulièrement employé pour traiter les semences (céréales en général, dont le maïs ; riz, tournesol), les sols (pour toutes les cultures) et même les locaux de stockage des semences et récoltes végétales. Il est également utilisé en médecine vétérinaire contre les poux, puces et tiques (ces dernières ne sont pas des insectes).

En France l’enrobage des semences (maïs, tournesol, orge…) à base de fipronil a pris une ampleur croissante depuis 1996.

Comment le fipronil peut-il se retrouver dans les œufs ?

Le fipronil est facilement absorbé par voie digestive d’une façon générale. De plus, une assez importante fraction de la quantité absorbée par une poule se retrouve dans ses œufs.

De façon courante, la poule peut avoir dans son alimentation des quantités extrêmement faibles de fipronil qui ne constituent pas un danger pour l’homme. Mais dans l’affaire en cours, le fipronil est utilisé comme insecticide vétérinaire pour lutter contre une épidémie de parasitose à pou rouge sévissant dans les élevages de volailles. Ce qui a conduit à des résidus dans les œufs en quantités très supérieures aux valeurs habituellement constatées. Ce phénomène très préoccupant a pris une grande ampleur européenne.

Quels sont les risques liés au fipronil ?

L’absorption digestive après ingestion orale est importante, entre 80 et 90 %. Le produit est ensuite largement distribué dans les différents organes.  Le fipronil ainsi que son métabolite sulfoné sont éliminés dans l’urine.

Sa toxicité est importante. Faisant référence à l’annexe 1 du règlement CE n° 1272/2008, il est toxique en cas d'ingestion (H 301), toxique par inhalation (H 331), toxique par contact cutané (H 311), il comporte un risque avéré d’effets graves pour les organes à la suite d’expositions répétées ou d’une exposition prolongée (H 372) et il s’avère très toxique pour les organismes aquatiques, entraînant des effets néfastes à long terme (H 410). Il entraîne la mort des rats à des concentrations un peu inférieures à 100 mg/kg (par ingestion orale). Sa toxicité chronique apparaît pour une dose quotidienne de 0,0002 mg/kg/jour.

Sa toxicité aiguë chez l’homme :

L'exposition professionnelle à des préparations à base de fipronil est susceptible d'entraîner une irritation oculaire, de la sphère ORL et des voies respiratoires inférieures. Plusieurs cas de prurit, d'éruption cutanée ainsi que des signes d'irritation ont été rapportés. Des signes neurologiques transitoires à type de céphalées, vertiges et paresthésies (sensations de fourmillements, principalement dans les membres) ont été décrits. Les effets attendus en cas d'intoxication aiguë systémique (après absorption digestive), au vu du mécanisme d'action du fipronil et des données expérimentales, sont neurotoxiques et principalement des convulsions ; ce type de complication a été rapporté dans plusieurs observations publiées.

Sa toxicité chronique expérimentale :

Les animaux sur lesquels ont été pratiqués des tests de toxicité sont des mammifères : le lapin, le rat et la souris, ainsi que le chien. Les tests de génotoxicité sont effectués sur des bactéries ainsi que sur des cellules de mammifères.

Les études expérimentales relatives à la toxicité chronique du fipronil mettent en évidence une neurotoxicité (pour des doses fortes), une atteinte hépatique (hépatite chronique hypertrophique : augmentation de volume du foie) et une atteinte thyroïdienne (stimulation thyroïdienne excessive). On a montré qu’il existait une diminution de l’appétit et un amaigrissement. Une diminution de la fertilité a été observée uniquement pour de fortes doses. Ce produit s’est avéré non cancérogène.

Quels sont les seuils de toxicité ?

Etant donné la toxicité de ce produit, les professionnels qui travaillent dans des entreprises où il existe une exposition au fipronil font l’objet d’une surveillance spécifique régulière. On admet comme valeur limite pour la concentration dans le sang du produit celle de 50 ng/ml, ce qui confère un facteur de sécurité de 10 (toxicité observée à partir de 500). Aucun cas d’intoxication professionnelle chronique (ni aiguë) n’a été constaté.

La dose journalière admissible (DJA) a été déterminée (Commission des toxiques en agriculture et Comité mixte : Food and agriculture organization ou FAO et Organisation mondiale de la santé ou OMS) à partir de la plus faible dose sans effet nocif pour l’ensemble des expérimentations, à laquelle un facteur de sécurité de 100 a été appliqué pour rendre compte de la variation de la susceptibilité inter-espèce et inter-individuelle. La dose sans effet nocif la plus faible est celle de l’étude long terme sur le rat soit 0,019 mg/kg de poids corporel et par jour, ce qui conduit à une DJA de 0,0002 mg/kg de poids corporel et par jour.

Les enfants en bas âge sont les plus vulnérables. La teneur maximale en résidus pour les produits commerciaux destinés à l'alimentation infantile et prêts à être consommés ou reconstitués est fixée à 0,004 mg/kg.

Pour les œufs, l’estimation la plus sévère pour une limite maximale en résidus (LMR) est de 0,003 mg/kg.

Que faut-il retenir sur cette alerte sanitaire ?

Il est peu probable, même avec la contamination accidentelle des œufs, d’atteindre le seuil toxique pour que surviennent des manifestations aiguës. Les intoxications aiguës provoquées chez l’animal nécessitent de très fortes doses sans commune mesure avec les résidus pouvant être trouvés dans les œufs contaminés. Toutefois, il faut être très prudent avec les enfants en bas âge qui sont beaucoup plus sensibles à tous les toxiques en général.

Le risque sanitaire réel dans l’affaire qui nous occupe est une intoxication chronique. Mais il faudrait pour cela, d’une part la poursuite dans le temps de la contamination des œufs à cette dose, d’autre part une consommation très régulière d’œufs contaminés.

En revanche, cette affaire a le mérite d’attirer notre attention sur un pesticide très utilisé en agriculture et même en médecine vétérinaire (les personnes ayant des animaux domestiques traités par voie externe avec le fipronil sont finalement les plus exposées).

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