Intégration de l'état d'urgence dans le droit commun : y a-t-il des dispositifs pour nous protéger du détournement de mesures "d'exception" dans d'autres objectifs que la lutte antiterroriste ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Style de vie
Intégration de l'état d'urgence dans le droit commun : y a-t-il des dispositifs pour nous protéger du détournement de mesures "d'exception" dans d'autres objectifs que la lutte antiterroriste ?
©Reuters

Sécurité avant tout

L'Etat d'urgence est prolongé jusqu'au premier novembre. Le gouvernement fait le choix de lois toujours plus dures pour faire face à la menace terroriste. Au risque de perdre une partie de nos libertés individuelles.

Gérald Arboit

Gérald Arboit

Gérald Arboit est directeur de recherche au Centre français de recherche sur le renseignement  et chargé de cours dans plusieurs universités français (Colmar, Strasbourg, Metz).

Voir la bio »

Atlantico : Quelles sont les dispositifs de contrôle prévus pour que les mesures exceptionnelles, liées à la lutte antiterroriste (et qui serait intégrées dans le droit commun),  ne soient pas appliqué dans d'autres cas que le terrorisme sans contrôle ni limitation ?

Gérald Arboit : Nous n'avons pas vraiment de dispositifs juridiques qui garantissent de rester dans un Etat de droit démocratique. Les politiques de gauche comme de droite ont d'ailleurs dit qu'il fallait abandonner une part de nos libertés individuelles pour gagner en sécurité. Personnellement, je ne suis pas certain qu'ouvrir son sac à l'entrée d'un magasin permette de lutter contre le terrorisme… 

La régulation et le contrôle passe par le juge judiciaire. Il doit être capable d'intervenir et de réguler ce système. Le problème c'est que pour l'heure nous sommes sur un contrôle à posteriori du juge. C'est à dire qu'il n'intervient plus pour autoriser une opération de privation de liberté, il n'intervient qu'après que l'atteinte ait eu lieu afin de la constater ou décréter qu'elle n'a pas eu lieu. Ce n'est d'ailleurs plus le juge judiciaire qui a ce rôle mais le juge administratif. 

Ce sont des choses qui sont inscrites dans l'Etat d'urgence, des mesures transposées dans le droit commun à partir de que contient l'Etat d'urgence.

On sait qu'aux États-Unis beaucoup de mesures antiterroristes finissent par être utilisé dans la lutte antidrogue (quasiment 80 % des cas). Qu'en est-il de la France ?  Comment éviter cela ? 

C'est exact mais aux Etats-Unis la guerre contre la drogue est une guerre lancée depuis 1980 et qui est égale voire supérieure aux questions terroristes. Donc que cette lutte se nourrisse des mesures offertes par le Patriot Act est assez logique. 

Cela dit nous avons quelques exemples de ce type. Je pense à la fermeture administrative des lieux de cultes : on élargit les champs de possibles avec l'Etat d'urgence et ce sera utilisé dans d'autres champs que le terrorisme comme celui de l'intégrisme religieux. 

L'assignation à résidence : là on est dans quelque chose de plus scabreux  car on avait assigné à résidence des écologistes au moment de la Cop 21 en utilisant la capacité offerte par l'Etat d'urgence. Nous risquons bien de voir cette procédure réutilisée de la même façon envers les personnes qui présentent un problème quelconque. 

Il y a aussi les perquisitions administratives : là on est dans une totale atteinte à la liberté individuelle. N'importe qui pourra être sujet à une perquisition  sous prétexte qu'on aura suspecté une atteinte ou une fréquentation de terroriste. Et vu nos capacités à détecter les terroristes en ce moment, n'importe qui peut être soumis à ce genre de perquise.

L'état d'urgence se fait-il au détriment de la liberté selon vous ? Quel pourrait être le juste milieu entre sécurité et liberté ? Les Israéliens par exemple semblent pouvoir distinguer ce qui leur permet de lutter contre le terrorisme et la garantie de rester un état de droit démocratique… 

Les israéliens sont en situation de guerre vis-à-vis des palestiniens. On peut faire accepter à une nation en guerre une mesure qu'on ne peut pas faire accepter à un pays qui est en paix comme la France. Ils ont défini la menace terroriste et d’où elle pouvait provenir.

Ce n'est pas le cas chez nous. En France, on nous a dit que l'ennemi c'est Daesh. Mais quel est l'état de Daesh en France ? Tant que l'on raisonnera sur cette menace particulière qui nous viendrait de l'étranger, tant que nous aurons peur, nous prendrons des mesures pour nous protéger. De quoi ? Je ne sais pas, mais le but premier est d'avoir moins peur. 

Un exemple frappant : le fait de faire patrouiller des militaires dans les rues. Ça n'est d'aucune utilité pour lutter contre le terrorisme, mais ça rassure. On sait très bien que l'Etat d'urgence n'apporte rien. De toute manière, les principales arrestations qui devaient être faites ont eu lieu dans les trois mois qui ont suivi le 13 novembre 2015. Après ça nous avons eu des astreintes administratives, des procédures, mais cela n'a pas empêché les tentatives d'attentats.  

Il serait peut-être temps d'arrêter de jouer avec le terrorisme et de s'interroger sur les véritables raisons du terrorisme. Et surtout, il faut arrêter de grignoter nos libertés individuelles. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !