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Inutile... mais plutôt un bon souvenir : la guerre d'Algérie vue par ses anciens soldats
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Paradoxe

Alors qu'on célèbre le cinquantenaire des Accords d'Evian, un sondage IFOP révèle deux paradoxes : les soldats français qui servaient en Algérie gardent majoritairement un bon souvenir de leur guerre d’Algérie (même s'ils estiment à 80% que des crimes ont été commis des deux côtés et autant que cette guerre était inutile).

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Atlantico : Quelles sont les conclusions de ce sondage sur l'opinion des anciens combattants d'Algérie ?

Jérôme Fourquet : On s'aperçoit que la guerre d'Algérie est un passé qui continue de hanter de manière fréquente la mémoire de ces hommes qui ont servi. Pour autant ils sont très peu à en parler à leurs proches. Si on regarde la première question, 71% des anciens combattants "repensent à ce qu'il ont vu et fait..." et 24% y pensent souvent. Il suffit de regarder autour de soi les anciens d'Algérie pour saisir qu'ils sont très peu à en parler. La preuve : quand on leur demande : 38% seulement d'entre eux en parlent en famille. 

Question : Vous arrive-t-il souvent, de temps en temps, rarement ou jamais… ?

Les souvenirs de la guerre d'Algérie

Atlantico : Peut-on pour autant comparer ces résultats avec d'autres anciens combattants du Viet-Nam ou de la Seconde guerre mondiale ?

- Souvent on parle du "passé qui ne passe pas" avec cette histoire un peu tabou avec les harkis, les rapatriés... auquel 70% pensent encore sans pour autant qu'une grande partie d'entre eux puisse en parler. Un des enseignements forts de cette enquête, c'est que la majorité des anciens combattants conservent "plutôt de bons souvenirs" alors que ceux-ci devaient pourtant être un peu noirs. Plus on a eu tendance à servir longtemps, et plus on en a de bons souvenirs.

Question : Concernant votre service militaire en Algérie, quand vous y repensez aujourd’hui, diriez-vous que en avez …?

Leur vision de la guerre et de sa finalité

- On observe (plus bas) que la grande majorité (80%) des anciens d'Algérie sont fiers d'avoir servi. D'ailleurs, plus ils ont servi longtemps et plus leur souvenir de la guerre d'Algérie est bon et moins ils s'opposent à l'envoi des appelés - comme si la longueur du séjour faisait d'eux des soldats plus "professionnels". Une minorité non négligeable (38%) estiment que les appelés n'auraient pas dû partir en Algérie : cela révèle un attachement au devoir malgré l'opposition de principe.

Plus des trois quarts (79%) ont conscience que "des atrocités ont été commises des deux côtés". Ils sont sensiblement le même nombre à penser que "cette guerre a été inutile". C'est un des paradoxes de ce sondage puisque les anciens combattants ont majoritairement de bons souvenirs dans cette guerre qu'ils jugent inutile. Enfin, une courte majorité estiment que les émissions consacrées à la guerre d'Algérie ne représentent pas la réalité - il est à parier que depuis 2004, date à laquelle le sondage a été fait, d'autres émissions ont peut-être modifié leur point de vue.

Question : Voici un certain nombre d’opinions que l’on peut entendre sur la Guerre d’Algérie. Pour chacune d’entre elles, vous me direz si vous êtes tout à fait d’accord, plutôt d’accord, plutôt pas d’accord ou pas d’accord du tout ?



La relation avec les autorités françaises

- Les anciens d'Algérie estiment que leurs proches, les médias (voir plus haut) et (plus bas) ne les comprennent pas et que les autorités les ont oubliés. On est bel et bien dans un sentiment global d'incompréhension. C'est un sentiment partagé par beaucoup d'anciens combattants d'Algérie, du Vietnam pour les Américains, d'Afghanistan ou d'Irak pour les Britanniques qui ne réussissaient pas à parler de ce qu'ils avaient vécu... Sans oublier la frustration générée par le manque de considération de l'Etat.

Question : Diriez-vous que les autorités et la société françaises… ?

Un jour de commémoration pour l'Algérie 

Les frustrations qui pourraient sans doute s'apaiser grâce à la création d'un jour de commémoration dont 68% estiment qu'il est indispensable. 

Question : Après la reconnaissance de la Guerre d’Algérie en 1999 et l’inauguration d’un Mémorial national en 2002, estimez-vous justifié ou non le fait qu’une cérémonie du souvenir, officielle et nationale, soit organisée chaque année à la mémoire des soldats français tombés en Afrique du Nord, pendant la Guerre d’Algérie notamment ?

Les relations de la France avec l'Algérie.

En dépit de souvenirs douloureux et malgré le fait qu'ils aient laissé une partie de leur jeunesse pendant la guerre, les anciens d'Algérie ne nourrissent pas de rancune à l'égard de l'Algérie puisque les trois quarts approuvent la politique de réconciliation entre les deux pays. Les choses se sont apaisées, et plus haut, on voyait qu'ils estimaient très largement (76%) l'indépendance de l'Algérie comme allant dans le sens de l'Histoire.

Question : Vous savez que le Gouvernement français a entrepris depuis ces dernières années une politique de rapprochement et de réconciliation avec l’Algérie. Personnellement, approuvez-vous ou désapprouvez cette politique ?



Curieusement, les anciens d'Algérie préfèrent les Algériens vivant en France aux pieds-noirs ?

Oui. On a noté une incompréhension générale entre les Français de Métropole et les pieds-noirs avant la fin de la guerre et le rapatriement. C'était très net. Cette image est parfois même un peu négative. Les appelés du contingent l'ont véhiculée car ils avaient l'impression de "faire la guerre" pour ces pieds-noir avec lesquels les relations n'étaient pas forcément très bonnes - notamment à la fin du conflit, quand l'OAS (Organisation armée secrète) a commis des attentats en se heurtant parfois avec les troupes françaises. Cela a pu ouvrir des plaies qui ne sont toujours pas refermées... On peut l'expliquer aussi par le sentiment d'appelés qui sont arrivés dans un pays colonial, aux écarts de richesses très importants, avec du racisme et peut-être donc une image des pieds-noirs un peu écornées. Mais on demeure à 62%. Les harkis, eux ont une bonne image à 93%

Question :Diriez-vous que vous avez une très bonne image, une assez bonne image, une assez mauvaise image ou une très mauvaise image... ?


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Méthodologie : Ce document présente les résultats d’une étude réalisée par l’Ifop. Elle respecte fidèlement les principes scientifiques et déontologiques de l’enquête par sondage. Les enseignements qu’elle indique reflètent un état de l’opinion à l’instant de sa réalisation et non pas une prédiction.

Aucune publication totale ou partielle ne peut être faite sans l’accord exprès de l’Ifop. Étude réalisée par l'Ifop pour l’Ancien d’Algérie / La FNACA

Échantillon de 400 personnes ayant servi en Algérie, extrait d’un échantillon national représentatif de la population française masculine âgée de 62 à 72 ans. La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (âge, ancienne profession) après stratification par région et catégorie d’agglomération. Les interviews ont eu lieu par téléphone au domicile des personnes interrogées, du 14 au 17 décembre 2004.

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