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Mossoul est libérée... et de nouveaux ennuis apparaissent pour l'Irak
©MOHAMED EL-SHAHED / AFP

Etat islamique

Le Premier ministre irakien a annoncé la libération de Mossoul. Pour autant, la lutte contre l'Etat islamique est loin d'être finit en Irak et le pays est loin d'être stabilisé.

Frédéric Encel

Frédéric Encel

Frédéric Encel est Docteur HDR en géopolitique, maître de conférences à Sciences-Po Paris, Grand prix de la Société de Géographie et membre du Comité de rédaction d'Hérodote. Il a fondé et anime chaque année les Rencontres internationales géopolitiques de Trouville-sur-Mer. Frédéric Encel est l'auteur des Voies de la puissance chez Odile Jacob pour lequel il reçoit le prix du livre géopolitique 2022 et le Prix Histoire-Géographie de l’Académie des Sciences morales et politiques en 2023.

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Atlantico : Le Premier ministre irakien a annoncé la libération de Mossoul du joug de l'Etat islamique qui l'occupait depuis 2014, marquant ainsi la fin de plus de 9 mois de combats. Pour autant, cette déclaration n'est-elle pas un peu prématurée considérant que 700 combattants de l'EI sont toujours en train de combattre sur place  et que d'autres se font passer pour des civils ? Si cette déclaration est effectivement prématurée, comment l'expliquer ?

Frédéric Encel : Si, c'est prématuré. Mais en même temps, que faire lorsqu'on dirige l'Etat dont l'armée s'acharne depuis des mois à tenter de déloger quelques milliers de fanatiques de la deuxième ville du pays ?... Le premier ministre irakien était pressé d'annoncer une victoire militaire, politiquement fondamentale pour lui. Or en effet, non seulement l'on risque d'assister au déclenchement d'une guérilla urbaine à base de "kamikazes", mais encore la question de l'islamisme radical - sur le territoire irakien comme ailleurs - n'est absolument pas réglée ; et pourtant c'est bien là que réside le problème. Daesh peut bien perdre militairement, l'essentiel est ailleurs, dans la capacité des djihadistes et de leurs alliés à démontrer qu'ils peuvent frapper où, quand et qui bon leur semble à travers le monde.

Même si la ville est libérée est-ce pour autant définitif ? Une stabilisation de la région est-elle envisageable considérant d'une part les revendications kurdes  et de l'autre le problème entre les sunnites du nord et Bagdad Chiite?

Rien n'est jamais définitif. Cela dit, on peut penser que techniquement et militairement, c'en sera bientôt fini du Califat djihadiste dans la région. Restera peut-être le plus compliqué : bâtir un Irak stable et pacifié. Les Kurdes, dont les combattants ont grandement contribué à libérer Mossoul et bien d'autres zones, voteront bientôt une fois de plus en faveur de leur indépendance - qu'ils possèdent déjà de facto - et refuseront de retourner à une soumission à un pouvoir arabe ; le souvenir des gazages, massacres et spoliations du despote arabe Saddam Hussein les hantent encore... Quant aux arabes sunnites, minoritaires, ils rejettent un pouvoir aux mains des chiites, d'où sans doute la complaisance d'une partie des habitants de Mossoul (tous sunnites) avec Daesh lors de sa prise de contrôle en 2014. 

Que risque-t-il de se passer à court ou moyen terme pour l'Irak et le Moyen-Orient ?

Je ne crois pas à un retour au statu quo ante. L'Irak forgé artificiellement par les Britanniques en 1931 est mort. Une partition aura lieu, soit sous la forme d'un fédéralisme très poussé, soit carrément via une partition ethno-confessionnelle du pays. Seulement voyez-vous, on retrouve ce morcellement, ce que j'ai appelé une "balkanisation", un peu partout dans le monde arabe, de la Syrie à la Somalie et du Yémen au Sinaï égyptien en passant par le Soudan et la Libye. A chaque fois, la situation est bien entendu différente des autres, mais un point commun prévaut : la montée en puissance du clanisme, du tribalisme et de la haine confessionnelle, au détriment de la notion de watan, la nation. Résultat : jamais les Arabes n'ont connu depuis les indépendances un tel état de désunis, d'affaiblissement, de guerre civile et sans doute de corruption. Prenez les pourparlers ouverts cet hiver entre parrains sur l'après guerre en Syrie, un Etat arabe ; il y avait la Russie, la Turquie et l'Iran, c'est à dire... aucun Etat arabe !  Eh bien cette balkanisation, elle frappe aussi de plein fouet l'Irak, et la chute des barbares djihadistes de Mossoul n'y changera hélas pas grand chose...  

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