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Aides au logement : pourquoi le gouvernement doit viser une véritable réforme du marché du logement pour réduire vraiment la pression sur les aides publiques.
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Occasion à saisir

Dans son discours de politique générale du 4 juillet dernier, Edouard Philippe a désigné les aides au logement comme source potentielle d'économie.

Pierre-François Gouiffès

Pierre-François Gouiffès

Pierre-François Gouiffès est maître de conférences à Sciences Po (gestion publique & économie politique). Il a notamment publié Réformes: mission impossible ? (Documentation française, 2010), L’âge d’or des déficits, 40 ans de politique budgétaire française (Documentation française, 2013). et récemment Le Logement en France (Economica, 2017). Il tient un blog sur pfgouiffes.net.
 

Vous pouvez également suivre Pierre-François Gouiffès sur Twitter

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Atlantico : Dans son discours de politique générale du 4 juillet dernier, Edouard Philippe a désigné les aides au logement comme source potentielle d'économie, en déclarant « nous devons repenser les politiques publiques qui pèsent sur nos actifs sans suffisamment de résultats. Nous dépensons deux fois plus que nos voisins dans l’aide au logement, et pourtant les Français continuent d’éprouver des difficultés à se loger ».Dans le cas où le gouvernement mettrait en pratique cette volonté de réduire les aides au logement, quels seraient les politiques à mettre en œuvre afin de compenser les personnes concernées ?

Pierre-François Gouiffès : Les propos du Premier ministre renvoient à un fort consensus politico-médiatique mettant en regard les moyens publics importants consacrés au logement et les résultats en la matière… sans qu’il y ait d’ailleurs un quelconque consensus sur les résultats à obtenir et le plus souvent en oubliant que le secteur du logement est également un contributeur très important aux finances publiques comme je l’avais rappelé dans un autre article d’Atlantico.

La plus grande partie des dépenses concerne la solvabilisation des locataires via les aides au logement. La littérature économique considère de façon générale que ces aides sont « capturées » par les bailleurs : la solution – progressive – consisterait à libérer l’offre pour obtenir une baisse (ou une moindre progression) des loyers.

Concernant les bailleurs notamment privés, il faut avoir une vision globale incluant certes les aides publiques (incitation à l’investissement locatif par exemple, TVA à taux réduit sur les travaux) mais aussi la fiscalité : il faut respecter leur droit au rendement tout autant que le droit au logement des locataires.

Enfin, il faut avoir conscience que le segment de la dépense logement qui a le plus flambé et de loin concerne le secteur de l’hébergement d’urgence du fait du développement de la pauvreté et de l’impact des flux migratoires. Les aides à l’hébergement sont dans ce cas là uniquement en bout d’une chaine de politiques publiques et c’est beaucoup plus en amont que cela se joue.

En prenant une telle hypothèse de départ de réduction des aides, et dans  un cadre général, quelles seraient les mesures alternatives permettant de fluidifier le marché du logement en France ?

Il me semble inapproprié de regarder le secteur du logement avec les seules lunettes budgétaires, même si c’est bien sûr important puisque le logement, avec sa dominante de dépenses de natures sociale,a contribué à la dérive des comptes publics français dont le vecteur majeur est la dépense sociale la plus élevée du monde.

A mon sens la principale difficulté – et la principale zone de progrès – du secteur du logement consiste à maîtriser la part du logement dans le budget des ménages mais à le faire en respectant toutes les parties prenantes et donc les bailleurs. Il faut pour cela fluidifier le marché par exemple en libérant l’offre. Le discours de politique générale évoque ainsi la simplification de la production des droits à construire et la volonté de remonter la gestion de ces droits au niveau intercommunal.

C’est un très vaste chantier, car il faut sortir d’une situation où des doutes existent tant dans le fonctionnement efficient des marchés du logement que dans l’impact des politiques publiques. Comme je le propose dans mon libre « Le logement en France », l’idéal serait de parvenir à un fonctionnement efficient des différents marchés du logement mais dans la cadre d’une régulation tenant compte des puissantes dimensions sociétales du logement, dont il ne faut pas oublier qu’il constitue pour chacun la condition d’une vie digne. On en est encore loin avec une faible confiance dans le marché de certains et une surintervention publique au service d’objectifs multiples quand ils ne sont pas contradictoires.

Le Premier ministre compare les aises publiques au logement en France avec celles des pays voisins. Quelles sont les leçons à apprendre de nos voisins dans ce domaine ?

Limitons-nous à regarder la situation de nos deux grands voisins. En Europe le pays qui au final ressemble le plus à la France est la Grande-Bretagne, avec un niveau de dépenses publiques encore plus élevé que la France et un secteur du logement social qui demeure de grande taille même après la cession d’une partie importante du parc dans le cadre du « right to buy » thatchérien.

L’Allemagne est un exemple encore plus intéressant et sa situation a fait l’objet d’un article récent de Guillaume Duval dans Atlantico. L’application du paradigme ordo libéral au logement a consisté à disposer d’un système où le fait que le logement ne soit pas cher et n’augmente pas fasse l’objet d’un consensus. Cela a eu pour l’Allemagne de multiples avantages : des loyers bas cela veut dire pas ou peu d’aides publiques au locataire et pas de pression sur le secteur du logement social, cela veut dire également une acceptabilité beaucoup plus forte de la modération salariale en lien avec la volonté de l’Allemagne de demeurer une grande puissance industrielle.

L’Allemagne connaît toutefois depuis cinq ans une rupture de cet équilibre (forte hausse des prix à Berlin, Hambourg et Munich), d’où la proposition d’Angela Merkel de produire 1,5 millions de logements si elle est réélue.

L’exemple allemand montre s’il en était besoin la nécessité de mettre les politiques du logement en cohérence avec l’ensemble de l’action publique et notamment les questions liées au développement économique, à l’emploi et au pouvoir d’achat.

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