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Le baril (de poudre) pétrolier mondial
©Reuters

TNT

43 dollars pour 159 litres (un baril) de pétrole WTI (West Texas Intermediate) : c’est le prix actuel. C’est aussi celui de mi-septembre 2016. Qu’il est donc loin, le 106 dollars du 13 juin 2014, avec cette belle et longue plage de 100 dollars, de mars 2011 à juillet 2014 ! Oubliée, disparue !

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Et quelle horreur que ce 29 dollars du 12 février 2016 ! Le drame, la faillite, des entreprises, du secteur, des états pétroliers ! « Pomper moins, pour gagner plus » : quelle joie alors, quand l’Opep annonce qu’elle va réduire sa production pour réduire les stocks, puis la surproduction mondiale. Alors, avec un prix un peu plus bas pendant quelque temps, l’économie mondiale repartira. Assez vite, on aura besoin de plus de pétrole et son prix remontera. Il faut donc tous se serrer aujourd’hui la ceinture. L’Arabie Saoudite est prête à le faire, et même plus que les autres, dont elle connaît les coûts de production et les difficultés financières. En même temps, ceci expliquant cela, elle veut élargir le périmètre de l’Opep (notamment à la Russie). Elle veut une Opep élargie, qu’elle entend gérer.

Bien sûr, cette nouvelle alliance du cartel a un but inavoué : faire mourir celui qui a tout déstabilisé en produisant plus, les Etats-Unis. Voilà en effet que les Américains découvrent du pétrole de schiste en fracturant des roches – pas freinés, eux, par des considérations écologiques. Nouveau, mais cher. Voilà qu’ils creusent et mettent en fonctionnement jusqu’à 1400 puits en 2012, au moment où le baril est à 100 dollars. Et voilà qu’ils font en sorte de pouvoir exporter ce pétrole sur le marché mondial, maintenant qu’ils sont excédentaires ! Et voilà qu’ils font tomber l’édifice ! 

En face, voilà que l’Opep se dit alors que le coût de production de ce perturbateur est au mieux de 80 dollars et que ses puits ont été creusés avec des structures très endettées. Donc, si le prix du baril passe à 60, certes l’Opep souffre, mais le pétrole américain de schiste meurt. De fait, le nombre de puis passe d’un plus haut à 1600 fin 2015 à un plus bas à 400, un an après. Un massacre humain et financier.

Mais tous les puits américains ne ferment pas ! 400 résistent, serrent les dépenses et innovent, pour mieux dépister et exploiter les poches, grâce surtout à des progrès informatiques. Le nombre de puits remonte alors, puisqu’il devient rentable de produire à 40 dollars ! La preuve : ce nombre de puits est actuellement de 800, le double du point bas de début 2016. Incroyable réactivité américaine ! Echec de l’Opep et de l’Arabie Saoudite !

Et pourtant, l’Opep vient d’indiquer que l'accord de réduction de la production mondiale qu’il a monté a été respecté à 106% en mai 2017, autrement dit 6% de plus. Mais l’Iran envisage d’investir plus pour produire plus, en s’associant cette fois avec Total et la Chine (une association qui permet peut-être de réduire le risque d’une réaction de justice américaine sur Total…). Comment comprendre ce miracle : la demande mondiale de pétrole monte toujours, certes peu, les Etats-Unis produisent plus et l’Opep produit temporairement moins, alors que le prix du baril continue de baisser ?

L’explication est simple : l’Arabie Saoudite réduit plus que prévu sa production, pour valider les quotas de l’Opep. Mais pourquoi donc cet exercice de vertu ? Pour forcer à la transition énergétique et en être le leader. Elle veut être, à la fois, un des plus importants détenteurs de réserves de pétrole (de bonne qualité) du monde et à l’avant-garde de l’après-pétrole. Et, pour financer cette mutation qui lui coûte (son déficit budgétaire atteint 17% de son PIB), elle met sur le marché 5% d’Aramco, le monopole (royal) des réserves du pays. Le montant attendu devrait être de 100 milliards de dollars au moins. En effet, la valeur d’Aramco avait été estimée à trois trillions de dollars, puis on parle de deux, puis d’un, voire moins. C’est toute la question, fonction en partie (psychologique) de l’évolution actuelle du prix du baril – que l’Arabie saoudite soutient donc à court terme, en pompant moins.

Qatar, Russie, Iran, Irak, Venezuela, Nigéria : l’équation ne cesse de se compliquer, chacun devant produire plus, pour sa croissance, son influence politique (Iran par exemple), voire sa survie (Venezuela, Irak, Lybie). En même temps, les Etats-Unis entendent produire davantage. Et le monde entier s’alarme du réchauffement climatique, en cherchant à mieux utiliser l’énergie, à installer des éoliennes et des panneaux solaires, en attendant les voitures électriques !

Faire financer l’après-pétrole de demain par le pétrole d’aujourd’hui : c’est la course contre le temps que mène (en tête) l’Arabie Saoudite. Elle alimente son fonds souverains mais devra reconvertir non seulement son économie, mais surtout sa société, vers des activités nouvelles, privées et non subventionnées (moins religieuses ?). 

C’est le débat géo-politique mondial : la baisse du prix du baril de pétrole n’a pas fini, ni la suite de ses effets. Une chose est sûre : ils ne seront pas pacifiques.

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