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Fausse joie : pourquoi les décisions d’allègement de la dette grecque par  l’Eurogroupe ne pourront être prises qu’à partir du mois d’août 2018
©REUTERS/Ronen Zvulun

Patience

Les décisions concrètes d’allègement de la dette grecque ne pourront être prises qu’après la fin du troisième programme en août 2018, en fonction de l‘analyse de soutenabilité de la dette qui aura été menée à bien à cette date.

Eric Dor

Eric Dor

Eric Dor est docteur en sciences économiques. Il est directeur des études économiques à l'IESEG School of Management qui a des campus à Paris et Lille. Ses travaux portent sur la macroéconomie monétaire et financière, ainsi que sur l'analyse conjoncturelle et l'économie internationale

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L’analyse du communiqué de l’Eurogroupe permet d’arriver à plusieurs conclusions :

Des décisions concrètes d’allègement de la dette ne pourront être prises qu’après la fin du troisième programme en août 2018, en fonction de l‘analyse de soutenabilité de la dette qui aura été menée à bien à cette date.

Un allègement hypothétique de la dette ne pourra prendre que les formes d’un prolongement des maturités des prêts, d’un étalement ou lissage des paiements en principal et intérêts, ou d’un allongement de la période de grâce pendant laquelle le paiement des intérêts est suspendu. Un effacement d’une partie de la dette est bien entendu hors de question comme l’a toujours clamé l’Eurogroupe. Un critère essentiel de soutenabilité de la dette, pour l’Eurogroupe, est que le besoin brut de financement soit, chaque année, inférieur à 15% du PIB nominal à moyen terme, et ensuite inférieur à 20% du PIB nominal. Ce critère sera pris en compte en 2018 lorsqu’il faudra décider s’il y a lieu de procéder à des mesures d’allègement de dettes, et lesquelles. Le besoin brut de financement annuel est le total de ce que le pays doit emprunter pour couvrir le déficit de l’année et payer le principal de la partie de la dette précédemment accumulée qui arrive à échéance pendant l’année.

Si un allongement de la maturité moyenne des prêts du FESF doit être décidé après le troisième programme, donc au plus tôt à partir de septembre 2018, cela pourra aller jusqu’à 15 ans. De la même manière, la période sans paiements d’intérêt sur les prêts du FESF pourra être prolongée d’au maximum 15 ans. Les 130,9 milliards de prêts du deuxième programme avaient été prêtés par le FESF. Cette durée d’allongement qui serait permise est inférieure à ce que suggérait le FMI, qui demandait par exemple 17 ans pour les prêts du FESF. En attendant, ce sont les mesures de court terme qui sont appliquées, et donc un reprofilage des paiements en principal et en intérêt peut déjà être décidé depuis mai 2016, mais en gardant inchangée la maturité moyenne par rapport à ce qu’elle est maintenant. Ce n’est qu’à partir de septembre 2018 qu’un allongement de la maturité moyenne pourrait être décidé. Donc l’Eurogroupe confirme ce qu’il avait déjà déclaré le 9 mai et le 25 mai 2016, mais précise maintenant que cet allongement de la maturité moyenne pourra être de maximum 15 ans.

L’Eurogroupe précise maintenant que l’exigence de surplus primaire est de 3,5% du PIB nominal jusqu’en 2022, et puis 2% du PIB nominal jusqu’en 2060.

Le FMI est prêt à s’engager comme prêteur par un stand by agreement, si son conseil l’accepte, mais avec une clause suspensive de ses prêts jusqu’à ce l’Eurogroupe ait accepté un allègement de la dette. Il en résulte que la possibilité de prêts concrets du FMI est reportée au mieux à septembre 2018. En soi c’est loin d’être un problème puisque les besoins de la Grèce sont inférieurs au plafond de 86 milliards du troisième programme.

Par contre reporter l’allègement de la dette à 2018 empêche la BCE de déclarer la dette grecque éligible aux achats du QE. Cela compromet le retour de la Grèce sur les marchés.

Contradictions de l’approche de l’Eurogroupe

L’Eurogroupe se félicite de l’opportunité pour la Grèce de mobiliser les instruments européens de financement de projets d’investissement pour doper la croissance. Mais l’insuffisance d’investissement en Grèce est surtout due à la crainte des investisseurs d’être exposés à une nouvelle crise financière en Grèce. Si vraiment l’Eurogroupe se préoccupait de la croissance en Grèce, il aurait apaisé les craintes des investisseurs dès maintenant en procédant tout de suite à un allègement de dette. Au contraire, en reportant la possibilité d’un tel allègement à l’année prochaine, l’Eurogroupe laisse perdurer l’incertitude qui nuira à l’investissement et à la croissance.

L’Eurogroupe déclare que l’année prochaine, la partie inutilisée des 86 milliards du troisième programme pourrait être employée pour prêter à la Grèce des fonds qui seraient mis en réserve comme cousin de sécurité. Ces réserves en cash rendraient les investisseurs privés confiants en la capacité de la Grèce à servir ses dettes, et les inciteraient à prêter au pays. Ces réserves en cash permettraient donc le retour du pays sur les marchés financiers à partir de septembre 2018. Mais si vraiment l’Eurogroupe se préoccupait de rendre le retour du pays sur les marchés possibles, il permettrait que la BCE puisse rendre les obligations publiques émises par le pays éligibles aux achats du QE. Mais pour cela il aurait fallu procéder tout de suite à un allègement de dette pour que le FMI puisse approuver la soutenabilité de la dette ainsi restructurée. Le bénéfice des achats du QE permettrait de réduire les taux exigés par les marchés sur le petit stock d’obligations publiques émises par le pays qui circulent encore, et ainsi de permettre que le pays puisse bientôt émettre de nouvelles obligations à des taux relativement réduits. 

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