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Tirage au sort des étudiants : la Conférence des présidents d'université tente de revenir sur la dernière bombe léguée par Najat Vallaud-Belkacem
©Reuters Pictures

Mauvaise idée

Le tirage au sort dans les universités pourrait devenir une norme en France. Une situation qui fait bondir Gilles Roussel, président de la Conférence des présidents de l'université.

Jean-Paul Brighelli

Jean-Paul Brighelli

Jean-Paul Brighelli est professeur agrégé de lettres, enseignant et essayiste français.

 Il est l'auteur ou le co-auteur d'un grand nombre d'ouvrages parus chez différents éditeurs, notamment  La Fabrique du crétin (Jean-Claude Gawsewitch, 2005) et La société pornographique (Bourin, 2012)

Il possède également un blog : bonnet d'âne

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Atlantico : A quelques jours de la fin du quinquennat Hollande, une circulaire avait été publiée par le gouvernement fixant les règles du tirage au sort dans le cadre de l'accès à l'Université. Une démarche aujourd'hui contestée par Gilles Roussel, président de la Conférence des présidents de l'université, en proposant une sélection basée sur le mérite et le dossier des étudiants. Quel risque fait peser le tirage au sort sur l'université ? 

Jean-Paul Brighelli : Eh bien déjà le fait que le tirage au sort (et pourquoi pas en se basant sur le périmètre crânien ou le tour de taille ?) sera contesté légalement par les étudiants évincés — et ils gagneront sans problème. Mme Vallaud-Belkacem a allumé en partant la mèche d'une bombe à retardement — sans doute savait-elle qu'elle laisserait un gouvernement dont elle ne serait pas gérer le problème… Cela témoigne d'un sens quelque peu équivoque de sa fonction de ministre. Et d'un sens des responsabilités quelque peu aléatoire. Mais sans doute a-t-elle été choisie elle-même sur d'autres critères que sa capacité. Le sourire, sans doute.

Dans quelle mesure l'idéologie sous-jacente au tirage au sort, dont l'objectif est d'aboutir à une égalité réelle, peut elle rater sa cible, voire être contre productive ? 

Je ne crois pas qu'il y ait une idéologie derrière cette décision absurde — pas même celle de l'égalitarisme qui a engendré par exemple la réforme du collège. Juste une incapacité. Quand on désigne comme ministre la personne la moins capable d'exercer la fonction, entourée d'un cabinet de clowns lugubres, on arrive forcément à des aberrations de ce genre. Remplir les filières universitaires par tirage au sort revient à noter les copies en les jetant sur un escalier et en leur attribuant une note au hasard de la marche sur laquelle elles atterriront. Le tirage au sort, parce qu'il est aveugle, enverrait encore plus fort dans le mur les étudiants désignés mais incapables d'aller au bout d'études pour lesquelles ils ne sont pas faits.

Quels sont les moyens dont disposent les pouvoirs publics pour permettre une sélection des étudiants la plus "juste" possible ? En quoi les propositions formulées par Gilles Roussel pourraient elles être plus, ou moins, adaptées à la problématique actuelle ?

Ce sont un peu des demi-mesures. Gilles Roussel feint de s'opposer aux sélections sévères — celles des prépas, bien sûr, mais aussi bien celles des BTS ou des filières dérogatoires de facs dérogatoires du type Dauphine. En fait, je crois qu'il rêve d'en faire autant — et je lui suggère un moyen. Les classes préparatoires aux grandes écoles (qui ont le plus souvent des centaines de demandes pour 50 places) usent d'une pré-sélection automatique, qui écarte par exemple d'une classe scientifique tous les étudiants qui n'arrivent pas d'une filière S, bien sûr, mais qui écarte aussi tous les ex-lycéens peu assidus (il faut bien que se paient à un moment ou un autre le dilettantisme et l'absentéisme) ou tous ceux qui ont des moyennes générales en dessous de 16, voire 18. Puis les dossiers subsistants sont scrutés par les enseignants — cela occupe notre mois de mai, mais peut-être nos collègues universitaires ont-ils autre chose à faire, eux — ils font de la recherche, bien sûr, s'occuper des étudiants à venir est en dessous de leur standing…

Pour la filière STAPS, il fut un temps où les capacités physiques (cela semble aller de soi pour une filière pareille, mais cela fait longtemps que ce n'est plus le cas) étaient déterminantes — ou, simplement, le nombre de places à lasortie. Après tout, la médecine use de numerus clausus depuis des années sans que cela fasse hurler. C'est un critère qu'il faut généraliser : on ne peut pas prendre beaucoup plus d'étudiants qu'il n'y a de débouchés possibles.

Ce dont personne ne parle, c'est le sort des lycéens des Bacs Professionnels, auxquels on a ouvert les facs alors même que l'on sait qu'ils s'y fracassent — à 98%.

Mais établir une sélection réaliste  l'entrée en université suppose que l'on revivifie les filières au lycée. Il n'est plus vrai depuis longtemps (en fait, depuis la suppression du Bac C) que le Bac S permet de suivre des études universitaires en sciences, et la "solution" de Gilles Roussel n'en est pas une : cela fait déjà des années que plusieurs universités ont créé des "années zéro" pour remettre au niveau des élèves arrivant en filière mathématique par exemple. On a bradé le Bac, en repassant le bâton merdeux aux universités, qui désormais en ont marre de gérer des flux monstrueux. 

Il faut mettre ls étudiants (et leurs "syndicats", aussi peu représentatifs soient-ils) devant les faits : le système universitaire st à bout de souffle, et il faut une sélection à l'entrée pour le revitaliser. Si on veut avoir les meilleurs à la sortie, autant sélectionner les meilleurs à l'entrée — ou au moins les plus prometteurs. Et il y a des méthodes objectives pour le faire.

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