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Carte des départements attractifs : la France désirable n’est plus ce qu’elle était, la crise de 2008 est passée par là
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Soldes migratoires

Contrairement aux idées reçues, moins de la moitié des départements attractifs en France abritent une grande métropole ou se situent à côté d'une métropole.

Laurent  Chalard

Laurent Chalard

Laurent Chalard est géographe-consultant. Membre du think tank European Centre for International Affairs.

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Atlantico : Quels sont les enseignements à tirer de de l'évolution du solde migratoire par département en France ? Quels sont les départements les plus attractifs ?

Laurent Chalard : L’analyse du solde migratoire, c’est-à-dire de la différence entre les entrées et les sorties sur un territoire donné entre deux dates différentes, est un très bon indicateur de l’attractivité d’un territoire dans un pays développé. En effet, un excédent migratoire est l’indicateur d’une bonne santé, alors qu’un déficit témoigne d’une situation problématique.

Concernant la France, le solde migratoire calculé par l’Insee pour les départements est « apparent » dans le sens qu’il n’est pas calculé directement mais est issu d’une soustraction du solde naturel (c’est-à-dire la différence entre les naissances et les décès) à l’accroissement total de la population constatée entre deux dates. Pour certains départements, sa fiabilité est moindre, étant donné la mauvaise qualité des collectes de recensement, mais, il n’en demeure pas moins, que les tendances globales sont incontestables.

Concernant les 19 départements de France métropolitaine les plus attractifs depuis la crise économique de 2008, c’est-à-dire affichant un excédent migratoire supérieur ou égal à + 0,6 % entre 2009 et 2016, il est possible de distinguer deux principales catégories. D’un côté, dominent des départements des littoraux atlantique et méditerranéen sans grandes métropoles, au nombre de dix, comme les Landes ou les Pyrénées-Orientales.Leur attractivité migratoire relève plus d’une attractivité résidentielle, produit de leurs caractéristiques spécifiques (mer, ensoleillement, chaleur, rythme de vie apaisé…) que de leur dynamisme économique (les créations d’emploi sont une conséquence et non une cause de l’arrivée de nouveaux habitants). D’un autre côté, on retrouve des départements abritant,ou dont le dynamisme est lié à la proximité, des grandes métropoles, au nombre de huit, comme la Haute-Garonne (Toulouse) ou la Gironde (Bordeaux). Leur attractivité migratoire relève plus de leur dynamisme économique fortement créateur d’emplois, grâce au développement des industries de haute-technologie et du tertiaire supérieur, que d’une attractivité résidentielle, même si les deuxfacteurs peuvent parfois se combiner pour les métropoles se situant dans des départements littoraux (Bordeaux, Nantes ou Montpellier).

Quelle est la probabilité de voir ces départements abriter une grande métropole ? Quel est le lien de cause à effets entre ces deux paramètres ? 

On voit donc qu’un peu moins de la moitié des départements qui figurent parmi les plus dynamiques du pays abritent une grande métropole ou se situent à proximité d’une grande métropole. La corrélation entre attractivité migratoire et présence d’une grande métropole n’apparaît donc pas systématique. En effet, seules les métropoles les plus dynamiques, en terme de création d’emploi, apparaissent réellement attractives, c’est le cas de Toulouse, Bordeaux, Nantes, Montpellier, Rennes, et Genève, qui se situe en Suisse, mais dont le rayonnement est, en large partie, à l’origine de l’attractivité migratoire exceptionnelle de la Haute-Savoie et de l’Ain, Genève étant une des métropoles les plus dynamiques (si ce n’est la plus) du continent européen sur le plan de l’emploi ces dernières années.Ce sont, par ailleurs, des métropoles à la qualité de vie reconnue, second grand facteur d’attractivité territoriale. En effet, les différences d’attractivité migratoire entre les grandes métropoles françaises recoupent largement les différences d’attractivité migratoire entre les régions, opposant un sud-ouest attractif à un nord-est répulsif.

Dès lors, pourquoi les départements abritant une grande métropole ne sont pas tous attractifs contrairement à ce qui se constate pour l'emploi? 

Comme nous venons de le voir précédemment, s’il existe une corrélation certaine entre attractivité migratoire et création d’emploi, il n’en demeure pas moins que ce n’est pas l’unique facteur d’attractivité d’un territoire. A l’heure actuelle, l’attractivité migratoire d’un territoire en France ne dépend pas uniquement de facteurs strictement économiques, mais aussi de facteurs d’ordre socio-culturels, la fameuse « qualité de vie », à commencer par l’héliotropisme.Par exemple, pour les retraités, dont la part dans la population totale augmente régulièrement, la question de l’emploi ne présente aucun intérêt. Leur choix de résidence repose beaucoup plus sur la qualité de vie, privilégiant largement les espaces littoraux et, éventuellement, certains départements méridionaux aux paysages et au climat,jugés attrayants. En outre, même pour les actifs, dont les choix de résidence sont beaucoup plus contraints par la localisation des emplois, les déséconomies d’agglomération constatées dans certaines métropoles, à commencer par la première d’entre elle, Paris, entraîne consécutivement des départs massifs vers d’autres départements à la qualité de vie jugée meilleure, et ce, même si les salaires et le nombre d’emplois proposés sont moindres. Ceci explique que la quasi-totalité des départements franciliens affichent des déficits migratoires considérables, les cinq plus forts déficits nationaux se trouvant en Ile de France : Seine-Saint-Denis, Val-d’Oise, Yvelines, Hauts-de-Seine et Paris. Le coût et le rythme de la vie, la pollution, l’insécurité, le climat peu ensoleillé, les rendent répulsifs pour de nombreux actifs. Cependant, le phénomène touche, à un degré moindre, d’autres métropoles comme Lille (Nord), Strasbourg (Bas-Rhin), qui présentent les mêmes caractéristiques, mais aussi Marseille (Bouches-du-Rhône), qui bénéficie pourtant d’un héliotropisme certain, mais dont l’insécurité rampante et le clientélisme exacerbé bride le développement économique, ce qui a un impact certain sur son attractivité.

En définitive, l’attractivité d’un territoire en France dépend donc essentiellement de deux principaux facteurs, la création d’emploi, qui repose sur des critères objectifs, et la qualité de vie, beaucoup plus subjective. Il convient néanmoins de garder en tête que ces facteurs évoluent dans le temps. Les départements, où l’emploi progresse le plus fortement, ne sont plus les mêmes aujourd’hui qu’auparavant (le Nord fut un département très attractif par le passé), et ne seront probablement plus les mêmes dans un siècle. De même, pour la qualité de vie, les critères de jugement de nos concitoyens ont fortement évolué et évolueront de nouveau dans le futur. Par exemple, l’attractivité des littoraux n’apparaît finalement que comme un phénomène relativement récent à l’échelle de l’histoire de France.

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