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Nouveaux problèmes en vue à la FED avec les deux candidats envisagés par Donald Trump
©JIM WATSON / AFP

Changement de politique

Donald Trump, toujours en quête d'un renforcement de pouvoir, s'intéresse maintenant à la fameuse FED et pourrait décider de placer Marvin Goodfriend et Randal Quarles.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Donald Trump, peu à peu, renforce son pouvoir, selon une même logique : plus politique que technique, plus Républicaine. Sera-t-elle meilleure pour les Etats-Unis ? Et pour les autres ? Après la Justice, c’est au tour de la Monnaie, sans oublier bien sûr ses interventions sur les échanges internationaux, la sécurité ou le climat ! Après la Cour Suprême, maintenant au complet (sauf départ de membres pour raison d’âge), c’est à la Banque centrale qu’il s’intéresse, la fameuse Fed. Il s’agit de remplir les postes de Gouverneur à la Banque centrale américaine : 3 sont libres sur sept. Mais ce ne sera pas facile ni sans réaction, à la fois des politiques et plus encore des marchés financiers.

Qui sont les candidats pressentis ? Selon le Wall Street, il s’agirait de Marvin Goodfriend et de Randal Quarles. Marvin Goodfriend est Professeur à l’Université Carnegie Mellon, après avoir travaillé comme économiste au Conseil des Conseillers économiques du Président Reagan, puis comme directeur de la recherche à la  Banque de réserve de Richmond. Randal Quarles a travaillé au Trésor sous la Présidence de Georges Bush,avant de monter une société d’investissement (Cyanose Group) à Salt Lake City. Il serait pressenti pour traiter de la régulation financière, où une expertise bancaire et financière est requise.

Quelles sont leurs idées « problématiques » ? Ils souhaitent tous deux que le Congrès surveille plus la Fed et qu’elle adopte une méthode plus transparente et de long terme, liée à la stabilité des prix. Les deux ont ainsi critiqué la Fed actuelle. Evidemment, leurs CV montrent leur inclinaison Républicaine, ce qui n’est pas surprenant : chaque membre du Board des gouverneurs a les siennes, c’est bien connu (et plutôt Démocrates actuellement). En outre, Marvin Goodfriend propose un engagement plus ferme et de plus long terme autour de l’objectif de stabilité des prix à 2% (et même que le Congrès l’endosse). En même temps, il demande que les choix de la Fed soient comparés à ce que donnerait une équation intégrant l’inflation et le chômage, selon un modèle Taylor. Concernant les achats de crédit bancaire par la Fed, pour aider une entité en difficulté, il en souligne les risques et les fait dépendre d’un accord du Trésor. Il montre sa réticence à des logiques de « banquier de dernier ressort ». Quant à Randal Quarles, il met lui aussi l’accent sur la stabilité des décisions de la Fed – pour réduire l’incertitude, et sur un lien plus étroit avec une règle – encore une fois.

Deux candidats, trois oppositions majeures à la doxa actuelle de la Fed : un lien plus étroit avec la législation pour des décisions de crise, une stricte limitation à l’achat de crédits privés pour sauver des institutions, et plus encore un lien avec une règle fixe pour prendre les décisions de politique monétaire, voilà ce qu’apporteront ces nouveaux venus pressentis – si tout se passe comme annoncé. Mais la Fed met toujours en avant son indépendance, dans le cadre de son mandat, et la flexibilité qu’il lui faut pour agir et s’adapter ainsi à une conjoncture changeante !

Quels changements possiblesà la Fed ? Evidemment, ces choix, s’ils sont confirmés, sont des annonces fortes. A priori, le Congrès devrait les soutenir, lui qui veutplus de règle dans la politique monétaire et plus de surveillance sur la Fed, donc au fond moins d’indépendance effective. Il y a ainsi un signal, évidemment pas surprenant, de la part de Donald Trump. La question va être de la réaction des autres membres du Board des Gouverneurs. Tout le monde regardera du côté de Janet Yellen : elle est Chair jusqu’au 3 février 2018 et officiellement en poste jusqu’au 31 janvier 2024. Va-t-elle rester quand elle ne sera plus Présidente – sachant qu’elle a 71 ans ? Puis vient Stanley Fischer : il est Vice-Président (Vice Chair) jusqu’au 12 juin 2018 et en poste jusqu’au 31 janvier 2020. Va-t-il rester après n’être plus numéro deux, sachant qu’il a 74 ans ? Les questions ne se posent pas pour Jérôme Powel (en poste jusqu’au 31 janvier 2028 et qui 64 ans) et Lael Brainard (en poste jusqu’au 31 janvier 2026 et qui a 57 ans). Mais leurs positions seront de moins en moins confortables : une Fed divisée ?

Est-ce que ces deux nouveaux venus peuvent modifier l’équilibre de ce groupe de sept personnes qui représente la logique fédérale du système ? Oui en termes politiques, mais que vont dire les marchés ? En termes politiques, ces nouveaux sont nommés par le Président et confirmés par le Congrès, l’un et l’autre devant durer au moins quatre ans. Ces 7 ont ensuite la majorité dans le Comité de politique monétaire de 12 membres qui vote les décisions de politique monétaire. Ils sont en effet rejoints par le Président de la Banque de Réserve de New York, plus quatre Présidents de Banque régionale (sur onze, par rotation). La structure fédérale est donc numériquement majoritaire (7 sur 12), outre son influence statutaire, technique et informationnelle.  Agir sur elle, en modifiant son barycentre par les deux nouveaux venus, c’est donc agir sur le tout, surtout avec le recours à une règle, par rapport à la flexibilité constamment prônée. La Fed va changer avec le temps, sauf si elle résiste !

Et les marchés financiers ? Ils ne vont pas aimer une présence plus forte du Congrès, une politisation accrue. Ils veulent l’indépendance de la Fed autour de son objectif d’inflation à 2%. Ils ne veulent pas de batailles internes. Maisquelle réaction par rapport à une règle qui fixerait les taux à partir de l’inflation et du chômage ? A priori, c’est plus indépendant et plus prévisible encore, mais pas plus souple, dans un  monde qui veut réagir plus vite. Les marchés voudront-ils « tout prévoir » en fonction de ce qu’on sait, les chiffres, avec une règle mathématique, ou bien se laisser guider, de semaine en semaine, par la Fed (forward guidance), en fonction des chiffres – et du reste ? Math ou moutons ? Il leur faudra choisir, sachant que ceci va changer les rapports entre banques centrales du monde. Il n’est pas sûr qu’un dollar ainsi piloté y gagne, donc que la croissance et les marchés aiment. L’indépendance et la souplesse, bien expliquées et surveillées bien sûr, ce n’est pas si mal.

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