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Pourquoi il ne reste pas grand-chose des mesures de Barack Obama après la décision de Donald Trump sur le climat
©SAUL LOEB / AFP

Détruire pour reconstruire

Suivant l'idée que les Etats-Unis se sont fortement dégradés ces dernières années, l'actuel président des Etats-Unis, Donald Trump, est en train de défaire 8 ans de présidence de Barack Obama

Jean-Eric Branaa

Jean-Eric Branaa

Jean-Eric Branaa est spécialiste des Etats-Unis et maître de conférences à l’université Assas-Paris II. Il est chercheur au centre Thucydide. Son dernier livre s'intitule Géopolitique des Etats-Unis (Puf, 2022).

Il est également l'auteur de Hillary, une présidente des Etats-Unis (Eyrolles, 2015), Qui veut la peau du Parti républicain ? L’incroyable Donald Trump (Passy, 2016), Trumpland, portrait d'une Amérique divisée (Privat, 2017),  1968: Quand l'Amérique gronde (Privat, 2018), Et s’il gagnait encore ? (VA éditions, 2018), Joe Biden : le 3e mandat de Barack Obama (VA éditions, 2019) et la biographie de Joe Biden (Nouveau Monde, 2020). 

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Les accords de Paris ne semblent pas être une exception, quelles sont sont les réformes de l'ère Obama qui ont déjà été remises en cause par Donald Trump ? 

Jean-Eric Branaa : C'est simple : toutes. Le programme de Donald Trump est de tourner la page de Barack Obama, et d'y mettre fin dans tous les secteurs. Il s'est attaqué à tout en même temps, et à Barack Obama directement. La plus forte de ces marques laissée par Obama et abandonnée par Trump, concerne donc le climat, avec le retrait des accords de Paris. Donald Trump vient de faire un geste très fort. C'était un accord très important pour Barack Obama qui s'était particulièrement engagé pendant ces 8 années de son mandat, et John Kerry était toujours en visite en Europe et dans le reste du monde. Obama avait même pris le soin de ne pas le représenter au congrès, car il n'aurait jamais été accepté. 

L'autre grande réforme était l'Obamacare. On a bien sûr tous en mémoire le rejet de l'Obamacare par la majorité Républicaine, c'est-à-dire celle de Donald Trump, qui avait provoqué des dissensions entre la frange la plus à droite des républicains, contre l'Obamacare, et la frange plus à gauche, qui sont les "frondeurs" des républicains. Ils avaient des points de vue très difficiles à concilier. D'un côté, ils voulaient plus de social, et de l'autre moins de régulation. Et pourtant ils ont réussi à concilier dans un texte commun. C'était très important de le faire à la chambre des représentants car c'est une chambre très politisée où il y a des élections tous les 2 ans… Et que dans 3 mois, les députés repartent à nouveau en campagne pour les législatives de 2018. Dans les Etats-Unis, il y a eu de nombreuses manifestations d'électeurs inquiets de perdre leurs prestations sociales. Tout cela va se jouer dans un second temps au Sénat d'ici 10 jours. Le Sénat est beaucoup moins politique, et beaucoup plus technique. Les principaux Etats en faveur de l'Obamacare ont déjà commencé à préparer cette transformation. Par exemple la Californie, qui s'apprête à voter une couverture universelle pour tous les Californiens. C'est vraiment dans les têtes que l'Obamacare va être complètement éliminé. 

Ensuite il y a les régulations de façon globale, car Donald Trump a voté un décret qui prévoit que pour deux régulations détectées, une sera supprimé. C'est déjà en cours. Donald Trump veut une société beaucoup plus libérale. Il veut en terminer avec le fardeau administratif et les taxes. Dans l'Energie, dans lequel Barack Obama s'est beaucoup impliqué puisqu'il a terminé son mandat par beaucoup de décrets, gelant par exemple les terres fédérales et les parcs nationaux en interdisant les forages. Ce décret a sauté, par exemple. Le Clean Power Act de Barack Obama a été également remis en cause en février. Ensuite on a la loi  Dood-Franck, dans la Finance, qui devait également être supprimée. Cela n'a pas été fait, mais ce n'est pas très loin car la commission des Finances du Sénat a donné son accord sur la loi qui est en cours, le Finance Choice Act. Ce sera fait dans le courant de l'été.  Au niveau des affaires étrangères, l'ensemble quasiment des accords des Etats-Unis a été remis en cause par Donald Trump qui applique son America First. Tout ce qui coûte cher doit être supprimé selon lui. Donc tout ce que Barack Obama a mis en place doit être arrêté. Le plus important a été la désignation de l'Iran comme la pierre de voûte de l'Axe du mal du Moyen Orient, qui va de l'Iran à la Syrie. Il dénonce le mauvais accord Etats-Unis / Iran, qu'il va certainement faire sauter alors qu'il déclare l'Iran comme un pays terroriste.  

Que reste-t-il encore de Barack Obama ?  En quoi cette remise en cause est-elle conforme aux souhaits des électeurs de Donald Trump ?

Il reste des miettes ; Cuba. Mais pour l'instant, Donald Trump ne s'est pas occupé du tout du continent Américain. Donald Trump a remis sur la table l'ALENA, en posant des taxes sur des produits vitaux au Canada et qui coûte fort chers aux Etats-Unis,  tels que le bois de construction. Pour l'Amérique du Sud, il n'a pas encore touché. Quant à Cuba, il a dit que c'était un très mauvais accord. Il reste le DACA, qui est une mesure qui protège les enfants qui ont migré aux Etats-Unis encore mineurs. Ce sont des enfants qui n'ont pas de papiers pour la plupart. C'est vrai qu'il y a la crainte aujourd'hui que Donald Trump renvoie tous les illégaux, tous ceux qui n'ont pas de papier. Barack Obama les avait protégé, en disant qu'on ne pouvait pas renvoyer des enfants. Je pense que ça, ça va rester. C'est très difficile moralement et politiquement de renvoyer comme ça des enfants. La plupart d'entre eux n'ont aucun lien avec leur pays d'origine, et ont intégré la culture américaine. Il y a un consensus qui se fait sur ce sujet, et Donald Trump n'a pas dit grand-chose dessus.

Il reste également la Loi Don't Ask Don't Tell, la reconnaissance de l'homosexualité à l'armée. Donald Trump a été très prudent avec la communauté LGBT. Il a refusé de faire une proclamation pour le mois de fierté LBGT comme ça se faisait avec Barack Obama, en disant que "ça ne nous regarde pas". Ce n'est pas une guerre, mais plutôt un "chacun dans son coin". Ça ouvre la voie pour des Etats Anti-LGBT ; ça touche à la religion. On sait qu'il y a un nombre d'Etats aux Etats-Unis qui font partie de la Bible Belt, et qui ont un poids extraordinaire et qui votent fortement pour Donald Trump et ce dernier ne veut pas s'aliéner avec eux. Que pensent les électeurs de Trump dans tout ça? Ils sont ravis de voir le président détricoter tout ce dont on a évoqué. Ce sont des électeurs qui ont une foi très forte qui guide leur vie avec des préceptes très conservateurs. Ils se reconnaissent dans le président qui respecte leurs croyances et leur façon de penser. Il est pour eux la bonne personne, même sur des questions qu'il n'a quasiment pas abordée comme l'avortement. Il y a beaucoup de lois, dans les Etats, qui sont en train de se concrétiser sur cette question. Ils se reconnaissent dans libéralisme économique qui est doublé d'un protectionnisme. Ils veulent gagner sur les deux tableaux, en pensant que c'est possible. Tout ça se manifeste par l'idée que l'Amérique a été dégradée durant la présidence de Barack Obama. Le slogan de Make America Great Again renvoyait à cette idée que l'Amérique devait s'imposer dans le monde en parlant le plus fort. 

Quels sont les derniers symboles de sa Présidence que Donald Trump pourrait encore être tenté d'abattre ? Le Make America Great Again se résume t il aujourdhui à l'effacement de l'ère Obama ?

Ce sont les esprits, plus que les symboles, qui ont été touchés. C'est complètement différent sous Donald Trump par rapport à Barack Obama. Le Make America Great Again cache aussi une autre résurgence : celle du pouvoir blanc, qui a repris du poil de la bête. Les petits Blancs ruraux dont on a temps parlé à la fin de la campagne ont relevé la tête, au détriment de toutes les communautés américaines. Depuis que Trump est au pouvoir, on ne parle plus de problèmes communautaires. Donald Trump avait promis une société post-raciale, mais aujourd'hui ont reculé sur ce point. Il s'agit surtout, pour les communautés, de se faire petit et ne pas se faire remarquer. On est de retour dans les années 50, où ce pouvoir blanc a repris la main. Ce ne sera pas pour longtemps, mais on le sentira passer.

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