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"Ceux qui votent désormais Front national n’ont pas le sentiment d’avoir rompu avec la gauche mais que c’est plutôt la gauche qui les a abandonnés"
©REUTERS/Pascal Rossignol

Bonnes feuilles

En se qualifiant pour le second tour de l’élection présidentielle de 2017, Marine Le Pen a conforté la position du Front national au tout premier rang des forces politiques en France.Or, ce que Pascal Perrineau établit avec éclat dans ce livre choc, c’est que ce sont aussi les électeurs de gauche qui ont contribué à installer le FN en position dominante et que, ce faisant, ces derniers ont le sentiment de ne rien renier de leurs convictions profondes.Extrait de "Cette France de gauche qui vote FN" de Pascal Perrineau, publié aux Editions du Seuil. 2/2

Pascal Perrineau

Pascal Perrineau

Pascal Perrineau est professeur des Universités à Sciences Po. Il est l'auteur de Cette France de gauche qui vote FN (Paris, Le Seuil, 2017), à paraître le 1er juin. 

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Cet espoir de «changement radical» porté jadis par la gauche a donc été profondément déçu. La gauche d’aujourd’hui ne paraît plus être porteuse de quelque espoir que ce soit, tout au contraire. C’est une gauche qui a perdu son «cœur ». «Les communistes, aujourd’hui, ça existe plus. De toute façon… Et puis, les communistes ils étaient tous main dans la main avec Mitterrand donc euh… Non, non. La gauche… […] il n’y a plus rien dans le communisme, plus rien. Ils proposent quoi ? Ils proposent rien. Non, non, non, non, moi je voterai plus communiste.» «Moi, j’étais pas un gauchiste mais je pensais à gauche. Tu vois c’était le côté humain de la pensée gauchiste […], je pensais que la gauche était plus dans le cœur que la droite.» La rupture électorale avec la gauche était à leurs yeux inéluctable, mais ces hommes et ces femmes qui votent désormais Front national n’ont pas le sentiment d’avoir rompu avec la gauche mais que c’est bien plutôt la gauche qui les a abandonnés. Pour eux, la gauche populaire, celle des «droits sociaux », de la «défense des salaires», de la préoccupation à protéger les ouvriers sur le plan économique et social, a disparu corps et biens. 

«Franchement, tu sais, je me sens aussi maintenant de gauche, c’est la gauche qui n’est plus la gauche, je ne sais pas si tu as compris ce que je veux dire. Je te rappelle que mon grand-père était un ouvrier… [silence] c’est le reste qui a changé, pas mon opinion… enfin, pas trop… je ne crois plus dans cette division de gauche contre droite.»  «Il devrait y avoir, je comprends pas que l’extrême gauche, la gauche, la vraie gauche, la vraie gauche, l’ouvrier, l’usine, le, le, le… elle, elle est où? On la voit pas, je la vois pas la gauche, je vois pas de gauche.»  «Je peux plus rester au Parti socialiste parce que la politique économique et sociale n’a rien à voir avec une politique de gauche, n’a plus rien de social franchement. Et en plus, sur les questions républicaines on abandonne tous les principes. »  Cette gauche qui a «disparu » laisse en déshérence nombre de demandes de protection économique et culturelle qui émanaient (et émanent toujours) de ces milieux populaires qui ont « perdu » leur gauche. La préoccupation laïque et migratoire Dans leur volonté d’être protégés, ces électeurs gaucholepénistes mettent en avant l’immigration et le fait qu’à gauche plus aucune sensibilité politique n’est attentive aujourd’hui à la nécessité de les mettre à l’abri d’une concurrence déloyale sur le marché du travail. Cette gauche souffre, à leurs yeux, de la comparaison avec la gauche – particulièrement communiste – des années 1970 et 1980, qui, elle, était sensible aux tensions économiques et sociales liées au phénomène migratoire.

«En fait, il y a eu un basculement de cette gauche comme celle de Marchais qui parlait de l’immigration et qui était pour les questions sociales mais qui maintenant aujourd’hui… Très clairement, aujourd’hui, Georges Marchais je pense, enfin, j’en discutais avec des gens du Front national, euh… bah… enfin, ils adorent, vous voyez ce que je veux dire, ils le vénèrent donc c’est ça la question. Bah, ça, ça explique le Nord-Pas-de-Calais…»  «La gauche d’aujourd’hui elle n’est que quelque chose de différent! Elle n’est plus communiste, tu sais, les communistes dans les années 1980 étaient bien contre l’immigration ! Ils le disaient déjà et très clairement qu’accepter l’immigration de masse n’est qu’une façon de baisser les salaires du peuple! Et aujourd’hui la gauche est ultra-immigrationniste et ultracosmopolite, ils sont le bras armé du capitalisme. Je me sens de gauche mais d’une gauche qui défend les droits sociaux des gens, des gens que le multiculturalisme, qui aujourd’hui est à la mode, ils le vivent tous les jours, quoi! Et après on est étonné si des gens, avec le tatouage de Che Guevara, votent comme moi, mais c’est normal, mon dieu! La gauche aujourd’hui n’est que l’expression des multinationales et des lobbies, et qui est pour les lobbies ? Sûrement pas les gens du peuple.»  Cette nostalgie d’une gauche d’antan est aussi celle d’une gauche laïque et nationale intransigeante sur la question migratoire.

«Je me sens très en phase avec ces républicains de gauche de la IIIe République.»  « Il y avait cette déception au niveau économique et social, puis après il y avait le fait que, sur les questions de l’immigration – j’étais toujours un peu à la droite du Parti socialiste –, j’aimais bien ce que Manuel Valls a dit à ce sujet. »  On le voit bien, aux yeux de ces électeurs issus de milieux populaires, la gauche a perdu non seulement sa spécificité politique mais aussi sa spécificité sociale.

Extrait de "Cette France de gauche qui vote FN"de Pascal Perrineau, publié aux Editions du Seuil.

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