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 Macron et Hollande ? "ils se comprennent avant d’avoir fini leurs phrases"
©REUTERS/Philippe Wojazer

Bonnes feuilles

Le 7 mai 2017, Emmanuel Macron devient le plus jeune président de la Ve République. Quasi inconnu des Français il y a deux ans et demi, il a mené une campagne unique dans notre histoire, à l'écart des grands partis, porté par un mouvement créé seulement un an plus tôt, avec la volonté de dépasser le clivage droite-gauche. Extrait de "Emmanuel Macron, le président inattendu" de Nicolas Prissette aux Editions First (2/2).

Nicolas Prissette

Nicolas Prissette

Nicolas Prissette est chroniqueur sur LCI, ancien rédacteur-en-chef adjoint au service politique du JDD. Il a publié Les Bobards économiques, en collaboration avec Hervé Nathan (Hachette Littérature, 2009) et Emmanuel Macron, En marche vers l'Elysée (Plon, 2016).

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Ils se sont rencontrés lors d’un cocktail organisé au domicile de Jacques Attali, avenue Achille-Peretti à Neuilly, en 2008. La Commission pour la libération de la croissance, initiée par Nicolas Sarkozy, a achevé ses premiers travaux. L’ancien sherpa de François Mitterrand convie les membres, les experts et quelques amis, dont le futur président de la République, pour un dîner décontracté. Macron et Hollande sont présentés, ils papotent… Ils promettent de se revoir au calme autour d’un café. Le courant passe. La première séance de travail se tient l’année suivante, au domicile de François Hollande cette fois, en compagnie de Jean-Pierre Jouyet – revenu en grâce après avoir trahi son ami pour Nicolas Sarkozy. À cette époque, personne n’imagine que l’ex-premier secrétaire du PS puisse remporter l’élection présidentielle, à part lui-même. Jouyet retrouve Macron, à qui il avait confié les rênes de l’Inspection des finances durant six mois à Bercy, au moment d’entrer dans le gouvernement de François Fillon pour être un secrétaire d’État « d’ouverture ».

Le futur candidat à la primaire socialiste a besoin de têtes bien faites. Il faut construire son programme, animer ses réseaux, remporter la compétition à gauche. Ce Macron est une pioche parmi d’autres, plutôt une excellente carte. Son CV a de quoi faire pâlir d’envie tous les jeunes technocrates ambitieux : lycée Henri IV à Paris – un établissement public réservé aux meilleurs élèves de France –, puis Sciences Po, un DEA de philosophie – il fut assistant de Paul Ricœur – et bien sûr l’ENA dont il sort au cinquième rang en 2004 parmi l’élite de l’Inspection des finances… « Il y avait un vrai intérêt de François Hollande.

Macron est un produit Attali, pour qui il a toujours eu beaucoup de respect depuis qu’ils ont travaillé ensemble à l’Élysée sous François Mitterrand, raconte un fidèle du socialiste. Hollande est fasciné par l’intelligence, c’est un critère majeur pour lui, qui détermine sa sanction. Macron sera plus libre que les autres autour de lui, parce que leur proximité intellectuelle est très forte. » Un autre hollandais historique abonde : « François Hollande est sensible aux esprits brillants. Macron lui ressemble, ils se comprennent avant d’avoir fini leurs phrases. Il y a une proximité dans leurs études, ce sont des hommes issus de l’élite républicaine. En plus, il a de l’humour, il le détend. Ce n’est pas du tout la même relation qu’avec Stéphane Le Foll, qui n’hésite pas à dire à Hollande : t’as fait une connerie… Macron n’est pas dans ce rapport de force. » Un autre confirme : « Il y a entre eux beaucoup de bienveillance réciproque et de proximité intellectuelle et humaine. Le Président l’a tout de suite aimé. Hollande a flairé chez Macron un talent politique, que d’autres n’ont pas ou pas envie d’avoir. » Bref, c’est une histoire d’amour. Le jeune homme, qui n’a jamais voulu s’engager derrière un mentor, franchit le pas.

Il y croit. En 2010, il fait un pari devant son ami Bernard Mourad, alors banquier chez Morgan Stanley : « Strauss-Khan ne sera jamais Président. Il y a trop de mauvaises choses qui circulent… » À cette époque, quelques rumeurs traversent le microcosme, et la réputation de don Juan de DSK est faite parmi les journalistes. Trop douteux pour Macron, qui livre à Mourad le nom de son candidat : François Hollande. Son pote le chambre gentiment : « Hollande ? Tu ne choisis pas le cheval du siècle ! » Les deux hommes se sont liés d’amitié en juin 2007, quand le jeune inspecteur des finances tape aux portes des banques d’affaires. Bernard Mourad, né au Liban, diplômé d’HEC, lui fait passer un entretien chez Morgan Stanley. Le rendez-vous se transforme en « coup de foudre amical », se souvient celui qui est devenu patron de la branche médias du groupe Altice (L’Express, Libération, BFM, RMC…) avant de quitter ce poste en octobre 2016. Ils ont des points communs, ils aiment la littérature, Mourad écrit des romans. Mais il lui conseille de tenter sa chance ailleurs. « Un gars comme toi, on ne saura pas gérer sa carrière. Fais 150 mètres et va chez Rothschild… » À l’automne 2010, François Hollande se prépare pour la primaire socialiste. Dans la compétition qui s’ouvre, il sera bordé sur sa droite par Dominique Strauss-Kahn et Manuel Valls, et sur sa gauche par Arnaud Montebourg et Martine Aubry. Autrement dit, l’espace est étroit. Dès septembre, le candidat constitue un groupe d’experts, non politiques. Il demande à son ami André Martinez d’accueillir une petite équipe les lundis matin à son domicile, non loin du pont de l’Alma. Hollande et Martinez se sont connus sur les bancs d’HEC, au milieu des années 1970. Leurs routes ont divergé, Martinez faisant une carrière dans le privé – il sera l’un des dirigeants du groupe hôtelier Accor.

Au départ, la cellule est restreinte. Ils ne sont que trois, avec Jean-Pierre Jouyet. Comme dans un couple qui survit à une crise, le lien Hollande-Jouyet sera sans doute plus fort. Se joignent à eux Jean-Marc Janaillac, nommé patron d’Air France durant le quinquennat, et des jeunes au profil de technos, Laurent Olléon (le mari de Fleur Pellerin) et Manuel Flam. « Nous faisions à la fois du coaching de candidat et de la stratégie politique en tant qu’amateurs éclairés », se souvient Martinez. En janvier 2011, Hollande lui adresse un SMS : « Je voudrais faire venir Emmanuel Macron. » Le banquier de chez Rothschild a bien pris pied en Hollandie. 14 mai 2011, c’est la nuit du Sofitel à New York. DSK hors course, François Hollande est désormais favori.

Un mois plus tard, Macron organise chez lui, cité Falguière, un dîner entre son candidat et Michel Rocard. Ces deux-là n’ont jamais été liés. L’ancien rival de Mitterrand entend sonder le nouveau champion des socialistes sur sa stratégie politique. La soirée compte un invité de dernière minute, Jérôme Cahuzac. La veille, ce député strauss-kahnien en déshérence, président de la commission des finances à l’Assemblée, a croisé Macron. Fin connaisseur de la fiscalité – y compris pour de bonnes raisons –, il souhaite se rapprocher du futur Président. Le jeune conseiller le convie le lendemain. Un jeu de circonstances. Cahuzac n’aurait pas eu de difficulté à voir le candidat par d’autres voies, mais le hasard fait les choses ainsi. François Hollande s’est souvenu de cette soirée. Lorsque le compte en Suisse du secrétaire d’État au Budget est révélé, le Président regarde la télévision dans son bureau de l’Élysée avec son secrétaire général adjoint et lui lâche froidement : « Ton copain Cahuzac, bravo. »

Extrait de "Emmanuel Macron, le président inattendu" de Nicolas Prisette aux Editions First

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