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La situation de la France vous angoisse ? C'est bien pire en Italie aussi bien économiquement que politiquement
©Reuters

Quand je compare, je me rassure

Les instances européennes s'inquiètent à juste titre de l'élection présidentielle en France. Pourtant, les regards inquiets feraient mieux de se porter vers l'Italie.

Xavier Timbeau

Xavier Timbeau

Xavier Timbeau est directeur du département "Analyse et prévision" à l'Ofce.

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Si les instances européennes s'inquiètent légitimement du résultat de l'élection présidentielle française, en quoi la situation économique, mais également politique de l'Italie pourrait elle s'avérer être encore plus alarmante ? D'une croissance du PIB par habitant stagnante depuis 20 ans, en passant par une crise bancaire, à un chômage de masse qui persiste dans le pays, et un M5S qu i parvient à se maintenir, en quoi l'Italie pourrait elle être le véritable danger pour l'Europe ?

Xavier TimbeauLa situation économique de l'Italie est préoccupante depuis plus de vingt ans. Là où les pays européens craignent la faible croissance, l'Italie s'est enlisée dans une stagnation voire une baisse de la production. C'est vrai par tête et cela conduit à une baisse de la productivité très inquiétante et durable. La dette italienne est également élevée et son marché du travail est un des plus dégradé d'Europe. Le taux de chômage est de 11,7% de la population active, nettement au dessus de la zone euro. Et il faudrait parler de la situation des banques, dont les créances douteuses affolent tous les régulateurs. En fait, lorsqu'on entend des diagnostics désespérés sur la France, on se dit que l'Italie aurait du disparaître de la carte depuis longtemps !

Politiquement, l'Italie est paralysée. La réforme de Renzi pour échapper à la malédiction de la double proportionnelle intégrale a échoué et, bien que son succès récent le conforte dans le parti démocrate, des élections législatives anticipées auraient peu de chance de produire une majorité et sortir de l'impasse. Dans ce contexte, le gouvernement actuel de Gentiloni arrive à gérer les dossiers délicats (en particulier celui de la banque Monte dei Paschi di Siena). Quelques autres promettent d'alourdir son mandat comme la faillite d'Alitalia. Mais ce qui est préoccupant, c'est que sans majorité claire, renvoyé à la gestion des affaires courantes et sous l'injonction de la Commission d'entreprendre une consolidation budgétaire ou des réformes structurelles, la situation va vers le pourrissement et peut alimenter un sentiment anti européen populiste. 

C'est cela le risque principal en Italie : l'organisation d'un référendum sur l'appartenance à l'UE ou à l'euro et la décision d'un italxit qui pourrait être le coup fatal à l'Europe. Il n'est pas venu de Grèce, d'Espagne, des Pays Bas ou de France et il pourrait émerger en Italie.Les Italiens partagent avec les Français d'être peu confiants dans les institutions européennes et d'avoir une opinion qui se dégrade. la combinaison d'une fatigue institutionnelle et d'une insatisfaction vis à vis de l'Europe peut être un coktail détonnant.

Quelles sont les priorités, aussi bien pour le gouvernement italien, que pour les instances européennes, pour parvenir à une stabilisation et à une amélioration de la situation ? 

La première des priorités est de sortir de l'impasse politique. Renzi fait tout dans ce sens et il n'a clairement pas déposé les armes. Le succès de Macron pourrait lui donner un peu de dynamique en Italie. En s'appuyant sur cette dynamique, en capitalisant sur une nouvelle coalition en Allemagne et en trouvant un allié en France, Renzi pourrait essayer de transformer son eurosepticisme soft en une volonté réformatrice de l'Europe. A supposer que cela produise un résultat (en bougeant les institutions européennes, même à la marge), Renzi pourrait réattirer sur le parti démocrate les électeurs perdus dans les partis nationalistes ou au mouvement 5 étoiles. C'est pour l'Italie la clef pour sortir de l'ambiance délétère où prospère le populisme par déception et essayant de rebâtir un centre progressiste. 

A partir de là, essayer de rebâtir un Etat italien, efficace et légitime, moderniser l'économie, mettre fin à la dérive de l'économie parallèle, investir à nouveau dans les champs de l'éducation, des infrastructures ou du développement des territoires sont probablement les principaux points à inscrire sur l'agenda.

Les institutions européennes n'ont pas véritablement brillé par leur réactivité au cours des dernières années, ce qui a pu être révélé par les multiples réunions de la dernière chance autour de la question grecque. En quoi le cas italien peut il être différent, en quoi la taille de l'Italie change t elle la donne ?

La crise italienne est une triple crise politique, sociale et économique d'une profondeur sans égal en Europe. Mais ce n'est pas une crise aiguë. C'est ce qui lui a permis de gangrener la situation depuis plus de vingt ans. Le problème n'est pas de trouver un accord sur un plan d'aide au petit jour. L'Italie n'est pas face à une crise de liquidité. La question est de remettre en ordre de marche (ne cherchez aucune référence à personne) une social démocratie durement éprouvée par la globalisation, la crise financière et les évolutions massives de l'économie mondiale. L'Europe n'a pas été le catalyseur de ce changement, contrairement à ce qu’espèrent encore quelques irréductibles technocrates. Mais l'Europe pourrait être le bouc émissaire avant la décomposition totale.

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