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Pourquoi l’islam et la laïcité font rarement bon ménage
©Zakaria ABDELKAFI / AFP

Bonnes feuilles

A l'heure où dominent les relativismes, où s'installent les confusions et où l'émotion supplante la raison, la relation avec l'Islam et les musulmans est confrontée à deux sérieux écueils : le déni et la passion. Il est donc urgent de bannir toute superficialité dans l'approche de réalités encore trop méconnues ou déformées. Tel est l'enjeu réussi de ce livre qui s'inspire aussi de l'expérience des chrétiens d'Orient. Extrait de "L'Islam, Pour tous ceux qui veulent en parler, mais ne le connaissent pas" d’Annie Laurent, aux Editions Artège (1/2).

Annie Laurent

Annie Laurent

Annie Laurent collabore à diverses revues, profanes ou catholiques, et participe à des émissions de radio, et donne une chronique hebdomadaire sur les chrétiens du Proche-Orient à Radio-Espérance.  Elle a publié plusieurs autres livres, parmi lesquels : Vivre avec l’Islam ? (éd. Saint-Paul, 1996), Pour l’amour de l’Eglise (entretiens avec l’abbé Christian Laffargue, paru chez Fayard en 1999), Dieu rêve d’unité (entretiens avec Mgr Michaël Fitzgerald, nonce apostolique au Caire, paru chez Bayard en 2005), et L'Islam aux Editions Artège (2017).

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Selon sa doctrine classique, l’Islam se définit comme un tout: religion, société, État. Cette triple dimension lui est fondamentale. C’est pourquoi la notion de laïcité est étrangère au droit public musulman. Donc, dans un pays où la majorité de la population est musulmane, l’islam doit être reconnu comme religion officielle. Même si le Coran ne se prononce pas à son sujet, il inspire un système politico-religieux qui identifie totalement les sphères religieuse et civile.

Beaucoup de musulmans voient alors dans la laïcité une forme déguisée d’athéisme. Elle équivaut, croient-ils, au rejet de Dieu de la Cité et à la négation de la religion, comme le rappelait au Liban Hussein Kouatly, directeur général de Dar-el-Fatoua, instance officielle du sunnisme local, au début de la guerre survenue dans son pays en 1975.

Le musulman au Liban, en principe, ne peut être qu’engagé par les obligations de l’islam dont fait partie la création de l’État islamique. Celle-ci peut toutefois être suspendue provisoirement en cas de contraintes extérieures […]. La solution fondamentale, c’est l’appel à l’instauration d’un pouvoir islamique au Liban. La laïcité représente une façon de coincer [sic] les musulmans parce qu’elle signifie la séparation de la religion et de l’État alors que l’islam est un régime total, c’est- à-dire religion et État .

Le Liban est le seul État de la Ligue arabe (22 membres) dont l’identité et les institutions ne sont pas monopolisées par l’islam. Sa démocratie n’est pourtant pas laïque, mais confessionnelle: elle assure, selon une répartition fixe, la participation aux affaires publiques des dix-huit communautés reconnues par sa Constitution. Il n’y a donc pas de citoyens inférieurs aux autres et pas de risque de dictature. Et c’est pour garantir le maintien de cette exception protectrice de toutes les libertés que la présidence de la République est réservée à un chrétien maronite et que le Parlement est réparti par moitié entre élus chrétiens et musulmans alors même que la majorité de la population est désormais musulmane.

Avant les guerres récentes (Irak) et les révolutions en cours, certains régimes arabes (Tunisie et Égypte notamment) étaient présentés en Occident comme laïques pour la simple raison qu’ils muselaient l’islamisme. Cette présumée laïcité s’appliquait surtout au régime de Saddam Hussein, fondé sur un parti unique, le Baas (Résurgence), créé en Syrie en 1947 sur l’idéologie du nationalisme arabe. Or, le Baas n’étant pas un parti laïque à l’occidentale, il est préférable de le qualifier de laïcisant. D’ailleurs, la Constitution de l’Irak baassiste, en vigueur jusqu’en 2003, proclamait l’islam religion d’État. Le cas de la Syrie est particulier. Lorsqu’il s’empara du pouvoir en 1970, Hafez el-Assad fit adopter une Constitution ne comportant la proclamation d’aucune religion officielle, ce qui suscita la colère des oulémas sunnites. Assad introduisit alors l’obligation pour le chef de l’État d’être musulman. Mais lui-même était alaouite. Alors, en 1973, pour régulariser sa situation confessionnelle, il obtint de l’imam chiite libanais Moussa Sadr la publication d’une fatoua (avis juridico-religieux) déclarant que les alaouites font partie de l’islam chiite.

Dans la plupart des pays musulmans, l’islam est considéré comme la religion du peuple, si bien qu’il est impossible à un citoyen d’annoncer un changement de religion, sauf à vivre sa nouvelle identité dans la clandestinité et la crainte de représailles ou de poursuites pénales.

Extrait de "L'Islam, Pour tous ceux qui veulent en parler, mais ne le connaissent pas" d’Annie Laurent, aux Editions Artège

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