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Pourquoi il est urgent que les Français soient enfin formés en connexion avec le monde réel
©Reuters

Tribune

Le budget de la formation en continue est équivalent à celui de la Défense nationale... et pourtant, chômage et emplois non-pourvus continuent à cohabiter en France. Il est donc urgent de rationaliser notre approche de la formation.

Jean-Baptiste Danet

Jean-Baptiste Danet

Jean-Baptiste Danet est Président de CroissancePlus. En 2001, il crée Interbrand France. Apres 10 ans, dont 5 en tant que Président d'Interbrand Europe, Jean-Baptiste Danet rejoint Dragon Rouge en 2011 comme directeur général du Groupe et associé des fondateurs. Il quitte l’entreprise en 2016 et rejoint, en tant que Coprésident, le Groupe Ipanema.

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A quelques jours du second tour de l’élection présidentielle, l’emploi demeure la première préoccupation des Français. 3,5 millions d’entre eux ne parviennent pas à vivre du fruit de leur travail, sans compter les temps partiels non désirés et les situations précaires non comptabilisées dans les statistiques. Installée depuis des décennies dans notre pays et dans nos esprits, cette situation est pourtant dramatique, car plus qu’une source de revenu, le travail est aussi une voie d’épanouissement, de réalisation personnelle et de sociabilité. Pourtant, contre cette situation, nous sommes convaincus que tout n’a pas été essayé.

Problème de demande ? Pas seulement !  Les entreprises, en particulier les PME, sont désireuses d’embaucher : en 2016, l’enquête annuelle de Pôle  Emploi estimait que le nombre d’intentions d’embauches par les entreprises s’élevait à plus de 1,8 million sur l’année. Parmi celles-ci, plus des deux tiers étaient le fait d’entreprises de moins de 50 salariés. Plus de 820 000 postes restaient à pourvoir en 2013, soit plus d’un quart du nombre de chômeurs ! Deux PME sur trois rencontrent des difficultés pour recruter.

Etrange paradoxe donc que celui de la France : chômage et emplois non pourvus coexistent…

De nombreuses explications tournent autour de l’enjeu crucial de la formation, initiale comme continue.

D’un côté, la formation initiale est parfois inadaptée aux besoins de l’économie : la pénurie de compétences entraîne une inadéquation entre l’offre et les besoins des entreprises. De l’autre, l’apprentissage ne donne pas tout son potentiel : alors que les études prouvent que l’apprentissage est une passerelle indispensable pour l’emploi, le nombre d’apprentis n’a pas évolué depuis 10 ans, malgré les annonces des gouvernements successifs …

Enfin, la formation continue n’adresse pas les bonnes problématiques. Malgré un budget de 32 milliards d’euros par an (autant que celui de la Défense Nationale !), les formations bénéficient principalement aux… actifs et aux… plus qualifiés dans… les grandes entreprises. Seuls 10% des formations continues bénéficient aux chômeurs qui en auraient pourtant le plus besoin.

Mais la responsabilité de cet échec est partagée. Dans l’inadéquation entre offre et demande, reste solidement ancrée une vieille querelle, jamais tout à fait tranchée, sur la nature de la formation que l’école doit apporter : donner la capacité à s’adapter à tout type de travail ou apporter des compétences directement exploitables dans la vie professionnelle ? Les entreprises ont leur responsabilité dans cette ambiguïté ; elles doivent assumer leur part et ne pas tout attendre des cursus suivis par les personnes qu’elles entendent recruter. Quel jeune n’a pas entendu que son inexpérience était un frein à son embauche ? Aux recruteurs de faire sauter ce verrou !

Il n’en demeure pas moins que la formation est un enjeu central, et une des clefs de notre problème. Il faut en réallouer les moyens vers les personnes en ayant le plus besoin, en bonne intelligence avec les entreprises. Des portails numériques pourraient ainsi permettre aux individus de renseigner leur parcours et de se voir fournir un diagnostic pour élaborer une stratégie optimale de recherche d’emploi vers les métiers en tension et la meilleure formation pour réaliser leur reconversion. Un tel pilotage autoguidé faciliterait en outre le recours au compte personnel d’activité, qui s’inscrit dans cette même logique de responsabilité individuelle

Des mesures fortes doivent également être prises pour relancer l’apprentissage. Une plus grande souplesse doit être laissée aux entreprises pour rendre l’accueil des apprentis plus facile et plus incitatif : leur rémunération serait ajustée en fonction du futur métier exercé et le rythme et la durée de l’alternance prendraient davantage en compte les besoins de celles-ci.

Enfin, l’enveloppe allouée à la formation continue doit être mieux utilisée, et davantage dirigée vers ceux qui en ont besoin : les demandeurs d’emploi. Les entreprises ne peuvent pas se satisfaire d’un marché du travail qui dysfonctionne, et l’urgence sociale leur impose de prendre davantage de responsabilité dans la résolution des problèmes. Nous pensons qu’il est temps de lancer un « Plan Marshall » pour la formation des chômeurs, qui in fine sera bénéfique à tous. Et nous, entrepreneurs, y sommes prêts.

Mais il faudra une véritable action stratégique des pouvoirs publics. La révolution numérique opère en effet un bouleversement sans précédent des métiers et des modes de management : 60 % des métiers qui seront exercés en 2030 n’existent pas encore actuellement et, parmi les 10 emplois les plus sollicités de nos jours, aucun d’entre eux n’était exercé en 2004.  Elle offre d’innombrables emplois car plus aucun secteur d’activité ne peut se passer du numérique : la France a besoin de référenceurs, community manager, web-marketeurs et de data scientist ! Il faut accompagner cette transition. La formation professionnelle doit permettre une reconversion des salariés ou des demandeurs d’emploi. Pour cela, la généralisation d’une offre de formation en ligne qualifiante et diplômante est une priorité.

En 2006, le rapport de la Commission sur l’économie de l’immatériel, présidée par M. Levy et J.P. Jouyet, relevait que : « la véritable richesse n’est pas concrète, elle est abstraite […] C’est désormais la capacité à innover, à créer des concepts et produire des idées qui est devenue l’avantage comparatif essentiel ». Plus de dix ans plus tard, force est de constater qu’il serait bon de faire de l’investissement dans le capital humain la priorité du futur président(e) de la République. Prêtes à embaucher et investir, croyant à l’avenir du travail, les entreprises que nous représentons ont besoin d’une politique volontariste en la matière, en lien direct avec leurs besoins. 

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