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Génération solo : 
Sommes-nous en train de devenir allergiques à la vie à deux ?
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Depuis les années 1960, le nombre de personnes vivant seules en France a plus que doublé. Occuper seul un logement est dans l'air du temps. Mais vivre en solo est-il un choix délibéré pour s'offrir une jeunesse prolongée ? Ou bien est-ce symptomatique d'une génération qui souffre d'une solitude affective ?

Il n'y a pas si longtemps, vivre seul signifiait soit être veuf, soit être vieille fille. Une situation qui concernait donc principalement les plus de 40 ans. C'est loin d'être le cas aujourd'hui. Les jeunes sont de plus en plus nombreux à vivre seuls.

Cela s'explique notamment par le recul de l'âge auquel les jeunes s'installent en couple. Entre le moment où ils quittent leurs parents, et le moment où ils se mettent en ménage, ils passent un moment de transition en vivant seuls. Le dicton "mieux vaut être seul que mal accompagné" semble être devenu le leitmotiv des nouvelles générations. Un phénomène générationnel qu'illustre parfaitement la mini-série à la mode de Canal +, "Bref".

Depuis les années 1960, le nombre de personnes vivant seules en France a plus que doublé : une personne sur sept est concernée (soit plus de 8,7 millions de personnes). En 2007, 14% de la population vivait seule dans son logement, contre 6% il y a 50 ans. À 26 ans, environ 20% des jeunes hommes vivent en solo.

Fait notable : les femmes sont plus nombreuses à vivres seules que les hommes. Un écart qui a toutefois tendance à se réduire. Si en 1962, 8% des femmes françaises vivaient en solitaire (contre 4% des hommes), elles étaient 16% en 2007, (contre 12% pour les hommes).

Aux Etats-Unis, 1 foyer sur 4 est occupé par une personne seule, rapporte le New York Times. A Manhattan - le temple du célibat - le chiffre passe à un foyer sur deux. En 1950, 4 millions d’Américains adultes vivaient seuls, ce qui représentait 9% des foyers. Aujourd’hui, ce nombre atteint 31 millions, soit le chiffre exorbitant de 28% des foyers.

Si les chiffres parlent d'eux-mêmes, on peut en revanche se poser la question du choix : vivre seul est-il un choix délibéré, ou à l'inverse un mode de vie subi ? Nouvelles figures emblématiques, ces nouveaux solitaires font voler en éclats l'image du célibataire malheureux ou dépressif. Mais dans la réalité, dans notre société, peut-on être seul ET heureux ?

Cela dépend d'abord du pays où l'on vit. En Espagne, "l'idée de vivre seul n'est ni appréciée ni valorisée, on l'assimile à la solitude affective", explique la sociologue franco-espagnole Sandra Gavira. "Vivre seul, volontairement, est codé comme «il n'arrive pas à supporter les autres» ou «il est tellement imbuvable que personne ne veut vivre avec lui»", analyse-t-elle.

Certaines personnes argueront qu'elles ne sont tout simplement pas faites pour vivre en communauté. Elles sont bien dans leur petit monde et ne veulent pas voir leur salle de bain envahie par une deuxième brosse un dent, ou voir leur placard à vêtements colonisé par des caleçons à rayures ou autres soutiens-gorge à dentelle. Des personnes qui, aux yeux de certains psychologues "n'acceptent pas de grandir" et souhaitent rester d'éternels ados, sans fil à la patte.

"Le cœur de la vie en solo, c’est comme une jeunesse prolongée, analyse le sociologue Jean-Claude Kaufmann. Et qu’est-ce que la jeunesse, c’est une période de la vie où l’avenir n’est pas encore écrit. C’est une période où l’on peut s’inventer d’avantage même si elle n’est pas toujours facile à vivre. Donc solo cela porte aussi l’idée de moments créatifs."

Toujours est-il que les conditions de vie modernes permettent de mener de front une vie sociale et amoureuse active tout en se repliant dans sa petite bulle. Quand il est facile de sortir de chez soi et qu'on a le choix entre cinq bars en bas de chez soi pour faire de nouvelles rencontres, vivre seul n’équivaut plus à une condamnation à la solitude. Encore moins à une époque où l’on peut, chatter sur Facebook, envoyer des SMS et des emails, ou communiquer sur Skype avec des contacts éloignés.

Autre changement majeur : la sexualité n’est plus confinée à la sphère du mariage. Dans son dernier livre Going Solo, The Extraordinary Rise and Surprising Appeal of Living Alone (L'Essor extraordinaire et l’attrait surprenant de la vie en solo), Eric Klinenberg soutient que la conjonction de l’urbanisation de masse, des technologies de la communication et de la libération des mœurs a conduit à cette évolution. 

C’est donc parfaitement possible de vivre seul en entretenant toute une variété de relations épanouissantes. Mais, plus particulièrement à des âges avancés de la vie, c’est loin d’être facile ou évident.

En effet, plus une femme est âgée, plus elle risque de vivre seule. Si 8% des femmes de 40 ans vivent seules, elles sont 55% à 80 ans. Plusieurs faits expliquent ce phénomène. Les femmes se retrouvent souvent seules après une rupture. Les divorces ayant considérablement augmenté, le nombre de personnes seules a suivi le même chemin. Le départ des enfants élevés par un parent isolé joue aussi en ce sens. Des chiffres qui s'expliquent aussi par le plus grand nombre de décès de leur conjoint. Les personnes âgées, même seules, restent à leur domicile plus longtemps qu'il y a 50 ans en raison d'une meilleure santé.

D'autre part, les femmes refusent désormais de tout sacrifier pour accueillir un homme dans leur vie, elles font moins de concession : vivre avec quelqu'un oui, à condition de continuer à mener sa carrière de front, de ne pas être la potiche affiliée au ménage, ou de pouvoir continuer à partir en weekends avec les copines.

Il ne faut toutefois pas se voiler la face : ce mode de vie n'est pas la panacée pour tous. La pression sociale fait toujours effet. Et on ne manquera pas de rappeler sa "triste situation" à une Bridget Jones ou au fils "incasable" de la famille, qui cherchent désespérément l'âme sœur.

Parmi les trentenaires, ce sont les femmes qui expriment le plus d’angoisse face à leur célibat, car elles sont plus soumises au harcèlement de leurs pairs qui les poussent sans cesse à trouver un compagnon et à se reproduire. Les formules du type "Ma chérie, quand vas-tu me faire un petit-fils ?" ont toujours un effet inconscient très fort sur les jeunes femmes.

Marie Slavicek

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