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Charismatique mais tombant parfois dans le piège du "padamalgam": François, ce curieux pape jésuite qui intrigue les musulmans
©Reuters

Bonnes feuilles

De Tunis à Paris, une grand-mère et sa petite-fille proposent un regard croisé sur l'islam, la place de la femme, la laïcité, le terrorisme, ou encore la notion d'identité. Extrait de "Le monde ne tourne pas rond, ma petite-fille" de Sonia Mabrouk, aux Editions Flammarion (2/2).

Sonia Mabrouk

Sonia Mabrouk

Sonia Mabrouk est journaliste sur Europe 1 et CNews, auteur de Reconquérir le sacré (Editions de l'Observatoire, 2023), l'essai Le Monde ne tourne pas rond, ma petite-fille (Flammarion, 2017) et du premier roman sur les enfants du djihad Dans son cœur sommeille la vengeance (Plon, 2018) . Elle a aussi été enseignante à l'université.

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Le pape François intrigue Delenda. Elle lit tous les articles le concernant. Ma grand-mère sait tout ou presque de son parcours depuis les bidonvilles de Buenos Aires. Et le pontife argentin lui inspire des sentiments contrastés.

« Je ne sais pas quoi penser de ce pape. Est-il un guide religieux ou une personnalité politique à la tête du Vatican ? Je trouve ses propos parfois ambigus. Il s'autorise à faire la leçon à certains pays. Qui est vraiment le jésuite Jorge Bergoglio ?

— Tu as donné la réponse, mamie !

— Comment ça ?

— C'est un jésuite.

— Et alors ? En quoi cela répond à ma question. Explique-toi, Sonia.

— C'est le premier pape jésuite à la tête de l'Église. Il y a eu des bénédictins, des dominicains, mais jamais, au grand jamais, de jésuite. Ils sont réputés pour avoir une forte personnalité. C'est le cas du pape François. Sans oublier leur formation, très solide. Je crois qu'il lui a fallu environ quinze années d'études pour devenir jésuite, tu te rends compte ?

— Pas très bien… En quoi ça consiste ?

— C'est un pasteur qui n'a pas peur de s'engager dans la vie politique et sociale. Contrairement aux autres prêtres, il a vécu dans les villes, il n'était pas enfermé dans un monastère. François est donc imprégné par la vie et les problèmes quotidiens des gens. Il est très porté sur les questions sociales. Le pape François a intégré tous les changements de ce monde, y compris les révolutions numériques. Il a une longueur d'avance sur les autres évêques. Contrairement à beaucoup d'entre eux, il est au contact de la réalité. Au cœur des préoccupations. C'est un homme de terrain et un vrai politique.

— Mais est-ce que c'est de la politique ou de la communication ?

— Il y a sûrement une part de communication, mamie, même une grande part. Il sait se mettre en scène. Toutefois, on ne peut pas le réduire à ça. Je me souviens qu'il y a un an, il a été critiqué pour avoir accueilli, après un déplacement sur l'île de Lesbos en Grèce, une douzaine de réfugiés syriens musulmans au Vatican. “Pourquoi n'a-t‑il pas pensé aux chrétiens d'Orient”, a-t‑on alors entendu dans le débat public. “C'est un mauvais signal” ont par ailleurs affirmé ceux qui craignent une arrivée massive de migrants. Depuis son compte Twitter, @Pontifex, François a justifié son action, expliquant que les réfugiés n'étaient pas des nombres, mais des personnes : “Ils sont des visages, des noms, et ils doivent être traités comme tels”, a-t‑il publié. Pour ma part, je trouve que ce geste, de portée symbolique, constitue une preuve d'humanité et d'ouverture. Même s'il ne faut pas le sur-interpréter. D'autant que, depuis ce séjour grec, le pape a un peu nuancé sa position. Après avoir sévèrement condamné les pays qui se barricadent et ferment leurs frontières aux migrants, il a dit finalement comprendre la prudence de certains gouvernements.

— Ses propos déclenchent régulièrement des polémiques. Que penses-tu de sa phrase sur la violence des catholiques ? »

Delenda fait référence à des propos tenus à l'occasion des Journées mondiales de la jeunesse en Pologne, à Cracovie. « Dans presque toutes les religions, il y a toujours un petit groupe de fondamentalistes. Nous en avons nous aussi », a dit le pape. Cette phrase a provoqué un tollé. En refusant, à juste raison, tout amalgame entre islam et terrorisme, François s'est aventuré à prendre pour exemple les catholiques qui pouvaient aussi, dit-il, être violents. Selon lui, dans toutes les religions, on trouve toujours un groupe extrémiste et fondamentaliste. Il n'en fallait pas plus pour que la presse mondiale se saisisse de la polémique. Sur le fond, le souverain pontife a raison. L'islam n'est pas l'islamisme. C'est ma conviction profonde. Toutefois, en cherchant à tout prix à ne pas blâmer les musulmans, il est tombé dans ce que l'on appelle désormais le « padamalgam ». Autrement dit, une forme de déni de la réalité. À mes yeux, la barbarie djihadiste s'est drapée dans notre religion. Il ne faut pas se mentir en affirmant que cela n'a rien à voir avec l'islam. Les djihadistes prétendent agir au nom de la religion. Je l'ai souvent dit au cours de mes conversations avec Delenda, c'est un islam dévoyé qui leur sert de prétexte pour tuer et terroriser. Le pape ne rend pas service aux musulmans en adoptant la politique de l'autruche. Au contraire. Le déni est une forme de double peine. Il favorise les terroristes tout en nous empêchant de mener un examen de conscience indispensable, dans le but de faire échouer cet islam dénaturé.

Ma grand-mère trouve que l'on fait trop de faux procès à ce pape. Elle n'a pas tort. Chacune des phrases pontificales est décortiquée et soupesée. Seulement, il a lui-même mis le doigt dans l'engrenage médiatique et politique. C'est ce que j'explique à Delenda.

Extrait de "Le monde ne tourne pas rond, ma petite-fille" de Sonia Mabrouk, aux Editions Flammarion

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