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A la recherche du centre perdu...  
Les centristes, grands perdants 
de la campagne 2012 ?
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Centre en retrait

Le congrès du Nouveau Centre s’est tenu ce week-end et a révélé de fortes dissensions au sein du parti. De son côté, François Bayrou stagne dans les sondages. Mais que se passe-t-il chez les centristes ?

Jean Garrigues

Jean Garrigues

Jean Garrigues est historien, spécialiste d'histoire politique.

Il est professeur d'histoire contemporaine à l' Université d'Orléans et à Sciences Po Paris.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages comme Histoire du Parlement de 1789 à nos jours (Armand Colin, 2007), La France de la Ve République 1958-2008  (Armand Colin, 2008) et Les hommes providentiels : histoire d’une fascination française (Seuil, 2012). Son dernier livre, Le monde selon Clemenceau est paru en 2014 aux éditions Tallandier. 

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Atlantico : Le congrès du Nouveau Centre s’est tenu ce week-end et a révélé de fortes dissensions au sein du parti. De son côté, François Bayrou stagne dans les sondages. Comment expliquer la difficulté du centre à exister politiquement ?

Jean Garrigues : Il y a toujours eu historiquement en France un courant centriste ou une sensibilité centriste, démocrate et chrétienne, qui réunit un certain nombre d’hommes venus de la droite libérale ou de la gauche radicale. Il s’agit d’une sensibilité composite, formée de personnes issues de familles différentes qui partagent certaines valeurs communes : l’humanisme, l’attachement à la République, le christianisme social (conception plus sociale que celle de la droite traditionnelle) et un penchant pour l’Europe, bien sûr. 

Des familles parlementaires centristes ont joué un rôle essentiel dans la naissance de la IIIe République, en 1870. Mais avec la Vème République et la présidentialisation des institutions, une bipolarisation de la vie politique française est apparue. Dans cette configuration, le centrisme a vocation à disparaitre ou à se retrouver en situation systématique de ralliement au deuxième tour de la présidentielle. Il peut exister uniquement comme une force d’appoint pour l’élection présidentielle.

Mais pourquoi le Nouveau Centre explose-t-il aujourd'hui et pourquoi François Bayrou stagne-t-il dans les sondages ?

Il y a énormément d’éléments à la fois structurels et conjoncturels qui expliquent pourquoi en 2012 cela ne fonctionne pas.

Pour le Nouveau Centre, la figure qui incarne le mouvement, Hervé Morin, refuse la culture de ralliement traditionnellement présente au centre. La majorité des élus ne le comprend pas et est désarçonnée. C'est pourquoi il a été lâché par les élus parlementaires de son parti, comme François Bayrou avait été lâché en 2007 par les élus UDF. La nécessité des alliances électorales fait que si les élus centristes veulent être renouvelés, ils doivent s’allier avec la droite.

Et François Bayrou ?

Il incarne cette continuité de la tradition centriste historique, c’est l’héritier chrétien démocrate. Il a eu le sens politique de se dire que s’il voulait faire exister le centre comme une force première dans la vie politique française, il fallait procéder comme Valéry Giscard d'Estaing l'avait fait avec succès en 1974 : n’accepter ni la droite ni la gauche et se présenter comme celui qui peut rassembler à droite comme à gauche.

Le problème c’est que pour faire ce rassemblement, il faut des réseaux d’élus et de militants. Cela manque à François Bayrou, même si depuis  2007, un réseau militant s’est construit autour de lui.

Et puis, par rapport à 2007, il doit faire face à un autre handicap : l’usure.  En 2007, c’était un homme nouveau, en 2012 il y a quelque chose de réchauffé. Comme Nicolas Sarkozy, ce ne sont plus des hommes neufs. Ça pourrait être un avantage, un gage de cohérence, de continuité, mais l’effet de nouveauté ne joue plus.

Surtout, deuxième phénomène majeur : en 2007, il devait faire face à Ségolène Royal, une candidate de gauche qui ne mordait pas sur l’électorat centriste, tandis qu’en 2012, François Hollande est plus à même de capter cet électorat. Finalement, LA mauvaise nouvelle pour Bayrou dans cette élection, c’est que Hollande a gagner les primaires.

Malgré tout, comme en témoigne son vocabulaire gaulliste et sa personnalisation du pouvoir, François Bayrou a adapté le centrisme à l’esprit de la Vème République ; de la même façon que l'avait fait François Mitterrand à partir de 1965, avec la gauche. Si la stratégie du candidat Modem ne fonctionne pas, c'est parce que la tradition de bipolarité l’emporte sur cette volonté d’adaptation.

Peut-on déjà tenter d'esquisser de quoi le futur du centre sera fait après 2012 ?

L’après 2012 est très difficile à définir. La logique aurait dû être une progression de François Bayrou par rapport à 2007. En l'état actuel des choses, nous sommes en régression. Par conséquent, tout  dépendra de la capacité de Bayrou à rebondir après un éventuel troisième échec. Pour ce qui concerne le Nouveau Centre, les choses sont assez claires : on reviendra à la stratégie traditionnelle de l’alliance à droite.

De toute façon, le centre a déjà explosé. Ce qui existe aujourd’hui c’est un "bayrouisme" ou un rassemblement autour de Bayrou. Le centrisme en tant que famille politique est divisé entre le Modem, le Nouveau Centre, voire le Parti radical de Jean-Louis Borloo, ou bien même Dominique de Villepin dont le discours politique est assez proche de celui de François Bayrou.

Propos recueillis par Aymeric Goetschy

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