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Ce qui se cache derrière la difficulté des Republicains à élaborer un éventuel plan B
©JOEL SAGET / AFP

Que faire ?

En dépit des commentaires, rien n'est joué pour François Fillon qui pourrait encore être au second tour et gagner la présidentielle. Pour les potentiels "plans B" en cas de remplacement, cela paraît, en revanche, moins certain.

Roland Hureaux

Roland Hureaux

Roland Hureaux a été universitaire, diplomate, membre de plusieurs cabinets ministériels (dont celui de Philippe Séguin), élu local, et plus récemment à la Cour des comptes.

Il est l'auteur de La grande démolition : La France cassée par les réformes ainsi que de L'actualité du Gaullisme, Les hauteurs béantes de l'Europe, Les nouveaux féodaux, Gnose et gnostiques des origines à nos jours.

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Il est dans la culture de l'ex-RPR, devenu UMP, puis "Les Républicains", de prendre des décisions brusques et apparemment fortes après un échec. Alain Juppé en sait quelque chose : à la suite de la défaite à l'élection législative qui a suivie la dissolution de 1997, il fut sommé, dans la journée qui suivit, de démissionner de la présidence du RPR pour être remplacé, séance tenante, par Séguin  - qui devait ultérieurement démissionner à son tour tant il était peu fait pour ce poste.

C'est sans doute là la marque de la culture chiraquienne. Chirac ne marchandait pas les gestes brusques et excessifs qui convenaient à son air (apparemment) décidé : appel de Cochin, festival atomique de 1995, retrait du CPE, déjà voté et promulgué.

Nous sommes là loin d'une authentique vision politique, laquelle prend en compte pleinement le facteur temps et donc ne s'arrête pas au premier revers. Churchill disait  : "Le succès, c'est d'aller d'échec en échec sans perdre son enthousiasme."  Les mêmes qui poussent Fillon à retirer sa candidature, et vont peut-être l'y forcer, auraient dit à De Gaulle après Mers-el-Kébir ou Dakar: "Maintenant ça suffit, on rentre à la maison".

En refusant de démissionner, Fillon ne fait pas seulement preuve d'obstination : il démontre ses capacités d'homme d'Etat qui ne change pas de cap au premier revers. Il répond ainsi à ceux qui doutaient de sa force de caractère.

Certes, l'affaire à laquelle il est confronté n'est pas insignifiante, non pas tant sur le plan moral ou judicaire, mais sur le plan politique.

Il reste que la seule solution pour les chefs des Républicains est de continuer à le soutenir car ils n'en ont aucune autre qui tienne.

D'abord, si Fillon s'arrêtait, le préjudice ne serait pas seulement pour lui, mais pour toute la droite et le centre. Renoncer dans les circonstances actuelles à sa candidature serait implicitement reconnaître une gravité qu'ils n'ont pas aux faits qui lui sont reprochés : tous les experts consultés s'accordent à penser que cette procédure finira dans six mois ou un an par un non-lieu, mais entre temps que de dégâts ! Cette reconnaissance de culpabilité ne vaudrait pas seulement pour  Fillon mais pour toute la droite classique et hypothéquait donc lourdement la candidature de son successeur.

Les défections au sein de LR ne plaisent pas à tout le monde, non seulement parmi les partisans de Fillon, mais très au-delà dans l'éventail politique : elles sentent la lâcheté et la traitrise. L'éventuel futur candidat ne devra donc pas avoir été compromis avec cette méprisable débandade.

Et puis qui choisir ? Les caciques de LR, avant de demander son retrait à Fillon, devraient proposer à l'unanimité un autre candidat : déposer ce que, dans la Constitution allemande, on appelle une "motion de défense constructive" : une motion de censure portant le nom du nouveau chancelier. Or, il n'en est pas question pour le moment: il s'en faut de beaucoup que les députés ayant quitté le navire soient d'accord sur le nom du nouveau pilote.

Si Fillon renonçait aujourd'hui, il faudrait  s'attendre à une grave confusion chez les Républicains, cela à quelques jours de la  date limite de dépôt  des candidatures, chacune de celles-ci devant être portées par 500 signatures d'élus.

On parle de Juppé qui, parait-il, se prépare. Remplacer Fillon par Juppé n'est  pas un choix neutre : dans l'atmosphère extrêmement tendue qui règne dans le monde occidental entre les néoconservateurs (et libéraux-libertaires) de type Clinton désireux d'en découdre avec Poutine et qui n'ont toujours pas avalé leur défaite à la présidentielle américaine, et les pragmatiques qui, comme Trump, veulent substituer le dialogue à la confrontation avec la Russie, entre la logique du messianisme belliqueux et celle des intérêts, l'atmosphère est proche de la guerre civile : à Washington, le clan Clinton, qui comprend la plupart des médias, refuse de reconnaitre sa défaite. En France, Macron est clairement dans le premier camp, Marine Le Pen dans le second. Le malheur est que la ligne de front traverse aujourd'hui le parti Les Républicains. Juppé est clairement, comme Macron, sur la ligne Clinton, Fillon, malgré sa modération, est soupçonné d'être sur la ligne Trump, et en tous les cas de ne pas être hostile à Poutine : "il abuse de la vodka"  a dit méchamment Juppé.

Au demeurant, les raisons qui ont fait perdre à Juppé la primaire demeurent valables : non pas son âge comme on l'a dit, mais l'âge de son logiciel, celui du chiraquisme, le "travaillisme à la française" , prêt sur presque tous les sujets à avaliser l'héritage de la gauche à un moment où c'est précisément cet héritage qui semble fatal à la France. Personne n'a oublié non plus ses grossières erreurs de jugement dans la guerre de Syrie. Il aurait gagné facilement l'élection en novembre ou décembre, sauvant  la mise des députés LR. Aujourd'hui, c'est moins sûr.

Que dire du jeune Baroin ? Dans un climat de crise grave, les peuples préfèrent généralement l'expérience et la solidité. Le noyau dur de l'électorat de droite, d'inspiration catholique modérée,  ceux qui ont fait gagner Fillon à la primaire, se ralliera-t-il à quelqu'un qui a déconseillé de faire des crèches de Noël ? Bertrand n'est guère mieux loti. Wauquiez, jeune aussi, plus marqué à droite, n'est pas aimé par ses collègues mais on le voit mal se rallier aux précités.

Pour se maintenir, Fillon n'a pas forcément besoin de l'aval de ses collègues. La page de la primaire tournée, il suffit qu'il se réfère à l'esprit de la Ve République pour qui les candidats à la magistrature suprême ne sauraient être des gens de parti  mais des hommes seuls face au peuple.

Fillon aurait tort de lâcher et ses collègues qui veulent son retrait, tort d'insister.

Malgré tout ce qui a pu être dit, Fillon, qui dispose d'un matelas de 18 % d'électeurs sûrs, peut encore être au second tour et gagner. Pour les autres, contrairement aux apparences, c'est douteux. 

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