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Comment Angela Merkel s’occupe seule de la question migratoire qui concerne toute l’Europe
©Reuters

Voyage au Caire et à Tunis

Angela Merkel va cette semaine rencontrer les présidents égyptien et tunisien pour discuter de différents sujets dont la question migratoire. La chancelière Allemande veut de cette façon reprendre la main concernant un sujet sur lequel elle reste très critiquée.

Atlantico : Angela Merkel a entamé une visite de deux jours en Tunisie et en Egypte, dont l'enjeu serait d'endiguer les flux migratoires à destination du continent européen. Dans quelle mesure faut il voir le voyage d'Angela Merkel comme le traitement d'un enjeu national allemand, au regard des prochaines échéances électorales ? Comment expliquer l'apparent silence de ses homologues européens, François Hollande en tête, sur ces questions ?

Laurent Chalard : Angela Merkel est fortement contestée au sein de la population allemande pour sa gestion, perçue, probablement à raison, comme catastrophique, de la crise des migrants syriens. En effet, le gouvernement allemand a paru totalement débordé par l’ampleur de l’afflux de migrants, qu’il avait fortement sous-estimé, d’où une certaine anarchie, qui choque le peuple allemand, habitué à un certain ordre. Il faut garder en tête que le peuple allemand n’est pas tant opposé, sur le principe, à l’accueil de réfugiés, que sidéré de la manière chaotique dont cela s’est déroulé. En conséquence, Angela Merkel tente de se racheter auprès de son électorat conservateur, en essayant de montrer qu’elle s’attaque à la racine du mal, à travers ses visites en Afrique du Nord pour tenter de limiter les flux de départ. Elle espère récupérer les bénéfices électoraux d’éventuels accords qui conduiraient à une tarissement des flux de départ. D’une certaine manière, bien qu’elle s’en défende, elle fait « machine arrière », typique de l’opportuniste qu’elle est depuis le commencement de sa carrière politique.

Depuis le début de la crise des migrants, l’Allemagne semble jouer en solo, décidant unilatéralement de la politique migratoire de l’Union à la place des autres peuples européens. Si l’absence de réaction, ou, tout du moins, le manque d’influence de certains pays sur la prise de décision s’explique assez facilement par leur faiblesse économique et/ou démographique par rapport à l’Allemagne, par contre, ce qui est surprenant est l’absence de réaction depuis le début des dirigeants français, censés être le principal partenaire des allemands. Le silence français face à des décisions, qui ont fortement affaibli l’image de l’Europe dans le monde et menacent sa cohésion interne, relève principalement, au mieux, de la lâcheté ou de l’incompétence, l’un allant, en règle générale, avec l’autre, de ses dirigeants, au pire, de leur connivence inavouée avec la chancelière allemande, ce qui n’est pas en leur honneur. 

Pourtant, dans le même temps, la Commission européenne semble bien avoir pris cette question au sérieux, celle ci ayant proposé un catalogue d'actions à mettre en oeuvre, notamment sur la question du retour ? Existe t il un double agenda européen sur ces questions ?

 Effectivement, la Commission Européenne semble prendre au sérieux cette question car elle comprend bien qu’il en va de sa survie, en tant qu’institution. En effet, un bon nombre de commentateurs s’accordent pour considérer que l’incapacité des dirigeants européens à gérer la crise des migrants est à l’origine du vote des britanniques pour le Brexit et de la montée généralisée du populisme. En conséquence, les dirigeants européens se sentent obligés d’agir. 

Cependant, les intérêts des différents pays membres étant divergents et les tensions de plus en plus fortes entre eux sur la politique migratoire à mener à long terme, il n’est pas surprenant de voir Angela Merkel outrepasser l’action de la Commission Européenne et jouer en solo. Il semble que depuis la crise financière de 2008, la solidarité européenne n’existe plus et que chaque pays fait avancer prioritairement ses propres intérêts, les plus forts, dont l’Allemagne, imposant leurs vues aux plus faibles, les pays d’Europe méridionale et orientale. Ce mode de fonctionnement donne l’impression d’une Union Européenne à bout de souffle, qui rappelle étrangement la situation de l’URSS dans ses derniers instants. 

Alors qu'Emmanuel Macron avait souhaité voir la France et l'Algérie intensifier leurs relations, notamment sur le plan migratoire, Angela Merkel semble avoir un autre agenda sur cette même question. Au delà de ce cas particulier,  France et Allemagne peuvent elles afficher des intérêts communs sur cette question ?

Si les propos d’Emmanuel Macron avaient probablement, avant tout, une visée électoraliste vis-à-vis des français d’origine maghrébine, en règle générale, plutôt favorables à la poursuite de l’immigration en provenance de leurs pays d’origine (mais pas forcément des autres), il n’en demeure pas moins que les intérêts des deux pays concernant la question migratoire sont difficilement conciliables du fait de situations démographique et économique dissemblables. En effet, l’Allemagne a un besoin de main d’œuvre relativement important, du fait de sa faible natalité depuis près de cinquante ans dans un contexte de relatif dynamisme du marché de l’emploi, alors que les besoins français sont beaucoup plus limités, car la dénatalité y a été moins forte et le marché de l’emploi est peu dynamique. En conséquence, la France ne ressent pas la nécessité d’une ouverture massive de ses frontières à des populations étrangères, contrairement à l’Allemagne. Il apparaît donc difficile à ces deux pays d’afficher une position commune sur la question, comme sur d’autres sujets par ailleurs, comme la politique économique, les structures d’activité étant totalement différentes ! Plus le temps passe et plus on se rend compte que les promoteurs de l’intégration européenne ont grandement sous-estimé les différences entre les pays membres et ont voulu aller trop vite dans l’intégration économique. A nouveau, le précédent de l’URSS, qui reposait aussi sur une intégration politique, il est vrai, vient à l’esprit.

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