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Rebond en fanfare du secteur manufacturier de la zone euro....sauf en Grèce, ou comment l'Europe a liquidé son membre le plus fragile
©Reuters

Echec continental

Les succès statistiques s’enchaînent au sein de la zone euro en ce début d'année 2017, entre hausse du secteur manufacturier et baisse du chômage. Pourtant, alors que la Grèce est le pays qui a fait le plus d'efforts pendant cette période de crise, Athènes continue de stagner au fond du trou.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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C'est la grosse fête pour l'industrie au sein de la zone euro. Selon l'Institut Markit, c'est même un plus haut de 70 mois qui a été atteint en ce début d'année 2017. "La production et le volume global des nouvelles commandes enregistrent leurs plus forts taux de croissance depuis avril 2011. En effet, la demande intérieure reste solide dans la plupart des pays couverts par l’enquête, tandis que la dépréciation de l’euro entraîne la plus forte expansion des nouvelles commandes à l’export depuis presque 6 ans."

Parmi les grands vainqueurs de cette nouvelle donne en Europe, les "usual suspects" que sont l'Allemagne (56.8), les Pays bas (58.3), qui affichent également des plus hauts de 5 ans, ou encore l'Autriche (57.2) qui flottait déjà à ce niveau depuis le mois de janvier. Concernant les autres pays ; ceux qui composent le ventre mou de la zone euro, l'Italie progresse sensiblement (55), l'Espagne affiche un plus bas de 3 mois (54.8), tandis que la France évolue sur un rythme modéré, et en baisse (52.2). Étant entendu que tout chiffre supérieur à 50 indique une progression du niveau d'activité. Bref, l'activité manufacturière européenne va mieux. Reste un léger problème ; l'habituel dernier de la classe, la Grèce, qui continue d'afficher un résultat médiocre (47.7), indiquant que le secteur manufacturier du pays continue de creuser la tombe économique du pays.

Parce que la Grèce affiche encore des statistiques peu enthousiasmantes. Si certains se réjouissent parfois d'un taux de croissance trimestriel positif, l'enjeu est de prendre un peu de recul pour déterminer ou le pays se place depuis la crise de 2008. Depuis le deuxième trimestre 2007, l'économie grecque a vu son PIB chuter de 26.81% (au dernier trimestre 2016), c’est-à-dire à un niveau comparable à celui atteint dès la fin 2013. La trajectoire du pays s'est donc dessinée en deux étapes ; entre 2007 et 2013, une chute brutale, et depuis 2013, la stagnation. 

PIB en volume. Grèce. En millions d'euros. Source ​Hellenic Statistical Authority

Le bilan est que la Grèce aurait besoin d'une croissance de plus de 36% pour atteindre son niveau de 2007, c’est-à-dire son niveau d'il y a 10 ans. Et cela est sans compter la croissance perdue pendant ces 10 années.

Au regard du rebond actuel de l'économie de la zone euro, le cas grec pourrait être vu comme une anomalie. En effet, aucun pays n'a subi autant d'austérité et de réformes que la Grèce, aucun pays n'a dû faire les efforts entrepris par ce pays, et pourtant, il continue d'afficher la situation la plus calamiteuse du continent.  L'évolution de l'indice des salaires du pays permet de se faire une idée de ce qu'a pu subir la population ; une baisse moyenne de revenus de 25%.

Évolution de l'indice des salaires grecs. Source ​Hellenic Statistical Authority

Et malgré tout cela, le pays semble incapable de relever la tête. Sur cette base, il devient difficile de prétendre que la baisse des salaires permet un retour de la croissance. A l'inverse, le cas grec révèle une baisse simultanée des salaires et du PIB, tout en provoquant également une hausse de l'endettement du pays. Le résultat obtenu est donc l'exact opposé de ce qui était attendu. L'austérité porte bien son nom, et elle est sans retour.

Une autre problématique vient tout de même se heurter au paradoxe actuel. Comment expliquer que l'ensemble de la zone euro soit en progrès alors que la Grèce continue de présenter un encéphalogramme plat.  Et la piste à privilégier pour expliquer cet écart se révèle, par exemple, par les préoccupations de la presse grecque de ce 1er mars :

"Kathimerini comprend que la chancelière allemande Angela Merkel est prête à faire tout ce qu'il faut pour conclure la deuxième revue du troisième plan de sauvetage de la Grèce, afin que le pays puisse intégrer le programme d'assouplissement quantitatif de la Banque centrale européenne, à condition que le gouvernement accepte un ensemble de mesures - des réductions de pensions et d'un seuil d'imposition réduit - qui représentent environ 2% du PIB."

Et voilà le problème. Depuis le début de l'année 2015, la zone euro s'est lancée dans un vaste programme de relance économique par la voie monétaire, appelé assouplissement quantitatif, par le biais de la BCE. Et c'est la poursuite de ce plan qui permet à la zone euro de fanfaronner avec les chiffres de son activité manufacturière. Par contre, la Grèce, qui est méchante, a été exclue de ce programme dès le départ. La logique qui consiste à exclure d'un programme de relance le pays qui en a le plus besoin ne pourra jamais être justifiée correctement, mais le résultat est là. Et c'est ce qui explique que la zone euro avance selon une certaine trajectoire, dont la Grèce est exclue.

Cela est dramatique pour la Grèce. Et cela est également dramatique pour tous ceux qui ont cru en l'austérité, et qui se sont amusés des capacités d'une Banque centrale de relancer l'économie. Le constat final est que l'austérité a dévasté la Grèce, et que la relance monétaire est en train de sortir l'Europe de son coma économique.

Par contre, bonne nouvelle, il semblerait qu'Angela Merkel se soit rendue compte du problème. La volonté d'intégrer la Grèce au programme d'assouplissement quantitatif est le signe que la Chancelière a compris que seul le pouvoir monétaire peut apporter une réponse. Ce qui serait, enfin, un véritable désaveu pour Wolfgang Schäuble et son obscurantisme économique. 

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