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Corps parfait mais libido en berne : attention aux effets cachés de l’abus de salle de sport
©Reuters

Pour les fondus de la fonte

S'entraîner de façon trop assidue à la salle de sport peut avoir un impact négatif sur votre libido. Voici les premiers résultats d'une étude réalisée par des chercheurs de l'Université de Caroline du Nord. Une pratique intensive du sport pourrait être assimilée à une addiction.

Michelle  Boiron

Michelle Boiron

Michelle Boiron est psychologue clinicienne, thérapeute de couples , sexologue diplomée du DU Sexologie de l’hôpital Necker à Paris, et membre de l’AIUS (Association interuniversitaire de sexologie). Elle est l'auteur de différents articles notamment sur le vaginisme, le rapport entre gourmandise et  sexualité, le XXIème sexe, l’addiction sexuelle, la fragilité masculine, etc. Michelle Boiron est aussi rédactrice invitée du magazine Sexualités Humaines

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Atlantico : Une étude réalisée par des chercheurs de l'Université de Caroline du Nord montre que les hommes qui s'entraînent intensémment à la salle de sport font face à une diminution de leur libido contrairement à ceux qui s'entraînent modérément ou pas du tout. Comment expliquer cette relation entre forte activité physique et faible libido 

Michelle BoironLe sport est recommandé car il fait partie d’une pratique qui influe sur  la bonne santé en général et en particulier sur la bonne santé sexuelle.   L’Unesco a même créé une chaire de Santé Sexuelle ; c’est dire son importance.

La pratique du sport est chaudement recommandée dans le monde médical à tout âge et aussi comme une bonne hygiène de vie pour  une sexualité épanouie.

D’un point de vue hormonal, il est prouvé scientifiquement que la pratique d’un sport libère des endorphines,  appelées aussi hormones du plaisir, en ce sens qu’elles favorisent le bien-être.   On a en parallèle découvert que l’activité musculaire améliore la performance sexuelle.

Le corps pendant la pratique du sport dégage d’une part  de la chaleur qui est un stimulant de la libido et  en même temps participe à la diminution du stress ; il favorise le fameux lâcher- prise si important dans la relation sexuelle. On a donc réuni dans le sport tous les ingrédients pour se sentir en forme vivant et sexué.

Là, où les choses se compliquent, c’est lorsque l’on bascule dans l’excès de la pratique du sport et que cette pratique se transforme en addiction.  Le sport n’est plus un plaisir mais devient un besoin, une impérieuse obligation qui ne laisse plus la place au choix, à la liberté de pratiquer ou pas. 

Si, comme on l’a dit, la pratique d’un sport et la libido forment une bonne « équipe » car  l’activité physique a un effet de stimulant sur le métabolisme, et s’ il est prouvé que les personnes physiquement actives ont une activité sexuelle plus intense que les personnes sédentaires, l’excès de cette pratique inverse la tendance et annihile le désir, abaisse la performance.  Dans le cerveau, les circuits du plaisir et de la récompense n’y trouvent plus leur compte.

La performance  est devenue le fléau de notre société qui  encourage les excès dans tous les domaines. Elle est devenue un ennemi qu’on a eu du mal à identifier dans des domaines aussi improbables que le sport qui à la base est une bonne hygiène de vie. C’est l’effet pervers qui prend le dessus.

En quoi un excès de sport peut avoir un impact négatif sur la libido des sujets ?

Je constate dans mes consultations chez des jeunes femmes une plainte d’absence de relations sexuelles avec leur partenaire ; absence qu’elles ne comprennent pas.

A l’anamnèse, on découvre que le partenaire masculin passe des heures dans la salle de sport, s'entraine de manière très intensive, ou encore, avale des kilomètre à pied tous les jours et s’inscrit à tous les marathons de la terre. Le  réveil sonne à 7h, même le week-end pour aller courir ou aller à la salle de sport. Dans un premier temps la femme est heureuse et fière d’avoir un mari svelte et sportif, juste ce qui faut de muscles. Dans un second temps, elle réalise la place  prise par le sport dans leur vie de couple et surtout l’absence de désir pour elle qui ne s’exprime plus. Dans un premier temps c’est l’emploi du temps et la place prise par  le sport qui est incriminé, jusqu’à ce  qu’elle finisse par admettre et avouer une absence totale de libido de la part de son partenaire.

Il est troublant de constater qu’à la fois il est scientifiquement prouvé que le sport sous toutes ses formes augmente le taux de testostérone, en tant que  hormone de l’effort, mais a contrario, lorsque cette hormone est trop sollicitée, elle perd de son pouvoir jusqu’à constater une perte de puissance dans l’effort et aussi une baisse de puissance sexuelle. Mais aussi, tout se passe comme si, comme  dans toute addiction, l’homme était « rempli » par son activité sportive et, au-delà des phénomènes physiologiques, n’avait plus de désir… sauf celui de s’entrainer.

Cette baisse de la libido se retrouve également chez les sportifs de haut niveau qui sont obligés à se tenir à un régime strict avec une alimentation sans graisse qui est à l’origine de la baisse de la testostérone.

Est-ce que cette étude peut remettre en question le cliché de l'attirance des femmes pour les hommes aux corps muclés ? 

On est dans le diktat du corps et de la performance.  C’est un phénomène culturel et sociétal  qui ne va pas changer parce qu’une étude nous alerterait sur les risques d’un trop de sport !  Précisément parce que le sport a bonne presse et qu’il est « bon pour la santé ». On ne peut pas anticiper toutes les dérives, car on ne ferait plus rien. La plupart du temps c’est le déni qui empêche d’appréhender le risque.

Notons aussi que la question de l’excès est au centre de tous les comportements. Actuellement les limites sont reculées et nous font perdre les repères de la normalité dans de nombreux domaines. La question de la normalité m’a été posée aussi sur la sexualité ? Impossible d’y répondre : ce qui était anormal hier sera la normalité de demain. Alors comment se faire sa propre idée de ce qui est de l’ordre de l’excès et du risque de l’addiction. Le sport fait désormais parti des conduites à risques ! A consommer avec modération surtout pour celui qui a des risques de comportement addictif.

On peut donc, pour conclure, penser que les femmes éprouveront toujours  du désir pour les hommes en bonne santé et sportifs, mais aussi pour les « bad boys ». La question est plutôt de comprendre pourquoi l’énergie sexuelle des hommes dérive de plus en plus vers des comportements addictifs, au détriment de la relation sexuelle en couple. On pourrait penser qu’il y  a assez de libido. Comment la répartir pour se sentir épanoui est peut être la bonne question ?

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