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40% d’abstention : la réserve de voix qui pourrait tout changer à la présidentielle... mais quel candidat pourrait le mieux en profiter ?
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Mobilisation ?

Selon un sondage BVA publié le 23 février pour Saleforce, Orange et la Presse régionale, 47% des sondés ayant décidé de voter à la présidentielle ont déclaré ne pas encore avoir arrêté leur choix. Une sorte de réserve dont les candidats pourraient profiter. Mais certains plus que d'autres sans forcément le savoir.

Erwan Lestrohan

Erwan Lestrohan

Erwan Lestrohan est directeur d'études à l'Institut BVA.

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Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Atlantico : Le sondage publié par BVA le 23 février pour Salesforce, Orange et la Presse régionale indiquait que 47% des personnes ayant l’intention de voter au premier tour de l’élection présidentielle n’avaient encore arrêté leur choix de candidat pour le premier tour. Quels candidats sont les plus à même de convaincre ceux-ci aujourd'hui ?

Erwan Lestrohan : Pour donner des chiffres, aujourd’hui, 74% des Français déclarent qu’ils voteront certainement au premier tour de l’élection présidentielle. Au sein de ce corps électoral, 53% des individus déclarent qu’il ont choisi un candidat de façon définitive, 37% déclarent qu’ils ont choisi un candidat mais que ce choix peut encore changer et 10% n’ont actuellement de préférence pour aucun candidat. En nombre d’électeurs, cela signifie donc qu’environ 35 millions de Français prévoient aujourd’hui de participer au premier tour de l’élection présidentielle en avril 2017. Parmi ceux-ci, 18,5 millions ont déjà arrêté un choix de candidat dont ils sont sûrs, 13 millions ont choisi un candidat mais peuvent changer d’avis et 3,5 millions n’ont pas du tout choisi de candidat.

Ces données indiquent que les rapports de force décrits actuellement par les sondages d’intentions de vote sont encore susceptibles d’évoluer, que les bases électorales des candidats sont encore susceptibles d’être consolidées ou détériorées par l’évolution de la campagne qui structurera les choix des Français. La menace d’une détérioration de la base électorale ne pèse pas uniformément sur tous les candidats, elle est plus forte pour les candidats dont les électeurs se déclarent les moins sûrs de leur choix de vote.

Aujourd’hui, 75% des personnes qui voteraient pour Marine Le Pen au 1er tour indiquent que leur choix est définitif, tout comme 73% de celles qui ont choisi François Fillon. Ces deux candidats courent ainsi un risque moins fort de voir leurs bases électorales se désagréger qu’Emmanuel Macron dont uniquement 42% des soutiens déclarés se déclarent sûrs de leur choix de vote. Il en va de même pour Benoît Hamon dont les électeurs sont à 48% sûrs de leur choix ou de Jean-Mélenchon (42%). Cela indique donc que certains candidats doivent aujourd’hui maintenir la confiance de ces électeurs « hésitants » afin d’éviter de les voir rallier d’autres candidats.

Jérôme Fourquet : Il faut être prudent dans l'interprétation des chiffres on est a deux mois du scrutin, ce n'est pas une estimation ou anticipation de ce que sera le taux d'abstention lors du premier tour. Si on se base sur les précédentes consultations présidentielles on était sur un taux d'abstention aux alentours de 15%, donc beaucoup moins important que ce que l'on estime aujourd'hui. Nous pensons à l'IFOP que la part de ceux qui n'ont pas fait leur choix va, campagne aidant, se restreindre et se rapprocher des tendances historiques. Ce n'est pas impossible que l'abstention soit plus forte qu'elle ne l'a été historiquement. Cela traduirait un désamour renforcé des Français vis-à-vis de la classe politique sur fond d'affaires mais également sur fond de promesses non tenues avec deux quinquennats successifs présidés par un homme de droit et un de gauche qui ont beaucoup déçu. Ces éléments pourraient alimenter une progression de l'abstention mais qui ne sera sans doute pas si élevée qu'à deux mois de l'échéance.

Ensuite cette masse très spectaculaire de personnes qui n'ont pas fait leur choix ou arrêté leur décision aujourd'hui elle est bien évidemment lorgnée par tous les candidats qui pensent y voir chacun un réservoir tout à fait important de voix pour alimenter leurs dynamiques.

Les primaires et nominations ont créé des "déçus" qui ne se reconnaissent pas dans le candidat représentant leur famille politique : à gauche avec les vallsistes, à droite avec les juppéistes, au centre avec ceux qui n'adhèrent pas à En marche ! et à son alliance avec Bayrou et même au FN avec la "fronde anti-Philippot". Quelle probabilité y a-t-il qu'ils se tournent finalement malgré tout vers leur famille politique ?

Erwan Lestrohan : Il est assez difficile d’identifier quelle sera l’attitude des électeurs dont le favori a été sorti de la course à la présidentielle mais les configurations ne sont pas toutes les mêmes. Le parti Les Républicains affiche aujourd’hui, malgré un contexte délicat, l’image d’une certaine unité autour de François Fillon qui a été expressément soutenu par Alain Juppé et Nicolas Sarkozy au cours des dernières semaines. On peut assez légitimement formuler l’hypothèse que les soutiens passés d’Alain Juppé ou de Nicolas Sarkozy se rallieront majoritairement à François Fillon, à supposer que celui-ci intègre bien à sa campagne des personnalités et des propositions emblématiques de ces courants. Au-delà des frontières des Républicains, on peut se demander si, le ralliement de François Bayrou jetant un trouble plus important encore, des sympathisants de l’UDI et surtout du MoDem qui ont soutenu Alain Juppé à la primaire, ne pourraient pas se monter intéressés par la candidature d’Emmanuel Macron.

A gauche, la question de la ligne idéologique ayant été au cœur du débat et les positions de certains candidats ayant même été jugées « irréconciliables », la question du soutien au candidat désigné se pose plus fortement. C’est tout l’enjeu des prochaines semaines pour Benoît Hamon :  renouer le dialogue avec les écologistes voire les partisans du Front de gauche, tout en conservant dans son giron les sympathisants socialistes plus proches de la « ligne Valls ». La position de Benoît Halon vis-à-vis de l’avenir de la Loi Travail sera à ce titre particulièrement suivie et le choix de s’inscrire dans la continuité des mesures emblématiques de l’exécutif sortant ou en porte-à-faux de son bilan donnera une indication aux soutiens passés de Manuel Valls. Ceux-ci pourraient trouver plus d’intérêt programmatique dans la candidature d’Emmanuel Macron qui apparait ici encore comme un réceptacle potentiel des fractures idéologiques au sein des partis.

Au Front national, la question de l’unité se pose au moins et l’on peut faire l’hypothèse que le maintien de Marion Maréchal- Le Pen et de Florian Philipot aux côtés de Marine Le Pen sera un gage suffisant de la coexistence des deux lignes qui animent le parti. Aujourd’hui les sympathisants du Front national ne montrent pas d’envie d’ailleurs significative et la question de l’équilibre entre les différents courants internes n’est pas un débat de premier plan pour eux.

Jérôme Fourquet :  La probabilité on ne peut pas la dire et il n'est pas évident que ce soit les mêmes mécanismes et proportions dans chacune des familles politique.. On pourrait ajouter un autre élément qui peut fabriquer de l'abstention, c'est le fait, pour la droite, que le candidat largement désigné par la primaire soit durement touché par une affaire judiciaire. Il n'est pas impossible que les électeurs dépités décident de rester chez eux ou d'aller voter pour un autre comme Macron ou Le Pen.

Après le ralliement de Bayrou et Jadot on semble s'acheminer vers une offre électorale plus restreinte que lors des précédents scrutins. Cela peut jouer. Les principaux courants seront représentés mais il n'est pas impossible que les trotskistes ne puissent pas aligner les 500 signatures par exemple. On a parlé des écologistes, Jadot s'est rallié à Hamon. Les centristes de centre-droit n'auront pas de candidats et les candidats "divers" qui s'activent très fortement pour collecter des parrainages mais ce n'est pas dit qu'ils puissent s'aligner sur la ligne de départ.

Ça aussi, avec les raisons évoquées précédemment sur la déception des quinquennats, le climat d'affaires, l'absence de résultats et les déçus de la primaire, cela contribue à alimenter ce flot d'abstention. On peut aussi ajouter le fait que la campagne n'a jamais vraiment totalement commencé. On a eu la fin de la primaire du PS fin janvier, puis l'affaire Fillon.  A la même époque lors des précédentes élections, la campagne était lancée et les projets s'opposaient, pour l'instant une bonne partie des électeurs restent sur leur faim et  l'absence de débats nourris les empêche peut-être de se faire un choix et d'éclairer leur jugement. 

Quelles sont les thématiques moins partisanes qui sont les plus susceptibles d'attirer les électeurs peu attachés à une famille politique en particulier aujourd'hui ?

Erwan Lestrohan : Il faut ici s’intéresser aux préoccupations que nous indiquent les électeurs « indécis », ceux qui n’ont pas encore arrêté de choix pour 2017. Dans leur futur choix de vote, nos enquêtes indiquent que le chômage aura une place plus importante que dans la moyenne de la population, tout comme le débat sur la laïcité et l’avenir de la sécurité sociale. La santé et l’éducation font aussi figure de priorités plus importantes pour les indécis que pour les personnes qui ont déjà arrêté un choix. A l’inverse, la question de la menace terroriste structure moins nettement leur réflexion et on observe que les personnes indécises se disent nettement moins préoccupées par les valeurs de la société française et l’immigration que les personnes ayant déjà arrêté un choix, l’offre électorale étant probablement déjà « fournie » sur ces thématiques.

Jérôme Fourquet : Il n'y a pas forcément de thèmes en particulier, il faudrait déjà que les Français moins politisés aient du grain à moudre et des arguments échangés entre les candidats, or ce n'est pas le cas actuellement. C'est ce qui donne à cette campagne son caractère inédit et laisse sur le bas-côté des citoyens qui ne savent à quel saint se vouer et qui n'ont pas entendu précisément quelles étaient les alternatives et les éléments du débat.

Les abstentionnistes il ne faut pas les considérer comme un bloc homogène, ils viennent de tous les bords politiques et ont des opinions très diverses. Le moyen de faire descendre l'abstention c'est pour les candidats de faire leur travail, faire des propositions et les faire dans un cadre organisé, digne de ce nom, ce qui n'est pas le cas actuellement.

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