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Inflation à 1.8% : pourquoi la zone euro pourrait être tentée de répéter les erreurs passées qui ont poussé le continent dans une crise qui dure depuis 10 ans
©Reuters

Interprétation de l'inflation

Selon les chiffres publiés par Eurostat, l'inflation au sein de la zone euro atteint 1.8% en ce début d'année 2017. Un chiffre qui pourrait justifier un changement de politique européenne, ce qui serait une énorme erreur....sur le modèle de celles commises en 2008 et en 2011.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : Selon les dernières données publiées par Eurostat, l'inflation au sein de la zone euro a atteint 1.8% en janvier 2017, contre 1.1% en décembre 2016. Dès lors peut-on estimer que la BCE a rempli son mandat, visant à atteindre une inflation proche mais inférieure à 2% ?

Nicolas Goetzmann : Il est déjà utile de savoir pourquoi la BCE a un tel objectif d'inflation, et à quoi celle ci correspond. Schématiquement, l'inflation peut avoir deux sources principales. Soit le niveau d'activité économique est satisfaisant, avec une situation favorable de l'emploi, et il existe alors une pression à la hausse sur les salaires. Parce que les entreprises veulent garder leurs salariés, ou en embaucher de nouveaux, une compétition prend place, ce qui produit cette augmentation des salaires. Il s'agit là d'une inflation appelée "sous-jacente" (ou "Core"). C'est donc une inflation qui est alimentée par la demande intérieure. Ensuite, il y a l'inflation sur des produits importés, comme les matières premières, et dont l'exemple le plus parlant est le prix du pétrole. Cette inflation-là ne résulte donc pas du niveau d'activité économique intérieur, même s'il y contribue en partie. Le mandat de la BCE ne fait pas la distinction entre ces deux sources d'inflation, elle les prend en compte toutes les deux, sous l'intitulé d"inflation HICP" En établissant un objectif d'inflation à 2%, la BCE cherche à maitriser le niveau d'activité économique, entre une inflation trop faible, qui serait le signe d'une faible activité, et une inflation trop forte, qui serait le signe d'une surchauffe économique, ayant un potentiel de réelle déstabilisation des prix.

Les dernières données fournies par Eurostat indiquent que l'inflation sous-jacente atteint un rythme annuel de 0.9% tandis que l'inflation HICP atteint 1.8%. En observant le détail, on peut donc se rendre compte que la progression de l'inflation vient de la hausse des prix de l'énergie, soit +8.1% en rythme annuel au titre de janvier 2017. Ainsi, on constate que la progression des prix au sein de la zone euro ne découle pas d'une suractivité économique mais de la hausse des prix du pétrole, qui découle elle-même d'un ensemble de facteurs, notamment les accords récents de l'OPEP sur le niveau de production pétrolière. Pour la BCE, il s'agit donc plutôt d'un "faux signal", qui a été correctement identifié par Mario Draghi; le Président de la BCE :

"La reprise de l'inflation globale en décembre et en janvier reflète en grande partie les effets de base à la hausse et la progression récente des prix de l'énergie. Jusqu'à présent, les pressions inflationnistes sous-jacentes restent très modérées et ne devraient reprendre que progressivement ".

Quelles sont les conséquences de cette situation ? Quelle pourrait être la réaction de la BCE, et son impact sur l'activité économique de la zone euro ?

Avec une inflation HICP à 1.8%, la BCE pourrait trouver une justification pour mettre fin à sa politique de relance. Et certains, notamment en Allemagne (mais pas la Bundesbank pour une fois) plaident en ce sens. Mais Mario Draghi veille et a identifié cette problématique. Ce que l'on voit apparaître, c'est un défaut du mandat de la BCE lui-même. En prenant en compte l'inflation HICP, nous exposons la BCE à ce type d'erreurs. Parce que si les gouverneurs étaient moins avisés, ils pourraient être tentés de réagir en décidant une hausse des taux. C'est d'ailleurs ce qui a pu se passer en 2008, lorsque Jean-Claude Trichet en a décidé ainsi, sur la base du faux signal de la hausse des prix des matières premières, et ce, sans voir que le niveau d'activité était en train de s'écrouler au même moment. Cette décision est en bonne place du grand bêtisier monétaire mondial, où Jean-Claude Trichet truste d'ailleurs les meilleurs places (en 2011, il répétera la même erreur).

Pour corriger le mandat et empêcher la répétition de telles erreurs à l'avenir, il pourrait être envisagé, au moins dans un premier temps, de prendre uniquement en compte l'inflation sous-jacente, celle qui découle uniquement du niveau d'activité économique de la zone euro. Cela serait cohérent. D'autres solutions existent, qui sont encore plus efficaces, comme l'objectif de PIB nominal, mais cela est un autre sujet.

Si la BCE décidait aujourd'hui de relever ses taux, ou de stopper son action de relance, l'économie européenne serait condamnée une nouvelle fois à une période de croissance lente, éventuellement une nouvelle récession, en perdrait de vue tout espoir d'en finir une fois pour toute avec cette crise qui dure depuis bientôt 10 ans. Les responsables politiques en place ont quand même commis l'exploit de transformer cette crise en un épisode plus long encore que la crise des années 30, même si l'intensité n'est pas la même. Sauf pour la Grèce qui traverse un véritable calvaire.

Dès lors, comment justifier la poursuite d'une politique monétaire expansionniste en Europe, et ce, alors que l'inflation est proche de l'objectif fixé ? N'y a-t-il pas un danger à vouloir aller trop loin ?

Déjà, il faudrait définir ce que vouloir "aller trop loin" signifie. On a déjà vu qu'un risque inflationniste réel ne pourrait se produire que si le niveau d'activité de la zone euro était vraiment trop fort par rapport au potentiel du continent. Dans ces cas-là, le plein emploi est atteint, les salaires progressent de plus en plus rapidement, et la surchauffe se matérialise peu à peu. Et ce, jusqu'à ce que la relance ne parvienne plus du tout à alimenter la croissance, qui atteint son maximum, et que seule l'inflation progresse. L'Europe est encore très loin d'une telle situation. Avec un chômage de 9.6% pour la zone euro, le relance est encore nécessaire. Le moment opportun de se poser la question de relever les taux est celui qui occupe les États Unis aujourd'hui, c’est-à-dire un taux de chômage inférieur à 5%, et une inflation "core" (sous-jacente) de 2.3%. Une inflation "core" à un tel niveau de 2.3% montre que l'économie américaine avance à un rythme conforme à son potentiel, alors qu'une inflation core de 0.9% indique que la zone euro en est encore loin. Ce qui est confirmé par le différentiel de taux de chômage des deux pays.

C'est aussi pour cette raison que la croissance américaine tend à se tasser légèrement; elle a atteint son rythme de croisière, en altitude. La zone euro en est encore au décollage, nous avons encore le temps avant de nous poser ce genre de questions.

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