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Pourquoi l'espoir suscité par l'annonce d'une hausse de l'espérance de vie masque la question cruciale du nombre d'années gagnées en bonne santé
©Flickr

Minimum vieillesse

Selon la dernière étude sur la hausse de l'espérance de vie publiée ce mercredi, nous pourrons atteindre l'âge de 90 ans si l'on naît en 2030. La prise en charge de ces personnes en situation de dépendance ou de fragilité devra être repensée et améliorée pour que les conditions de vie soient les meilleures.

Jean-Marie Robine

Jean-Marie Robine

Jean-Marie Robine est directeur de recherche à l’Inserm et directeur d’Etude à l’EPHE. Au sein du laboratoire MMND de l’Université de Montpellier, il dirige l’équipe Longévité & vitalité.

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Atlantico : La revue médicale Britannique The Lancet a publié une étude réalisée par des chercheurs sur l'espérance de vie à l'horizon 2030. Elle devrait s'allonger dans les années à venir. Mais qu'en est-il de l’espérance de vie en bonne santé ? Est-il possible de vivre longtemps et en bonne santé aujourd'hui ? 

Jean-Marie Robine : Dans les pays très avancés comme le Japon ou la France, l'augmentation de l'espérance de vie se fait grâce à une réduction de la mortalité autour de l'âge le plus fréquent au décès. Cet âge le plus fréquent au décès est plus élevé que celui de l'espérance de vie qui est une moyenne basse. Dans le calcul, on compte la mortalité infantile et la mortalité prématurée. Si on ne s'intéresse qu'à la mortalité des adultes, on a une valeur plus élevée, qui correspond à l'âge le plus fréquent au décès. L'âge du décès chez la femme correspond en France à 91-92 ans. Les décès surviennent à plus ou moins cinq ans autour de cet âge, ce qui correspond à 86 ou 96 ans. La mortalité diminue à ces âges-là, ce qui entraine un rallongement de l'espérance de vie. Des mois de vie sont sauvés à cette période de la vie humaine. Tout dépend de l'état de santé fonctionnel et cognitif de ces personnes-là. 

Nous avons à faire de plus en plus à de grands vieillards fragiles comme le dit la gériatrie. Ce sont des gens qui ne sont pas forcément malades, qui n'ont pas forcément une incapacité très sévère. On ne dira pas que ces personnes ont perdu leur autonomie, mais elles ne se déplacent plus au supermarché par exemple. Elles vivent chez elles. Ce sont des personnes tiers qui font les courses pour elles ou alors elles se font livrer à manger par des sociétés spécialisées qui livrent des repas tous prêts. 

Il est probable que l'espérance de vie sans incapacités ou en bonne santé progresse mais cela ne s'observe pas. La part des années vécues en mauvaise santé est stable. Quand l'espérance de vie totale augmente, l'espérance de vie en bonne santé augmente également et la part de l'espérance de vie en mauvaise santé augmente proportionnellement. C'est ce que l'on observe avec les données françaises. Les données françaises montrent qu'il y a une légère progression de l'espérance de vie sans incapacités. Quand on fait le rapport des deux indicateurs, espérance de vie sans incapacités divisée par l'espérance de vie totale, on trouve un ratio qui est tout le temps le même. 

Combien cela coûte pour un individu de vivre longtemps en bonne santé ? De quels chiffres disposons-nous à ce sujet ? 

Il faut compter des frais. Cela s'explique par le fait que l'aide qui est apportée est essentiellement humaine. Il faut donc prendre en compte les salaires qui, eux, sont extrêmement élevés. Une bonne partie n'est pas comptabilisée parce que c'est la famille qui aide ses personnes dépendantes. Il faudrait se procurer les chiffres. Bien plus de la moitié de l'aide qui est apportée aux personnes âgées dépendantes ou fragiles est apportée gratuitement par les familles, les conjoints ou enfants. Si on comptabilise l'ensemble, on peut penser que plus on va aller vers le futur, plus les personnes vont être âgées et moins les familles vont être volontaires pour le faire. La part de l'aide va être transférée vers une aide qui sera socialisée qu'il faudra payer. Cette aide va être très chère parce que cela consistera en du service à la personne avec les salaires qui vont avec, même si les personnes qui interviennent ne sont pas très bien payées.

Dans ce domaine, des entreprises françaises ont mis au point des petits robots qui pourraient prendre en charge ces personnes âgées. Ces robots, quand ils seront mis sur le marché, vont couter 5 000 euros. Une aide à la personne, même mal payée, coûte 50.000 euros entre son salaire et les charges. Le robot vaut dix fois moins. Vous l'achetez une fois, même s'il faut le changer tous les trois à cinq ans. Il y a d'énormes gains qui peuvent être faits en termes de coûts de la prise en charge des personnes dépendantes qui peuvent s'effondrer. Les services seront de qualité. Les robots seront programmés pour être sympathiques avec les humains. Leur interaction est testée, ainsi que la capacité des personnes âgées à s'y attacher. Les premiers résultats de ces tests montrent que l'attachement est fort. Ils ont su séduire les personnes âgées par leur gentillesse, leur humour, leur tendresse et ils sont prévenants. Pour beaucoup de monde, les robots apportent un service de qualité quand les humains peuvent être fatigués, de mauvaise humeur et peuvent se lasser. 

Quels sont les investissements nécessaires de la part de l'Etat ou des institutions pour permettre aux Français de mieux vivre plus longtemps ?

Il faudrait que la France prenne en charge la dépendance des personnes âgées. Tous les gouvernements depuis Alain Juppé sous la présidence Chirac en 1995 ont promis de prendre en charge ce dossier mais sans succès. De très nombreux rapports ont été réalisés mais tous les gouvernements ont calé. Ils ont tous promis de mettre en place un cinquième risque qui correspond à la prise en charge de la dépendance et de la perte d'autonomie. A la mise en place de la Sécurité sociale en 1945, les Français avaient beaucoup moins de moyens, c'était moins cher, il n'y avait pas beaucoup de médicaments. La Sécurité sociale a grandi avec notre richesse. C'est la même chose pour les retraites et d'autres services. Il ne faut pas forcement tout rembourser ou assurer beaucoup d'aides mais il faut le faire. Les choses vont se développer en même temps que notre société. L'Etat doit organiser ce secteur. Il faut définir ce qu'est la dépendance et la perte d'autonomie pour savoir qui fait quoi. On manque de définitions structurantes en France. Le rôle des assureurs est aussi à définir. L'Allemagne a pris de l'avance sur ces questions. Le cinquième risque est pris en charge, chacun sait ce qu'il paye, qu'est-ce qui correspond à quoi et ce qu'il a faire pour accompagner les personnes âgées. 

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