


Le chaos généré par la Révolution industrielle est-il sur le point de faire son grand retour ?
Atlantico : Stagnation des salaires, subventions plombant les budgets nationaux, etc. : dans leurs phases de transition, les précédentes Révolutions industrielles ont suscité plusieurs problèmes de nature économique. Face à la nouvelle Révolution industrielle à laquelle nous faisons face actuellement - celle de l'automatisation - devons-nous craindre de tels problèmes à nouveau ? Seront-ils identiques ?
Guillaume Daudin : À mon avis, il faut commercer par mettre les choses en perspective. La Révolution industrielle du XVIIIe et du XIXe siècles a été un évènement majeur de l'histoire de l'humanité. Elle a bouleversé nos manières de vivre, notamment en marquant le début d'une croissance économique sans aucune commune mesure avec ce qui avait été connu auparavant. Elle est comparable, en importance, à la révolution néolithique qui a vu l'invention de l'agriculture. Les mutations actuelles font pâles figures devant ces deux évènements.
Cela étant dit, nos économies et nos sociétés sont en train de se transformer. Cela va bien sûr créer des problèmes, notamment parce que, comme durant la Révolution Industrielle, il y a des gagnants et des perdants.
A l'instar des idéologies socialistes - parmi lesquelles le marxisme - et fascistes apparues en réponse aux conséquences des précédentes Révolutions industrielles, quel()s effet(s) pourrait avoir l'automatisation sur les idées sociales ?
Je ne sais pas. Je serai d'ailleurs très surpris que quiconque en ait la moindre idée. D'ailleurs, l'idée marxiste suivant laquelle le mode de production et l'état de la technique déterminent à eux seuls les idées sociales, l'organisation de la société et la distribution des revenus me semble fausse. La vie des idées et la politique sont influencées par l'évolution de l'économie, mais elles ont leur dynamique propre.
Nos sociétés vont devoir penser et mettre en œuvre de nouvelles façons de gérer les problèmes économiques et sociaux. Nous ne pouvons qu'espérer qu'elles y arrivent.
En tenant compte à la fois des effets négatifs et positifs suscités par la nouvelle Révolution industrielle - celle de l'automatisation donc - comment peut-on juger cette dernière ?
En 1972, le Premier ministre chinois, Zhou Enlai, aurait dit qu'il était trop tôt pour faire un bilan de la Révolution française de 1789. Il n'est pas besoin d'être aussi prudent pour refuser d'émettre un jugement sur les mutations actuelles.
Nous avons cependant des raisons d'être optimistes. Les sociétés occidentales sont mieux armées pour s'adapter au changement que les sociétés anciennes. La démocratie est un système ouvert qui permet mieux que les précédents de rechercher et de mettre en œuvre des solutions collectives à nos problèmes. Nos sociétés ont bien sûr encore de grandes marges d'amélioration, et des régressions sont toujours à craindre. Mais les difficultés que traversent nos pays trouvent leurs causes bien plus dans la crise de 2008 et sa mauvaise gestion que dans l'automatisation.