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Pourquoi contrairement à ce qu’on dit, Poutine ne souhaite pas une alliance avec Trump
©Odd ANDERSEN / AFP

Rivers of Babylon

Contrairement à ce que certains peuvent penser, il n'est pas dans l'intérêt immédiat de Vladimir Poutine de créer une alliance avec Donald Trump. En effet, les Etats-Unis isolationnistes de Trump vont aider la Russie sur une échelle bien plus large et à long terme.

Florent Parmentier

Florent Parmentier

Florent Parmentier est enseignant à Sciences Po et chercheur associé au Centre de géopolitique de HEC. Il a récemment publié La Moldavie à la croisée des mondes (avec Josette Durrieu) ainsi que Les chemins de l’Etat de droit, la voie étroite des pays entre Europe et Russie. Il est le créateur avec Cyrille Bret du blog Eurasia Prospective

Pour le suivre sur Twitter : @FlorentParmenti

 

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Atlantico : Pourquoi contrairement à ce que certains peuvent dire ou penser Vladimir Poutine ne souhaite pas une alliance avec Donald Trump à l’heure actuelle. Que souhaite Poutine concrètement dans sa relation avec Trump et les Etats-Unis à court terme ?

Florent ParmentierVladimir Poutine est lucide quant à la possibilité d'un rapprochement avec les États-Unis à court terme. En effet, il sait bien que Donald Trump est probablement le candidat le mieux disposé à l'égard de la Russie depuis la guerre froide, mais cela ne peut faire oublier le fait qu’une grande partie des élites de Washington demeure extrêmement méfiante vis-à-vis de Moscou. Il y a pour ainsi dire un « Etat profond » qui résiste fortement à toute forme de changement à l’égard de la Russie, à la fois pour des raisons de sécurité légitime, mais aussi par réflexe pavlovien. Il existe en effet une coalition d'acteurs à Washington pour lequel toute politique de rapprochement vis-à-vis de la Russie semble être une hérésie : les partisans d'une alliance accrue avec l'Europe centrale dans le cadre de l’OTAN, les mouvements en faveur des droits de l'homme ainsi que les faucons partisans d'une politique américaine agressive sur le plan international.

Dès lors, les attentes de Vladimir Poutine restent assez limitées dans leurs ambitions. Il peut tout d’abord constater qu'il n'y a pas d'assouplissement de la politique américaine à l'égard de la politique russe en Ukraine : celle-ci a été rituellement condamnée à l’ONU. De même, Vladimir Poutine n'a pas exigé de son homologue américain une levée immédiate des sanctions, sachant que celle-ci ne rencontrerait pas un soutien massif au Sénat.

En fin de compte, on peut donc estimer que Vladimir Poutine entend garder des relations personnelles avec Donald Trump aussi bonnes que possible, tout en restant extrêmement lucide sur la possibilité d'un réel rapprochement entre les deux Etats à court terme. Il entrevoit néanmoins très positivement les critiques du président américain à l'égard de l'OTAN, ainsi que son dédain vis-à-vis de l’Union européenne. 

En quoi les Etats-Unis isolationnistes de Trump peuvent avantager Vladimir Poutine qui prône une politique Russe interventionniste, sur le long terme ?

Au sortir de la chute de l'URSS, lorsque le système international issu de la guerre froide a explosé, les États-Unis ont pu s'affirmer comme le seul gendarme du monde, à un moment où la Russie ne pouvait même plus assurer sa propre influence au sein de l'espace post-soviétique. Cette volonté de puissance américaine a rencontré un écho favorable à la fois au sein de mouvement néoconservateurs, mais également du côté des impérialistes-démocrates, qui souhaitaient élargir la démocratie par la force des baïonnettes.

Face à cette situation, la Russie a fait de la critique de l'interventionnisme américain un des ressorts profonds de sa politique étrangère, affirmant au contraire sa croyance dans le système international (le système onusien où elle dispose du droit de véto), tout en attachant une importance cardinale au principe de souveraineté. C’est ainsi que l'ensemble des dirigeants russes ont vécu comme une véritable blessure le bombardement de Belgrade par l'OTAN en dehors des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU.

Un retournement de cette logique a été opéré au moment de la guerre en Géorgie  au mois d'août 2008 : c'est paradoxalement à ce moment que les Européens et les Américains, quelques mois après la reconnaissance de l'indépendance du Kosovo, rappelaient leur attachement au principe de l'intangibilité des  frontières, tandis que les Russes ont mis en avant la nécessité de leur intervention à titre humanitaire.

Le pouvoir politique russe de Vladimir Poutine ne rejette pas l’interventionnisme : il est intervenu dans l'espace post-soviétique en Géorgie et en Ukraine, et a participé également au combat contre l'État islamique en Syrie à partir de l'automne 2015. Mais il faut observer dans le même temps que les Américains et les Européens sont intervenus dans le même laps de temps à plusieurs reprises sur d’autres théâtres d'opérations étrangers, de la Lybie à l’Afrique.Dans ces conditions, une politique américaine moins interventionniste permettrait de faire ressortir l’action internationale de la Russie, même si elle n’intervient pas partout.

Pouvons nous dire que Poutine obtient pour le moment exactement ce qu’il souhaite en terme de géopolitique internationale ?

Il est certain que Vladimir Poutine et Sergei Lavrov ont une connaissance aiguë des acteurs internationaux ainsi que des logiques de puissance à l’œuvre. Ils ont en tout cas pu éviter une présidence Clinton qui n'avaient pas leur faveur, pour avoir un Président certes imprévisible, mais moins considéré comme russophobe.

La position de la Russie est sans doute positive à court terme, mais toujours très incertaine à moyen terme. On voit bien comment la Russie a pu faire dérailler le processus de réformes en Ukraine en empêchant ce pays de se rapprocher de l'Union européenne, mais dans le même temps tout rapprochement entre la Russie et l'Ukraine est aujourd'hui ruiné par la politique du Kremlin qui a conduit à l'annexion de la Crimée et à la guerre dans le Donbass. L'Ukraine sera à tout le moins pour les décennies à venir moins russophile que par le passé. De la même manière, si la présence russe en Syrie a permis la reconquête du territoire avec l'armée de Bachar el-Assad, cette victoire est également lourd de dangers pour Moscou, qui voit nombre de ses ressortissants rejoindre les rangs de l'État islamique, la Russie ayant un cinquième de sa population de confession musulmane.

Aussi, Vladimir Poutine est sans doute un tacticien audacieux, mais il semble également que sa volonté de réaffirmer le statut du pays en tant que grande puissance se trouve limitée par la taille de son économie aussi bien que par les déséquilibres qui ne manquerons pas affecter sa sécurité à moyen terme. 

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