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Les Français pensaient avoir élu un président avec François Hollande... ils n'ont eu droit qu'à un petit inspecteur des impôts à l'Elysée
©LIONEL BONAVENTURE / POOL / AFP

Bonnes feuilles

Au terme d’un quinquennat désastreux, la France est devenue l’homme malade d’une Europe, elle-même menacée de désintégration par le Brexit. Pourtant, la France et les Français ne sont nullement condamnés au déclin. Ni à l’humiliation. Ils disposent d’atouts majeurs, à commencer par les talents et les cerveaux, la culture et la civilisation dont ils sont les dépositaires. Et les solutions du mal français sont parfaitement connues. Ne nous manque que l’essentiel : la volonté (pour nous redresser) et le chemin (pour nous réformer). Extrait de "Chroniques du déni français" de Nicolas Baverez aux Editions Albin Michel (1/2).

Nicolas Baverez

Nicolas Baverez

Nicolas Baverez est docteur en histoire et agrégé de sciences sociales. Un temps éditorialiste pour Les Echos et Le Monde, il analyse aujourd'hui la politique économique et internationale pour Le Point.

Il est l'auteur de Lettres béninoises et de Chroniques du déni français aux Editions Albin Michel.

 
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7 septembre 2015

En 2012, les Français ont cru élire avec François Hollande un président normal ; ils ont en fait installé à l’Élysée un petit inspecteur des impôts qui a transformé la fiscalité en une arme de destruction massive de la croissance et de l’emploi ainsi qu’en une police tyrannique des mœurs.

Tout le quinquennat de François Hollande a été placé sous le signe de la fiscalité. Avec une valse à trois temps. Le choc fiscal avec une hausse de 70 milliards d’euros des prélèvements concentrée sur les créateurs de richesses et les entreprises, symbolisée par la taxation à 75 % des hauts revenus. La jacquerie fiscale à partir de 2013, marquée par la chute des recettes fiscales, l’exil massif des talents, des cerveaux, des fortunes et des centres de décision, la révolte de pans entiers du territoire et de la société, à l’image de la mobilisation des Bonnets rouges bretons contre l’écotaxe. Le remords fiscal depuis 2014 qui n’a pas pris la forme d’une baisse des prélèvements, mais de l’exonération de 40 % des ménages de l’impôt sur le revenu, reportant toute sa charge sur les autres, puis du regret d’avoir supprimé le projet de TVA sociale décidé par Nicolas Sarkozy.

Le choix d’ériger l’impôt en principe cardinal de la politique économique s’est révélé calamiteux. La France a raté le train de la reprise mondiale. La compétitivité a chuté, ramenant les parts de marché à 3 % dans le monde et à 12 % dans la zone euro. L’investissement s’est effondré au rythme du départ des capitaux et des entrepreneurs. Le chômage poursuit sa course folle alors que les États-Unis, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont retrouvé le plein emploi avec des taux de chômage respectifs de 5,1 %, 4,7 % et 5,6 % de la population active. La richesse par habitant reste inférieure de 1,5 % à son niveau de 2008. La hausse sans précédent des impôts n’a pas empêché l’explosion de la dette publique qui atteindra 100 % du PIB en 2016 en raison de la dérive des dépenses.

Pourtant, aucune leçon n’a été tirée de ce Waterloo économique et social. Plus la France décroche, plus c’est la même chose. Loin d’engager le redressement qui passe par une réduction drastique des dépenses pour diminuer les impôts sur les producteurs de richesses afin de reconstituer une offre compétitive, François Hollande reste fidèle au fiscalisme. Il en a modifié les moyens mais non les fins. Son seul mea culpa porte sur l’annulation d’une hausse d’impôt, et non sur le choc fiscal qui a paralysé tous les secteurs d’activité. Sa réaction consiste à redoubler de démagogie pour limiter le nombre des contribuables à l’impôt sur le revenu afin de le concentrer un peu plus sur les 10 % des ménages qui supportent les trois quarts des prélèvements. Ses projets de réforme se limitent encore et toujours à la fiscalité, avec la retenue à la source, cheval de Troie pour une nouvelle envolée des prélèvements sur les classes moyennes et supérieures à travers la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG, devenant de ce fait progressive.

L’obsession fiscale explique l’échec du tournant de la compétitivité de 2013, contrairement à la réussite du tournant de la rigueur de 1983. La fiscalité est en effet pour François Hollande le cœur de la politique économique, le vecteur d’une conception étatique de la société et la clé de voûte d’une idéologie égalitariste. Elle témoigne de la dérive intellectuelle du socialisme français, qui a perverti l’objectif légitime de justice sociale pour en faire l’instrument de la paupérisation, de l’exclusion et de l’aliénation des citoyens.

Le fiscalisme de François Hollande réduit l’économie à la régulation et à la redistribution en ne tenant aucun compte de la production. L’État est le moteur et le pilote de l’activité. Ses prélèvements sont sans limites dès lors qu’ils sont redistribués aux ménages, sous forme d’emplois publics ou de transferts de l’État-providence. Le blocage de la croissance, l’envol du chômage et de la dette n’y changent rien. L’impôt ne baisse pas ; il se confond de plus en plus avec la redistribution. Une petite minorité contribue de manière illimitée tout en étant progressivement exclue des prestations, notamment des allocations familiales, tandis que les autres, chaque jour plus nombreux, ne produisent pas, ne contribuent pas, mais bénéficient sans condition de transferts sociaux sans cesse croissants.

Or, dans l’impôt sur la vache, ce n’est pas la vache qui paie l’impôt. Ménages et entreprises, les vaches à lait n’en peuvent plus ! Et la crise agricole, venant s’ajouter à l’effondrement de l’industrie et à la délocalisation des services, rappelle qu’en dehors de quelques secteurs à marges élevées comme le luxe, il n’est plus possible de produire et de travailler en France compte tenu du niveau des prélèvements qui euthanasient l’activité et ruinent la compétitivité.

Le fiscalisme est indissociable de l’idée que l’économie et la société se pilotent par le haut et par l’État. La fiscalité a réponse à tout. Elle est le cœur de toute politique publique. Elle est censée lutter contre la pauvreté, promouvoir l’investissement et l’innovation, soutenir les exportations, aménager le territoire, lutter contre la spéculation, assurer la transition énergétique, préserver l’environnement, améliorer la santé publique… Autant de domaines où l’on a bien vu les impôts, mais où les résultats concrets se limitent à moins de croissance et d’emplois, plus de chômeurs et de dettes.

Non content d’avoir atteint une dimension confiscatoire – notamment sur le capital imposé au titre de ses revenus, des plus-values, de l’ISF, des taxes foncières et des successions… –, la fiscalité doit selon François Hollande favoriser l’édification d’un homme nouveau en modifiant les comportements décrétés non vertueux. Du Nutella à la box en passant par les sodas ou les boissons énergisantes, le code des impôts s’est transformé en auxiliaire zélé d’une police des mœurs où l’État dicte aux citoyens, à grands coups de matraque fiscale, ce qu’il doit manger, boire, regarder, faire ou cliquer. L’impôt n’a plus pour fonction de financer la dépense publique, mais de décider à la place du citoyen. La liberté n’est plus contrainte au nom de l’intérêt général ou des risques encourus par autrui, mais de ce que l’État estime être une vie saine et un comportement responsable. Et ce au moment où ce même État apporte chaque jour la démonstration de son incapacité à gérer les services dont il a la charge, son personnel et ses finances.

Le fiscalisme constitue l’expression ultime d’un socialisme perverti par la démagogie, dont le ressort est l’envie et l’objectif le nivellement des individus et de la société par le bas. Le départ des cerveaux, des artistes, des entrepreneurs, des riches n’est pas perçu comme un drame qui affaiblit le pays dans ce qui est sa première richesse, à savoir son capital humain, mais comme une chance puisqu’il accélère la création d’une société des égaux. La destruction systématique des pôles d’excellence dans l’éducation, la recherche, la production, l’innovation participe également de ce grand aplatissement de la France et des Français. En guise de valeurs, de projet et de cap face à une histoire qui s’emballe, notre pays n’a pour principe que l’impôt et pour objectif que la mise sous surveillance de ses citoyens par le fisc.

François Hollande a sorti l’impôt de la raison économique et financière pour en faire l’instrument des passions égalitaires qui embrasent régulièrement la France. Alexis de Tocqueville, dès le début du xixe siècle, avait décrit la spirale infernale dans laquelle le désir d’égalité peut plonger la démocratie : « Quand l’inégalité est la loi commune d’une société, les plus fortes inégalités ne frappent point l’œil ; quand tout est à peu près au même niveau les moindres blessent. C’est pour cela que le désir de l’égalité devient toujours plus insatiable à mesure que l’égalité est plus grande. » Avec l’impôt, François Hollande a misé sur l’aspiration illimitée des Français à l’égalité. Il a peut-être surestimé leur tolérance à la paupérisation, au rétrécissement permanent de leur liberté et à la marginalisation de la France qui en sont la contrepartie.

Extrait de "Chroniques du déni français" de Nicolas Baverez aux Editions Albin Michel

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