Eurogroupe contre la Grèce : pourquoi la prochaine “réunion de la dernière chance” dévoilera surtout les tensions entre le FMI et les européens <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Eurogroupe contre la Grèce : pourquoi la prochaine “réunion de la dernière chance” dévoilera surtout les tensions entre le FMI et les européens
©Reuters

Der des der

La réunion qui doit se tenir le 20 février mettra en question la politique d'austérité entreprise par la Grèce depuis des années. Il s'agira de savoir si le remède a fonctionné et s'il faut continuer ou non le traitement. Mais certains "docteurs" semblent déjà avoir leur petite idée sur le diagnostic et la posologie...

Maxime Sbaihi

Maxime Sbaihi

Maxime Sbaihi est économiste, directeur général du think-tank GenerationLibre.

Voir la bio »

Le 20 février prochain, l'Eurogroupe se réunira à nouveau pour décider une nouvelle fois du sort de la Grèce, notamment sur la question de la poursuite des politiques d'austérité et de la restructuration de la dette du pays. Quels sont les réels enjeux de cette nouvelle "réunion de la dernière chance" ?

Maxime Sbaihi : C'est la nième "réunion de la dernière chance". J'ai arrêté de compter. Il faut remettre les choses dans leur contexte: on est très loin de l'urgence de l'été 2015 lorsqu'il fallait négocier un tout nouveau programme et que la Grèce risquait de faire défaut sur ses créanciers, notamment le FMI. Aujourd'hui le programme est en place et la Grèce peut faire face à ses échéances de paiement grâce a des rentrées fiscales meilleures que prévues. Le problème de 2017 c'est que les créditeurs européens et le FMI ne sont plus sur la même ligne. Les premiers demandent davantage d'efforts budgétaires, les derniers plus de reformes structurelles. La Grèce est prise dans le tir croisé. Ce désaccord fait hésiter le FMI a participer au programme actuel. Pour les allemands, le cachet du FMI est une condition sine qua non. Wolfgang Schaeuble l'a fait comprendre en déclarant que sans le FMI le programme actuel prendrait tout simplement fin. Il y a aussi ici une dimension politique dans la date du 20 février. Dès le mois de mars, la zone euro rentre dans un intense cycle d'élections qui s'ouvre aux Pays-Bas à la mi-avril, passe par la France et se termine en septembre en Allemagne. Difficile alors pour ces pays de faire des concessions sur la Grèce au beau milieu de campagnes électorales. La réunion de la semaine prochaine n'est donc pas celle de la dernière chance mais bien la dernière fenêtre d'opportunité avant plusieurs mois.

Selon un document du FMI, dévoilé le 14 février, le chef économiste du FMI, Olivier Blanchard, avait prévenu les autorités des dangers que représentaient les politiques d'austérité, pour la Grèce. Comment expliquer la stratégie européenne, quelle en est la rationalité ? 

En 2010 et 2012, au cœur de la crise, l'idée centrale des créanciers, européens et autres, était d'assainir au plus vite les finances publiques grecques pour corriger la trajectoire explosive de la dette. Beaucoup d'économistes et de politiques croyaient alors encore que la croissance pouvait être relancée parallèlement à une consolidation budgétaire ("expansionary austerity") grâce à un effet confiance positif. Cela a été démenti de manière criante par la réalité. La science économique a depuis progressé et revu à la hausse les multiplicateurs budgétaires. Même le FMI a fait son mea culpa. La dette publique est calculée en fonction du PIB: s'il se contracte la dette peut continuer d'augmenter en dépit d'efforts budgétaires considérables. C'est ce qui s'est passé en Grèce ou le PIB a chuté de plus de 25% depuis 2007. Les coupes budgétaires, même les plus indispensables, n'ont fait qu'empirer. Mauvaises proportions, mauvais timing. Aujourd'hui, les créanciers européens ont fait des gestes pour alléger la charge de la dette mais continuent de demander des surplus budgétaires significatifs au cours des prochaines années. Le FMI les juge lui non-réalistes et demande un allègement plus conséquent de la dette. Le problème c'est qu'il s'agit ici d'argent public des contribuables voisins. Certains prêts faits à la Grèce sont par exemple bilatéraux. Toute restructuration sérieuse de la dette grecque obligerait les autres états membres à accepter de prendre des pertes. Difficile à vendre auprès des contribuables qui sont aussi des électeurs. Sans parler des objections juridiques levées par l'Allemagne. Tout ceci explique la situation bloquée dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui.

A plus long terme, quelles sont les issues les plus probables pour la Grèce ? Entre sortie de la zone euro et poursuite des politiques d'austérité, existe t il une alternative sérieuse pour le pays ? Une telle alternative est elle réalisable politiquement parlant ?

Cela fait maintenant 8 ans qu'on parle de Grexit, sans qu'il n'ait jamais eu lieu. On est passé très proche en 2015, quand le gouvernement d'Alexis Tsipras y a sérieusement songé avant de faire demi-tour à la dernière minute. La victoire de Tsipras qui s'en est suivi rappelle un fait primordial: les grecs ne veulent pas quitter l'euro. Ils l'ont montré dans les urnes et le montrent encore dans les sondages. Le parti d'opposition Nouvelle Démocratie s'est depuis doté d'un nouveau dirigeant qui l'a remis en tête des sondages. Lui non n'envisage pas de quitter l'euro. Bien sur les choses peuvent changer mais dans l'état actuel il y a politiquement peu de pression en Grèce pour sortir de l'euro. Il faut le rappeler. Le plus gros des efforts budgétaires a déjà été fait en Grèce mais la liste de reformes reste longue. Dans un monde idéal, la dette publique grecque est restructurée de manière ordonnée, redonnant de l'oxygène budgétaire à la Grèce. Comme déjà évoqué, il y a malheureusement dans la réalité de fortes contraintes politiques, institutionnelles et peut-être juridiques à cela. Néanmoins, l'idée d'instaurer un véritable mécanisme européen de restructuration ordonnée des dettes publiques fait son chemin, en Allemagne et ailleurs. Si la zone euro parvenait à s'en doter, ce serait la une avancée majeure pour sa stabilité. Et son utilité ne serait pas limitée qu'à la Grèce…

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !