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Pays-Bas : l'Europe face à la possibilité de victoire de Geert Wilders sur sa promesse de désislamiser le pays
©REUTERS/Michael Kooren

Pays-Bas

Le 15 mars prochain, les électeurs néerlandais auront le choix de porter au pouvoir le candidatd'extrême droite Geert Wilders. Après sa récente montée dans les sondages, la question se pose : est-il à craindre ?

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd est historien, spécialiste des Pays-Bas, président du Conseil scientifique et d'évaluation de la Fondation pour l'innovation politique. 

Il est l'auteur de Histoire des Pays-Bas des origines à nos jours, chez Fayard. Il est aussi l'un des auteurs de l'ouvrage collectif, 50 matinales pour réveiller la France.
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Le 15 mars prochain, les électeurs néerlandais se déplaceront pour désigner leur prochain gouvernement. Favori des sondages, Geert Wilders fait la promesse de "désislamiser" les Pays Bas". Quelles sont les particularités du parti de Geert Wilders et les raisons de son succès auprès des électeurs ? quelles sont ses différences idéologiques avec le Front National ? 

Christophe de Voogd : Le parti de Wilders , le PVV, a des points communs avec le Front National, version Marine Le Pen: durcissement de toutes les politiques régaliennes (immigration, justice, police, armée etc.) et mesures sociales de type Etat-providence. Mais dans le premier domaine, Wilders va beaucoup plus loin que Marine Le Pen : arrêt total de l'asile, arrêt total de l'immigration musulmane, fermeture des mosquées et interdiction du Coran! Il veut en effet "désislamiser " les Pays-Bas alors que le Front National ne condamne que l'islamisme. Inversement dans le domaine social, il est bien plus modéré que le FN : retour à la retraite ... à 65 ans, amélioration du système de santé (sujet central aux Pays-Bas) mais pour un coût budgétaire présenté comme nul, compte tenu des économies proposées par ailleurs. Sur un point essentiel, Wilders a devancé Marine Le Pen,avec sa volonté de quitter l'Europe et l'euro dès les élections de 2012.

Wilders surfe en fait sur la grande vague amorcée aux Pays-Bas avec le discours de Pim Fortuyn, l'assassinat de celui-ci en 2002 (par un écologiste illuminé) et de Theo Van Gogh en 2004 ( par un islamiste né aux Pays-Bas). Depuis l'an 2000, il y a clairement un sentiment anti-musulman (et pas seulement anti-islamiste) qui se répand et s'exprime bien plus fort qu'en France.  Par ailleurs la politique d'immigration et d'intégration a été à maintes reprises durcie depuis 15 ans et le consensus est large sur ces restrictions, y compris à gauche. Le SP, parti populiste de gauche, assez proche de Mélenchon rejoint le PVV sur plusieurs points (tout comme en France, le Front de gauche par rapport au Front National) en matière de politique sociale et d'hostilité à l'Europe ( notamment à l'euro et aux travailleurs détachés).

Ce lundi 13 février, le professeur (néerlandais) Ruud Koopmanns mettait en garde l'Union européenne, en indiquant que 50 millions de musulmans à travers le monde étaient prêts à accepter la violence pour défendre leur religion. Quelle est la spécificité du discours politique relatif à l'Islam aux Pays bas ? Quelle est son importance au sein de l'élection, et quelle place tient il dans la société néerlandaise ?

En fait, il s'agit d'une affaire qui remonte à début janvier avec un article de Koopmans dans l'Algemeen Dagblad qui a provoqué une polémique aux Pays-Bas; mais justement on mesure la différence avec le cas français: imagine-t-on un sociologue oser dire cela en France? Et, plus encore, les "Factcheckers" du NRC, l'équivalent néerlandais des "Décodeurs" du Monde lui donner raison?

Il est clair que les Pays-Bas sont un pas plus avant que la France dans la déconstruction du "politiquement correct" ou dans "l'islamophobie", selon le biais d'opinion que l'on choisit. Tout en sachant que l'Islam est numériquement plus faible aux Pays-Bas qu'en France et que, bien sûr, le pays ne connaît pas la vague d'attentats que nous avons connue. Mais encore une fois les assassinats de Fortuyn et de Van Gogh ont heurté le tabou absolu de la violence politique dans cette société, libérant les peurs et la revendication identitaire, dans un pays où, rappelons-le, les statistiques ethniques sont pratiquées dans tous les domaines.   

En cas de victoire de Geert Wilders, quelle serait sa capacité de réalisation de son programme ? En quoi les institutions néerlandaises devraient l'obliger à composer avec l'opposition ? Quels sont les sujets sur lesquels il pourrait former une majorité ? Quelles pourraient êtres les conséquences en Europe ? 

Malgré son succès probable, les chances de Wilders de gouverner restent minces en raison de la proportionnelle intégrale. Curieusement ce même système qui lui assuré une représentation au Parlement peut aussi le bloquer dans l'étape décisive. C'est la situation inverse du FN en France, pour lequel toutes les planètes s'alignent en ce moment. Par ailleurs la très bonne situation économique du pays (faibles chômage et déficits, forte croissance) retire un important facteur de mécontentement et de désir de tout chambouler. Le parti qui dirige la coalition actuelle, le VVD libéral reste fort dans les sondages, à la grande différence de la France. Les partis favorables au maintien dans l'Europe et dans l'euro restent majoritaires, tout comme l'opinion, mais avec un agenda plus "eurosceptique" qu'en France, à l'exception du très europhile D66, très "macronien" de style et de programme. Le scénario d'une coalition des deux grands partis, le PVV de Wilders et les libéraux du VVD, a été exclu catégoriquement par le premier ministre Rutte. L'hypothèse la plus probable est celle d'une coalition introuvable en raison de l'éclatement du spectre politique de la multiplication des nouveaux partis, notamment catégoriels. Ce qui conduirait rapidement à de nouvelles élections, solution que le pays a connu à plusieurs reprises dans le passé. Dans tous les cas, il faut s'attendre à un durcissement de la politique européenne néerlandaise, notamment vis à vis des pays laxistes, comme la Grèce ou... la France. Les libéraux du VVD, qui seront le pivot de toute coalition à venir, proposent par exemple une subsidiarité très stricte, le respect absolu des critères de Maastricht et l'arrêt de la politique d'asile européenne.

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