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Dans la tête des électeurs de François Fillon : soutien franc, malgré tout ou rejet... Les clés psychologiques pour anticiper leur réaction
©Thomas SAMSON / AFP

Mais qu'est-ce qui se passe là-haut ?

En dépit du PenelopeGate, François Fillon demeure aux yeux de ses électeurs un candidat qui ne mélange pas idéalisation moralisante et politique.

Jean-Paul Mialet

Jean-Paul Mialet

Jean-Paul Mialet est psychiatre, ancien Chef de Clinique à l’Hôpital Sainte-Anne et Directeur d’enseignement à l’Université Paris V.

Ses recherches portent essentiellement sur l'attention, la douleur, et dernièrement, la différence des sexes.

Ses travaux l'ont mené à écrire deux livres (L'attention, PUF; Sex aequo, le quiproquo des sexes, Albin Michel) et de nombreux articles dans des revues scientifiques. En 2018, il a publié le livre L'amour à l'épreuve du temps (Albin-Michel).

 

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Atlantico : Quels peuvent-être les réactions psychologiques des électeurs de François Fillon ?

Jean-Paul MialetFaire le choix de François Fillon, c’était opter pour un candidat réalistequi ne berçait pas ses électeurs dans des illusions, qui portait sur la situation économique du pays un regard objectif sans en dissimuler les faiblesses, qui sur le plan de la politique extérieure, revenait à une realpolitik en s’écartant d’une politique moralisante, et qui, enfin, osait assumer son identité. Il a conquis un large électorat qui se trouvait dans l’attente d’un tel réalisme. Les autres candidats expriment soit un consensus dans lequel beaucoup d’électeurs de droite ne se reconnaissent plus, soit une protestation anti-système aventureuse. Les électeurs de François Fillon étaient donc accablés de voir s’effondrer celui qui leur avait donné tant d’espoir et qui n’est pas interchangeable : c’est précisément parce qu’il a osé affirmer sa spécificité, sans viser à "ratisser le plus large possible" et sans verser non plus dans des provocations, qu’il a été élu.

Les enquêtes d'opinion montrent que ceux qui soutiennent François Fillon peuvent pour autant ne pas croire à sa défense. Sur Twitter, plusieurs réactions du type "il n'est pas le seul à avoir employé sa famille !", voire même qui acceptaient ce qui était reproché à l'ancien Premier ministre, ont été observées. Comment analyser les ressorts psychologiques qui justifient de telles positions ? Qu'est-ce qui est en jeu pour ces électeurs, et qu'est-ce que cela révèle d'eux ?

Comme je viens de le dire, c’est son réalisme qui a séduit. On peut donc penser que les électeurs de François Fillon sont eux mêmes réalistes et qu’ils savent bien qu’un homme politique ne se prive pas de jouir des privilèges qu’il peut avoir, et parfois même d’en abuser. Et ceci, quel que soit le côté de leur camp, droite ou gauche. Tout est une question de degré. Ils n’idéalisent pas leur candidat. On a pu dire que beaucoup avaient voté Fillon parce qu’il se présentait comme le candidat de la rigueur morale, et que son image de Chevalier Blanc ne résisterait pas à de telles révélations. Je pense qu’il a été élu plutôt parce qu’il se présentait comme le candidat capable d’affronter la rigueur de la réalité.  En somme, on ne l’a pas tant élu parce qu’il avait des valeurs chrétiennes que parce qu’il osait l’affirmer, et l’on sait bien qu’il n’est pas l’abbé Pierre. On sait aussi que les "valeurs chrétienne" ne sont pas une garantie de moralité, mais plutôt un simple indicateur de choix moraux.

Comment devrait-il gérer ces réactions psychologiques ? La conférence de presse qu'il a donnée ce lundi vous semble-t-elle avoir répondu aux ressorts psychologiques dont il est question ?

Il était important qu’il montre qu’il avait l’étoffe d’un chef. On lui a suffisamment reproché d’avoir toujours été un second. C’est probablement cette vertu-là qui faisait le plus douter ses électeurs. Il a démontré dans cette épreuve qu’il savait résister à des assauts très violents et reprendre brillamment en main son équipe. C’est un point considérable. Il s’est, d’autre part, excusé d’avoir commis une faute : cette façon d’accepter de se remettre en cause ne fait que renforcer son autorité ; il n’a pas besoin d’être totalitaire, il est capable de faire son autocritique, tout en restant le patron. Enfin, il rappelle qu’il n’est pas parfait – ce qui ne surprend pas ses électeurs : le contraire les aurait inquiété. Au total, la réaction de Fillon face au Penelopegate aura sans doute renforcé la conviction de ses électeurs qu’ils ont fait le bon choix: enfin un candidat qui ne mélange pas idéalisation moralisante et politique. Et qui ne se laisse pas facilement abattre, ni intimider, tout en reconnaissant ses limites. Naturellement, s’il était par la suite découvert des abus justifiant des sanctions pénales, l’électorat de Fillon ne le soutiendrait plus de la même façon… Mais tant que la condamnation n’est que celle de la presse, Fillon n’a pas à craindre la perte de confiance de ses électeurs, aujourd’hui encore moins qu’hier.

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