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Le "made in France" 
ne doit pas être un gadget !
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La compétitivité racontée autrement

Produire en France ne suffit pas. Il faut insister sur la qualité de la production, l’inventivité, la marque, le design, et le service après vente des produits. Épisode (5/5) de notre feuilleton sur la compétitivité racontée autrement.

Emmanuel Combe

Emmanuel Combe

Emmanuel Combe est vice-président de l'Autorité de la concurrence et professeur affilié à ESCP-Europe. Il est également professeur des universités.

Spécialiste des questions de concurrence et de stratégie d’entreprise, il a publié de nombreux articles et ouvrages, notamment sur le modèle low cost (Le low cost, éditions La Découverte 2011). Il tient à jour un site Internet sur la concurrence.

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Feuilleton : "La compétitivité racontée autrement"

Episode 1 : Le tourisme, ce grand oublié du discours des candidats
Episode 2 :Compétitivité par la qualité : Allemagne 1 - France 0
Episode 3 :La compétitivité de la France passe aussi par la créativité et le design
Episode 4 :Avec la mondialisation, l'industrie française doit miser sur le haut de gamme

Le «made in France» fait son grand retour dans le débat politique et c’est tant mieux : dans un monde plus que jamais globalisé, le rattachement de la production à un territoire bien identifié peut constituer un précieux atout pour nos exportations. Il aidera en particulier nos PME, dont la force de la marque n’est pas encore suffisante, à partir avec succès à la conquête des marchés étrangers, en prenant appui sur l’image de la France. Encore faut-il ne pas se tromper de combat : ce n’est pas en accolant une simple étiquette « made in France » sur un produit français qu’il se transformera, comme par enchantement, en produit de qualité. La qualité ne se décrète pas ; elle se construit dans le temps.

Pour s’en convaincre, regardons ce qui s’est passé non loin de chez nous, en Suisse, avec la suprématie incontestée du « Swiss made » dans le domaine de l’horlogerie. Ce n’est pas en plaquant un logo sur leurs montres que les Suisses en ont fait du jour au lendemain des objets de grande valeur. Le « Swiss made » est l’aboutissement d’une politique de longue haleine, menée en particulier sous la houlette d’un groupe comme Swatch et de son leader charismatique Nicolas Hayek.

Car la Suisse revient de loin. Souvenez-vous de la situation du marché de la montre au début des années 1980 : le Japon caracole en tête avec les montres à quartz, tandis qu’au même moment l’industrie horlogère suisse, en dépit d’une tradition de haute qualité et d’innovation (le mouvement automatique notamment), broie du noir. Signe que le génie technologique, même séculaire, ne suffit plus. La clé de la reconquête suisse va venir du design, de la créativité, pour transformer la montre en objet de désir, en objet identitaire fort.

Première étape : redonner envie aux consommateurs d’acheter une montre, en lançant des modèles à prix abordables mais très créatifs. Les montres  Swatch en plastique aux couleurs flash, aux motifs exubérants se sont vendues à plus de 350 millions d’exemplaires et ont été déclinées sur plus de 2500 modèles ! La variété des produits, la logique des séries limitées et des collections ont peu à peu suscité chez le client le désir de renouvèlement.

Seconde étape : faire de la montée en gamme des produits, en ajoutant à la créativité, la haute technologie, les ingrédients et les codes du luxe. La Suisse est aujourd’hui présente sur l’ensemble du spectre des montres et peut toucher tous les types de client : de la personne peu fortunée qui souhaite une montre design collant à l’air du temps, au passionné de montres à mouvements perpétuel, en passant par le client fortuné qui veut une montre griffée d’un grand couturier. Avec de confortables marges à la clé. Si vous prenez le marché français, il est alimenté à 67% par des montres chinoises et seulement à 7% par des montres suisses. Mais si vous raisonnez en valeur, alors un tout autre tableau apparaît, complètement inversé : les montres suisses représentent plus de 70% du marché français … contre 12% pour la Chine. L’exemple suisse montre à quel point la créativité, le design, la qualité ont permis de faire renaître de ses cendres une industrie de haute précision et d’excellence qui s’était assoupie.

Le constat que nous venons de faire sur la Suisse pourrait être décliné sur l’Allemagne et son succès retentissant dans l’automobile : c’est en misant d’abord sur la qualité de la production, sur l’inventivité, sur la marque, sur le design, sur le service après vente que les Allemands peuvent aujourd’hui revendiquer avec succès dans leurs publicités la « Deutsche Qualität ».

Tirons-en les enseignements : le « made in France » n’aura de sens que s’il accompagne une politique industrielle tournée vers la qualité et la montée en gamme de toute la production. Faute de quoi, le « Made in France» restera un simple logo, sans grands effets sur notre commerce extérieur.

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