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 Cinq arguments économiques implacables que Manuel Valls aurait dû répliquer à Benoît Hamon
©France 2

Trop tard

Quels sont les 5 arguments que Manuel Valls aurait pu opposer à Benoît Hamon pendant les débats au cours de la primaire citoyenne ?

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Sur la nécessité de mettre en place une semaine de 32 heures

Erreur grave et dangereuse. Le travail augmente et surtout change, avec la démographie, la montée de la richesse et celle des besoins. Réduire ici le temps de travail est une erreur de fond, car c’est réduire « le temps de notre travail ». Il y a de plus en plus d’hommes et de femmes sur cette terre, notamment dans le continent africain qui n’a pas encore abordé sa transition démographique. En même temps, partout, le niveau de vie monte et conduit à mieux exploiter de nouvelles richesses et à offrir de nouveaux biens et surtout de nouveaux services. Le contenu du travail change : il ne se mesure plus en heures de travail agricole, industriel ou de services simples. Il s’enrichit et se complexifie, profitant notamment de la révolution de l’information et de la communication. C’est seulement le travail « routinisable » qui disparaît, comme toujours. Les autres montent, mais en changeant, mais en formant.

« Le travail augmenté en services », que nous voyons se développer,  implique partout de contrôler, surveiller, piloter, outre les fonctions de conseil sous toutes leurs formes, qui vont partout croître, comme celles d’innovations, grandes et petites. Ici, ce « travail augmenté », parce qu’il est plus cher, permettra d’offrir des prestations à plus haute valeur ajoutée, et de moins en moins aux seuls territoires national ou européen d’ailleurs.

Donc non, il ne faut pas réduire le temps de travail, mais laisser s’épanouir les temps des travaux, sous contrainte bien sûr des normes européennes et en liaison avec les discussions dans les entreprises. C’est ainsi que nous aurons plus de croissance et moins de chômage, en mettant plus de capital humain, dans toujours plus de travaux différenciés et enrichis, avec plus d’échanges.

Sur la nécessité de taxer les robots

Les erreurs se suivent. Taxer le robot, c’est le faire partir. Notre compétitivité, dans un pays de travail cher comme le nôtre, c’est au contraire d’industrialiser, de robotiser, de mieux faire varier les produits, de créer des écosystèmes plus efficaces, de façon à faire baisser l’avantage des pays à bas salaire. Vendre demain, et donc croître et embaucher en formant, c’est offrir le produit le mieux adapté aux besoins, dont, maintenant, la responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise. La RSE est un facteur de montée des compétences en entreprise et de compétitivité. L’entreprise qui a plus de robots produit mieux et moins cher. Elle s’étend donc, soit par rapport à ses concurrents, soit en faisant croître son propre marché. Mais ces robots doivent être dessinés, programmés, surveillés, entretenus, améliorés… autant de travaux à plus haute valeur ajoutée, dans l’entreprise et à sa périphérie. C’est ainsi que s’améliorent les chaînes de production en amont et en aval, avec une distribution plus efficace, et notamment plus écologique. Le robot n’est pas seulement l’industrie du futur, mais aussi le commerce du futur, la sécurité du futur, la santé du futur… Taxer ce qui nous fera gagner, notamment humainement, paraît étrange.

Sur le financement du revenu universel

Erreur dans l’erreur. En supposant que le revenu universel soit la solution, point qui sera vu plus loin, l’explication donnée par Benoît Hamon recélait une contradiction que son ami Manuel Valls n’a pas (voulu) soulignée(er). Partant des milliards engagés dans le processus, Benoît Hamon explique que ces jeunes vont travailler parce qu’ils auront moins de contraintes financières, pourront travailler plus leurs examens… Ils auront alors un travail, des revenus, et pourront même, eux-mêmes, mettre la machine en marche. C’est donc que le travail n’est pas appelé à disparaître, puisque de nouveaux emplois vont financer ce nouveau revenu, qu’il aura lui-même suscités ! Ce n’est pas le revenu qui crée le travail, mais le travail qui crée le travail !

En fait, le revenu universel est un remake de la « relance par la consommation » de 1981, inspirée des effets supposés de la hausse des salaires de 1968, qui avait quand même conduit (entre autres) à trois dévaluations du Franc.  Taxer les robots pour produire moins et plus cher, distribuer un revenu universel qui ne pourra pas inciter à risquer et à innover, voilà moins de croissance et d’emploi, plus de dette. La taxe sur les robots est contradictoire d’avec le revenu universel.

Sur la nécessité de mettre en place un revenu universel pour faire face à la disparition des emplois provoquée par l'automatisation

Ce Revenu va frapper la Gauche d’inutilité. D’abord, le fondement de ce revenu, hors celui d’un regroupement des minima sociaux qui fait sens, me paraît étrange. En effet, le revenu universel n’est pas un engagement social, au contraire. C’est une démission sociale : je n’ai pas à aider, former, soutenir… puisque j’ai payé. C’est une monétisation des rapports sociaux. « L’homme aux écus de Marx », le capitaliste, se trouve rejoint par tout le peuple, par tous ceux qui vont se plaindre de la montée des impôts pour financer les chômeurs, mais avec cette fois la conscience sereine ! Avec le Revenu universel, plus besoin de revendiquer, ni de syndicats : il faut s’en prendre à soi-même ! On passe « des eaux glacées du calcul égoïste » de Marx, aux eaux aussi froides, mais surtout hypocrites, « du calcul socialiste » ! Faisons que ceci n’ait pas lieu.

Sur la nécessité de procéder à un effacement de la dette 

Une dette ne s’efface pas. Ce sont « les autres » qui perdent leur épargne, autres ouvriers et autres retraités étrangers, plus ceux de l’intérieur. Et ceci ne vas pas « s’effacer » de leur mémoire. La richesse des riches se trouve en actions et obligations internationales, et ils auront bien vite fait de la protéger si le risque d’un défaut souverain menace. Ce sont ceux qui ne peuvent pas sortir, en France ou ailleurs, qui paieront. Déjà, ceci a commencé. La France a désormais une dette à 1,05% pour le 10 ans, au-dessus de l’hypothèse du budget (0,9%), de l’inflation (0,6% pour l’Insee, 0,7% pour la BCE) et à 63 point de base au-dessus du bund allemand. La crainte monte et se fait payer.

Et ce n’est pas fini : répudier sa dette, c’est faire éclater l’euro et la zone euro, couper la France des marchés financiers mondiaux. Or chaque jour, pour « tourner », le Trésor emprunte 800 millions d’euros dont 250 viennent de notre épargne et le reste de nos amis Chinois, Japonais…, qui détiennent 60% de notre dette. Ils ne vont pas aimer. Et comment fait-on pour payer les soins de santé, l’armée, la police ? Répudier la dette, c’est plonger la France dans une récession profonde, au milieu d’une Europe dévastée.

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