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Le tourisme, ce grand oublié 
du discours des candidats
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Les bronzés

Le secteur est l'un des premiers postes excédentaires de notre commerce extérieur. Pourtant, rares sont les politiques à s'en vanter et à se mobiliser pour le dynamiser. A tort : la manne pourrait ne pas être éternelle...

Emmanuel Combe

Emmanuel Combe

Emmanuel Combe est vice-président de l'Autorité de la concurrence et professeur affilié à ESCP-Europe. Il est également professeur des universités.

Spécialiste des questions de concurrence et de stratégie d’entreprise, il a publié de nombreux articles et ouvrages, notamment sur le modèle low cost (Le low cost, éditions La Découverte 2011). Il tient à jour un site Internet sur la concurrence.

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La France entretient une relation paradoxale avec son industrie touristique : si elle représente depuis plus de 20 ans, l’un des premiers postes excédentaires de notre commerce extérieur, avec un solde positif qui oscille selon les années entre 10 et 12 milliards d’euros, rares sont les hommes politiques à vanter les mérites de cette industrie et à se mobiliser pour la dynamiser.

Nos politiques sont plus prompts à se pencher sur les déboires de notre industrie automobile que sur le potentiel d’amélioration de notre offre touristique. Sans doute parce qu’il est plus avantageux médiatiquement de visiter une usine avec un casque sur la tête et un bleu de travail, plutôt  que de déambuler dans un complexe touristique.

Sans doute aussi parce que nos élites connaissent peu ce secteur et le considèrent avec une certaine défiance : le tourisme, comme les jeux vidéos, souffre à tort d’une image de secteur "peu sérieux". Certes, on n’y fait pas de Recherche-Développement mais on y créé beaucoup de valeur !

Autre raison : le tourisme est souvent associé dans l’imaginaire  français à une forme de dépendance, de soumission vis-à-vis de l’étranger. Le service n’est jamais très loin de la... "servitude". Ceci explique sans doute le peu d’importance accordée à la question de la qualité du service et de l’accueil, la problématique de la qualité étant souvent réduite à celle des infrastructures et des sites à visiter.

Au fond, nous avons tendance à considérer le tourisme comme une rente dont il ne faut surtout pas s’occuper, un secteur qui fonctionne "tout seul". Après tout, la tour Eiffel restera toujours à Paris et il n’est donc pas nécessaire de la promouvoir !

Il s’agit là d’une profonde erreur d’analyse : si la production touristique est en effet non délocalisable, la consommation de tourisme est quant à elle de plus en plus mobile. A l’heure où les moyens de transport se démocratisent (low cost), à l’heure où l’ouverture des frontières permet aux consommateurs de bénéficier d’une offre touristique de plus en plus variée, notre rente, pour exceptionnelle qu’elle soit, n’est plus à l’abri des vents de la concurrence étrangère.

Plusieurs indicateurs nous montrent d’ailleurs que notre avantage dans le tourisme s’érode depuis 30 ans et qu’il n’a rien d’une "rente naturelle" :

  • Alors que la France représentait 10,8% des arrivées mondiales en 1980, sa part s’élève aujourd’hui à 8,6% ;
  • Si la France reste le premier pays d’accueil au monde par le nombre de touristes, elle ne se situe qu’en troisième position pour les recettes, après les Etats-Unis et l’Espagne. Sa part dans les recettes a même décliné : elle représentait 7,7% des recettes totales mondiales en 1980 contre moins de 6% aujourd’hui ;
  • Notre offre touristique est insuffisamment diversifiée et se concentre sur quelques sites et attractions : moins de 20 sites, essentiellement en région parisienne,  parviennent à attirer plus d’1 millions de visiteurs chaque année.

Plusieurs initiatives récentes vont dans le bon sens, en mettant l’accent sur la qualité d’accueil et de service : réforme du classement des hôtels en 2009, mise en place du label "qualité tourisme", etc. Mais ces politiques restent encore trop focalisées sur quelques éléments de la chaîne de valeur –notamment l’hôtellerie– sans voir que la qualité doit se penser de manière transversale, et irriguer l’ensemble de l’offre touristique, de l’arrivée au départ du touriste.

Prenons l’exemple de Paris : l’effort sur la qualité d’accueil ne saurait se cantonner à l’hôtellerie et doit inclure des sujets aussi différents que la disponibilité et le prix des taxis, l’ouverture des magasins le dimanche dans les quartiers touristiques, l’accueil dans les gares et aéroports, la  propreté des rues, la maîtrise de l’anglais par tous les acteurs du tourisme, etc.

L’adoption d’une démarche de qualité totale dans le tourisme ne se fera pas sans l’adhésion de tous les acteurs de la filière, ce qui nécessite de se pencher sur la question de la formation aux métiers du tourisme. Là encore, force est de constater que pendant longtemps, le secteur a peu investi dans la qualification de son personnel, et tout particulièrement le segment des HCR (hôtels, cafés et restaurants).  En effet, sur ce segment, le caractère saisonnier de nombreux emplois, le fort taux de rotation de la main d’œuvre, la faible taille des entreprises n’incitaient guère à investir en capital humain. L’enjeu aujourd’hui est d’offrir à chacun une qualification minimale, qui soit en phase avec les attentes des touristes (maîtrise de l’anglais, etc).

Politiques de tout bord, intéressez vous enfin au tourisme! Un secteur qui regroupe pas moins d’un million d’emplois directs et un million d’emplois indirects ; un secteur où l’ascenseur social fonctionne encore; un secteur qui reste un fleuron de notre commerce extérieur et qui, lui, ne connaît pas... la délocalisation.

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