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Frédéric Charpier: “La seule réelle constance dans le parcours politique d’Arnaud Montebourg semble être son aspiration à devenir un jour président de la République.”
©Stephane Mahe / Reuters

Entretien

A l'occasion de la sortie de son dernier ouvrage "Arnaud Montebourg, l'homme girouette", Frédéric Charpier revient pour Atlantico sur les contradictions politiques du candidat à la primaire de la gauche.

Frédéric Charpier

Frédéric Charpier

Frédéric Charpier, né en 1955, auteur de films documentaires, a écrit plusieurs ouvrages sur les affaires, les services de renseignement et l’extrême droite, notamment, au Seuil : Génération Occident. De l’extrême droite à la droite Madelin (2005) et La CIA en France (2008); et aux Presses de la Cité, Les Dessous de l’affaire Colonnaet Nicolas Sarkozy, enquête sur un homme de pouvoir (2007). Son livre, Arnaud Montebourg, l'homme girouette (2016) est publié chez La Découverte, juste avant la primaire du PS.

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Atlantico : Dans votre dernier ouvrage, Arnaud Montebourg, l'homme girouette, vous montrez en quoi celui qui est aujourd'hui à la tête des frondeurs n'aurait en réalité aucun point d'ancrage, aucune filiation à un courant politique. Quels ont été les virages politiques opérés par Arnaud Montebourg ?

Frédéric Charpier : Arnaud Montebourg a fait ses classes dans le courant Fabius qu’il a rejoint via Thierry Mandon, aujourd‘hui ministre des Universités et de la Recherche, alors (au milieu des années 1980) chef de bande et mentor à Science Po d’un petit groupe de jeunes étudiants auquel appartenait Montebourg. En 2005, des mois durant, ce dernier faisait encore l’éloge de Laurent Fabius.

Montebourg ne relèvera jamais par la suite d’un courant particulier hormis le sien, le Nouveau parti socialiste, qu’il crée avec notamment Vincent Peillon après la défaite de Lionel Jospin, en 2002. Trois ans plus tard, il est proprement dépossédé de son parti lors du congrès du Mans où Montebourg a refusé la synthèse, se retrouvant isolé et exclu des organes dirigeants du PS.

Commence alors une période de louvoiement. Montebourg passe par la case DSK, la case Ségolène,; puis Martine Aubry - qu’il ne ménage pourtant pas - le remet en selle et le charge de rénover le parti. Elle fait même de lui, ou encore de Benoit Hamon, un "éléphant".

Dès lors, Montebourg joue plus que jamais perso

A la primaire, il campe à gauche, endosse le vert des écolos, "démondialise" par le verbe puis, nommé ministre, il tourne le dos à la plupart de ceux qui ont fait campagne à la primaire pour lui, parce que désormais sans doute trop typés à gauche - c’est du moins ce qu’ils prétendront.

La seule réelle constance dans son parcours politique semble être son ambition personnelle, son aspiration à devenir un jour président de la République. Il a longtemps fait preuve également d’une constante et sincère réprobation de la corruption.

Quand on dit que la plupart des frondeurs l’ont rejoint, il suffit de faire les comptes pour s’apercevoir qu’il n’en est rien et que cette affirmation est abusive. Hormis ses amis de toujours, Laurent Baumel et Christian Paul, et Aurélie Filippetti sa compagne, très peu se sont en fait ralliés à lui.

François Hollande, Nicolas Sarkozy pour ne citer qu'eux, n'ont jamais eu de véritable ligne politique… Le fait qu'Arnaud Montebourg ne soit rattaché à aucun courant est-il réellement sa principale faiblesse ? Que lui reproche-t-on au Parti socialiste ?

Au sein du PS, la plupart de ses adversaires - et ils sont nombreux - lui reprochent une démarche solitaire qui ne s’inscrit pas dans un collectif. Ils l’accusent d’avoir souvent tiré contre son camp, d’avoir mis Lionel Jospin en difficulté quand ce dernier était Premier ministre en menant campagne pour la mise en accusation devant la Haute cour de justice de Jacques Chirac, alors que juridiquement et techniquement, la chose paraissait quasiment irréaliste.

Autre grief à son encontre: celui d’avoir, au sein du gouvernement de François Hollande, défendu une ligne politique personnelle qu’il a cherchée à imposer comme si lui seul avait raison contre tous, et surtout d’avoir exprimé médiatiquement ses désaccords avec pour effet l’affaiblissement de son camp.

Aller au bout des idées d'Arnaud Montebourg en termes de programme économique notamment impliquerait-il de quitter la zone euro ? La France est-elle prête à un tel risque selon vous ? Peut-on penser qu'un Arnaud Montebourg au pouvoir fasse machine arrière sur cette question ?

C’est la limite du verbalisme politique d’Arnaud Montebourg, son "programme économique" car parler n’est pas agir.

Qui connaît les règles de fonctionnement de l’Union européenne sait que certaines déclarations ne sont que des vœux pieux, de l’esbroufe ou de l’agit-prop.

Rappelons qu’en 2005, Montebourg n’a pas été, lors du référendum sur la nouvelle Constitution européenne, un boutefeu dans le camp du non. Il s’est, dirons-nous, plutôt sagement opposé.

Peut-être Montebourg est-il plus européen qu’on ne le croit. Il l’est certainement davantage que Jean-Pierre Chevènement auquel il se réfère souvent. Ses relations apparemment nombreuses dans le milieu des affaires semblent confirmer cet anti-européisme modéré. Aucun parti de gauche ne dit d’ailleurs clairement aujourd’hui qu’il souhaite quitter l’Union européenne. Dans ce registre, il est aussi plus facile de dire que de faire.

Vous décrivez Arnaud Montebourg comme un homme rôdé aux techniques de communication et maitrisant parfaitement l'art du story-telling : comment expliquer que sa campagne dans le cadre de la primaire de la Belle Alliance populaire n'imprime pas ? Que lui manque-t-il pour rallier à lui un nombre important d'électeurs ? 

Je crois qu’Arnaud Montebourg a usé trop de bonnes volontés. Il a énormément déçu. Il est en conséquence de plus en plus seul. De surcroît, son image s’est écornée, beaucoup de gens ne le prennent pas au sérieux après son vrai faux abandon de la politique.

Peut-être est-il aussi passé de mode, à la fois victime du double effet Macron-Mélenchon et entraîné par la spirale d’un Parti socialiste au seuil d’une possible déflagration dont il aura lui-même été un des artisans sans doute involontaire. Cependant la confrontation de la primaire n’a pas encore vraiment commencé…Montebourg en sera sans doute une des têtes d’affiche.

Cette science du story-telling et cette connaissance du monde des médias peuvent-elles permettre à Arnaud Montebourg de prendre le dessus sur Benoît Hamon, alors que les deux candidats à la primaire de la droite partagent tous les deux, malgré des différences, une ligne de gauche assumée en opposition à Manuel Valls ?

Montebourg a perdu de sa superbe face aux médias. Il est moins dominant et a aussi face à lui des candidats tout autant affutés que lui dans le domaine de la communication. Hamon lui-même ne manque pas d’inspiration, y compris dans son entourage direct; Valls est lui-même un expert entouré d’experts; quant à Peillon, il profitera des compétences cumulées, en ce domaine, du large front qui le soutient… et de sa propre expérience.

Ce n’est donc pas dans ce domaine que Montebourg fera la différence, si tant est qu’il puisse la faire. Je ne suis pas sûr non plus que Montebourg se classe naturellement à gauche comme on le dit, à moins qu’il ne s’agisse d’une gauche particulièrement confusionniste.

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