Ce tremblement de terre passé inaperçu en Corse : un an après, retour sur ce qui a permis l'élection des nationalistes à la région<!-- --> | Atlantico.fr
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Cette dynamique porteuse enregistrée aux législatives et aux municipales avait été favorisée par un recentrage du discours et des revendications visant davantage l'autonomie que l'indépendance.
Cette dynamique porteuse enregistrée aux législatives et aux municipales avait été favorisée par un recentrage du discours et des revendications visant davantage l'autonomie que l'indépendance.
©REUTERS/John Schults

Au tableau

Les législatives de 2015 sont historiques à plus d'un titre : elles sont celles qui marquent la progression du FN, mais aussi celles qui consacrent les nationalistes corses.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Régionales de 2015 en Corse : victoire nationaliste et survivance du clanisme.

Si lors des élections régionales de 2015, l’attention des observateurs a été beaucoup attirée par la nouvelle progression du FN et la conquête par la droite de plusieurs grandes régions, un élément a été moins commenté alors qu’il s’agissait pourtant d’un évènement historique. Pour la première fois en effet, les nationalistes corses emmenés par Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni, remportaient la victoire au second tour des élections régionales. Cette victoire s’est certes produite dans le cadre d’une quadrangulaire et les nationalistes n’ont ni amplifier leurs scores de 2010 ni atteint 50% des suffrages. La droite et surtout la gauche étaient certes divisées, ce qui a facilité cette victoire. Mais il n’en demeure pas moins que dans un scrutin, caractérisé par la survivance du clanisme et le poids prépondérant des notables locaux, l’accession au pouvoir de la famille nationaliste est un fait politique majeur.

1-     Les nationalistes confirment leur ancrage dans la société corse.

Partant une nouvelle fois divisés avec une liste autonomiste conduite par Gilles Simeoni et une liste indépendantiste emmenée par Jean-Guy Talamoni[1], les nationalistes corses[2] nourrissaient de sérieux espoirs de victoire pour ces élections régionales. Aux législatives de 2012, Jean-Christophe Angelini avait mis en grande difficulté Camille de Rocca-Serra dans sa seconde circonscription de Corse-du-Sud en obtenant 46,9% des voix et la pression du camp nationaliste ne se relâcha pas sur ce territoire aux municipales en 2014 où le même Jean-Christophe Angelini, avec 46,9% des suffrages, faillit remporter la victoire à Porto-Vecchio contre la liste rocca-serriste. La poussée se fit également ressentir en Haute-Corse avec un bon score aux législatives de Gilles Simeoni, le fils d'une des figures historiques du mouvement nationaliste, Edmond Simeoni, dans la première circonscription puis deux ans plus tard, de manière fracassante avec sa victoire historique (à la tête d'une large coalition) contre Jean Zucarrelli lors des municipales à Bastia. Pour la première fois, un autonomiste accédait à la tête de la municipalité de l'une des principales villes corses.

Cette dynamique porteuse enregistrée aux législatives et aux municipales avait été favorisée par un recentrage du discours et des revendications visant davantage l'autonomie que l'indépendance. Une prise de distance de toute une partie de ce courant avec la lutte armée[3] permit déjà aux régionalistes de doubler leur audience lors du précédent scrutin régional de 2010. Alors que de 1992 à 2004, sur fond de violences (le préfet Erignac est assassiné en 1998) et de guerres fratricides entre nationalistes, ce courant rassemblait autour de 15% du corps électoral corse, les différentes listes qui se présentèrent en 2010 raflèrent pas moins de 30% de voix au premier tour. 

Et comme le montre le graphique ci-dessus, cette progression se fit d'abord au profit du courant autonomiste incarné par Gilles Simeoni. Le scrutin de 2015 ne s'est pas traduit par une nouvelle hausse de l'audience des nationalistes et l'on a même assisté au contraire à un très léger tassement. Pour autant, dans un contexte de fortes divisions de la gauche et de la droite corses mais aussi de maintien du FN au second tour, les listes Simeoni et Talamoni qui avaient fusionné (contrairement à 2010) l'emportèrent assez nettement au second tour.

Au premier tour, la liste "Femu a Corsica" a obtenu des scores assez élevés sur pratiquement tout le territoire. Si l'audience demeure plus faible au sud-ouest de l'île, l'influence est significative voire forte dans toutes les autres micro-régions. C'est le cas notamment dans le centre, autour de Corte, dans le canton de Calenzana, à proximité de l'Ile-Rousse, dans l'agglomération bastiaise ou bien encore dans le Cap corse.

Alors que comme nous le verrons, le clivage traditionnel entre l'en deçà des monts (Haute-Corse) et l'au-delà des monts (Corse du Sud) continue de structurer le vote en faveur des principales listes, c'est beaucoup moins vrai pour la liste de Gilles Simeoni et pas du tout le cas pour la liste emmenée par Jean-Guy Talamoni.

Le courant régionaliste parvient donc, à la différence des autres forces politiques insulaires (Giacobbisme, Rossisme, Rocca-Serrisme…), à parler à tous les territoires de la Corse, ce qui lui confère une large audience et un avantage structurel majeur sur ses concurrents qui demeurent relativement enclavés dans leur fief respectif pour peu que les différentes composantes du mouvement nationaliste sachent s'unir, comme elles l'ont fait au second tour.

Cette capacité à rayonner de part et d'autre de la frontière interdépartementale inscrit donc le courant régionaliste en rupture avec un des éléments structurants de la vie politique corse. Un autre élément majeur du paysage politique insulaire est le clanisme[4] et dès l'origine, le mouvement nationaliste a combattu ce système perçu comme archaïque. La puissance de certains réseaux notabiliaires demeure encore significative d'où l'importance de pouvoir s'appuyer sur des relais locaux précieux que sont les maires. Comme nous le verrons, certaines listes "classiques" ont aligné de très nombreux maires, considérés comme autant d'agents électoraux pourvoyeurs de voix dans leur commune respective. Or si "Femu a Corsica" a moins eu recours à cette pratique que d'autres, cette liste comptait néanmoins 6 maires dans ses rangs[5]. Et dans les 6 communes en question, les résultats en ont été dopés : 41,6% à Santa-Maria-di Lota, 44,6% à Viggianello, 46% à Riventosa, 47,5% à Cuttoli-Corticchiato, 59,6% à  Lozzi et 67,7% à Santa-Lucia di Mercurio.

Signe paradoxal de l'implantation du courant nationaliste dans le paysage politique insulaire, ce dernier est désormais capable d'aligner des élus locaux et de tirer profit de leur capital politique personnel à l'instar des notables traditionnels. Pour autant, l'antagonisme entre système clanique et régionalisme demeure. C'est auprès des populations les plus âgées que la prégnance des fidélités claniques et des liens interpersonnels entre l'élu et ses administrés est la plus tenace notamment dans les communes rurales, alors que les communes plus urbaines et les générations les plus jeunes sont moins enserrées dans ce type de schéma. Or on constate des corrélations marquées entre la proportion de personnes âgées dans la population et le score en faveur des différentes listes au niveau communal. Ainsi, plus la population d'une commune sera âgée et plus les scores des listes Giacobbi, Rocca-Serra et Rossi seront élevés. Et inversement,  plus la proportion de personnes âgées sera faible dans une commune, et plus tendanciellement les scores des listes Simeoni et Talamoni seront importants.

Gilles Simeoni est certes à sa façon lui aussi un "héritier" dans la mesure où il s'inscrit dans les pas de son père Edmond Simeoni, grande figure de la cause nationaliste. Mais de par son âge, 48 ans, le leader autonomiste a pu symboliser aux yeux des électeurs une forme de renouveau et une rupture avec le vieux système politique corse incarné par les José Rossi (71 ans), Camille de Rocca-Serra (61 ans) ou bien encore Paul Giacobbi (58 ans). Cet avantage a manifestement pesé dans les générations les plus jeunes. Ces bons scores dans les communes où la population est la plus jeune et la plus diplômée traduisent également l'influence et la diffusion des idées autonomistes et nationalistes dans la jeunesse étudiante corse. L'université de Corte, qui a formé des générations de jeunes Corses, est un important foyer de diffusion de cette idéologie dans la partie la plus jeune de la société insulaire (les moins de 35 ans, l'université ayant été créée en 1981). Cette université qui accueille près de 4.000 étudiants fait en effet figure de bastion des nationalistes, les syndicats étudiants présents sur le campus étant tous sans exception de cette sensibilité. 

On a vu précédemment que le courant régionaliste s'était affranchi du traditionnel clivage départemental et qu'il était en capacité d'enregistrer de bons résultats dans les deux départements. Au regard du tableau suivant, l'électorat de la liste Simeoni apparaît également relativement tout terrain en ce qui concerne le clivage urbain/rural. Son score est ainsi très homogène dans toutes les strates de communes avec un survote dans les communes plus peuplées. C'est le cas notamment à Bastia (27,7%), Porto-Vecchio (25,5%) ou bien encore Corte (24,1%).

La trajectoire du vote Talamoni diffère sensiblement sur ce critère avec une audience d'autant plus forte que la commune est peu peuplée. Cela renseigne sur la sociologie et les ressorts de ces deux votes qui sont donc différents. Ils ont certes en commun d'être sous-représentés dans les générations les plus âgées mais alors que l'électorat Simeoni est plus interclassiste avec une bonne audience dans les classes moyennes et supérieures urbaines, les chiffres de ce tableau dénotent un ancrage plus populaire et rural de l'électorat Talamoni. Le profil sociologique des membres des deux listes fonctionnent d'ailleurs en miroir avec cette réalité électorale. Ainsi, sur 51 membres, la liste de Gilles Simeoni comptait pas moins de 31 CSP+ et 10 membres des classes moyennes (soit quasiment les mêmes proportions que la liste de droite de Camille de Rocca-Serra : respectivement 32 et 9) alors que la part des classes moyennes et des catégories supérieures était moins importante sur la liste Corsica Libera avec seulement 18 CSP+ et 10 membres des classes moyennes. De la même façon, on remarque sur la liste de Corsica Libera une présence non négligeable d'agriculteurs avec 3 exploitants (4 agriculteurs sur la liste de Camille de Rocca-Serra), la représentation de cette catégorie importante de la société corse faisant écho à une implantation plus rurale qu'urbaine de l'électorat nationaliste.

La géographie de ce vote n'est pas marquée par la coupure nord/sud et l'on trouve ainsi des zones de force assez réparties sur l'île. On voit apparaître les fiefs nationalistes des deux Sévi, de Castagniccia, de Balagne et du Fiumorbo. Dans le détail, les scores élevés dans un certain nombre de communes s'expliquent parfois par l'influence d'un maire acquis aux idées nationalistes. C'est le cas par exemple à Granace (50,8% pour la liste Talamoni), dont le maire Jean-Yves Léandri est membre de Corsica Libera et l'un des dirigeants de l'association des élus de Corcisa Libera, tout comme Simon Venturini, maire de la petite comme d'Alzi, où la liste Talamoni a obtenu 67,7%. Cette association comprend surtout des conseillers municipaux ou des adjoints mais à ce jour très peu de maires, l'influence de Corsica Libera n'étant manifestement pas suffisamment forte pour déboucher sur l'élection de nombreux maires. Toutefois, la liste Talamoni a bénéficié du soutien local de maires ou d'ex-maires nationalistes non encartés comme Lionel Mortini à Belgodère (50,3%) ou bien encore Dominique Bianchi à Villanova (21%).

Dans d'autres petites communes, les réseaux familiaux ont pu jouer par exemple à Ambiegna (68,9% sur 74 inscrits), dont une partie de la famille de Laura Maria Poli, candidate sur la liste, est originaire. Enfin, l'ancrage nationaliste d'autres villages trouve son origine dans l'histoire du FLNC. La liste Corsica Libera obtient ainsi 40% à Tralonca, petite commune de Haute-Corse où le mouvement clandestin organisa en janvier 1996 une conférence de presse clandestine aux allures de démonstration de force avec la présence de pas moins de 500 encagoulés en armes. Les 35,1% enregistrés à Pruno sont sans doute à mettre en lien avec la mémoire entretenue dans le cercle familial et amical de Charles-Philippe Paoli, membre de l'exécutif de Corsica Libera assassiné en 2011, et dont le meurtre sera ensuite vengé par un commando clandestin. Même schéma à Moca-Croce (24,1%), commune dont est originaire Paul Istria, un militant du FLNC incarcéré, et dont la famille et les proches se mobilisent régulièrement pour obtenir la libération. La libération des prisonniers "politiques", pour reprendre la terminologie des nationalistes, est un sujet assez populaire en Corse mais le degré de mobilisation locale renseigne assez bien sur la proximité aux idées nationalistes de la population d'une commune. Ainsi, il n'est pas très étonnant que la liste Corsica Libera ait obtenu 32,4% à Balogna, seconde commune corse dont le conseil municipal vota une délibération demandant  l'amnistie pour les prisonniers. A Palasca, à proximité de l'Ile-Rousse, c'est un autre type de mobilisation souvent porté par le mouvement nationaliste, l'opposition à un vaste projet immobilier, qui a pu nourrir un climat d'opinion favorable à cette liste qui a obtenu 42%.       

2-     La liste Giacobbi domine à gauche mais est affaiblie par des dissidences.

Alors que le scrutin régional en Corse était organisé sur la base de listes régionales et non pas départementales, la persistance du clivage Haute-Corse/Corse-du-Sud apparaît clairement à l'analyse des résultats. C'est notamment le cas pour la liste "Prima a Corsica" conduite par Paul Giacobbi qui a obtenu 24,2% en Haute-Corse contre seulement 11,4% en Corse-du-Sud, soit un niveau deux fois moindre. Et non seulement l'écart des scores est impressionnant mais de surcroît, la frontière interdépartementale ressort très clairement sur la carte suivante, les scores chutant immédiatement dès que l'on pénètre en Corse-du-Sud. C'est dans le nord et le centre de l'île, notamment autour de Venaco, fief historique de la dynastie Giacobbi[6], que se concentrent l'essentiel des zones de force de cette liste. A l'inverse, en Corse-du-Sud, la liste Giacobbi ne franchit pas la barre des 6% dans de nombreuses communes, notamment dans l'extrême-sud de l'île. Dans ce département, les communes qui ont accordé un score important sont pour l'essentiel des communes dont le maire était membre de cette liste. C'est le cas par exemple de Paul-Marie Bartoli à Propriano (57,6%), de Fanfan Mosconi à Conca (55,7%), d'Antoine Ottavy à Bastelicaccia (50,3%) ou bien encore de Dorothée Colonna à Murzo (53,9%).  Intégrer ces personnalités locales dans la liste s'est donc avéré une stratégie efficace pour disposer de points d'appui dans le sud du département où l'assise de Paul Giacobbi est faible. Néanmoins, ces points d'appui apparaissent très isolés et l'influence de chacun de ces notables n'a quasiment jamais dépassé les limites de leur commune respective.

Ce recours à l'influence des maires n'a pas été employé qu'en Corse-du-Sud. La liste Giacobbi est en effet celle qui alignait le plus de maires avec pas moins de 19 premiers édiles sur un total de 51 colistiers. 12 d'entre eux étaient implantés en Haute-Corse, certains à proximité immédiate du fief giaccobiste dans les communes de Cervione ou de San Lorenzo, mais aussi dans d'autres micro-régions qu'il s'agissait de quadriller le mieux possible, comme la Balagne par exemple avec 3 maires candidats : à Calenzana, Avapessa et Santa-Reparata di Balagna.

Une partie de ces maires figuraient déjà sur la liste de Paul Giacobbi en 2010 et ont sans doute été reconduits en partie en raison de leurs performances électorales qu'ils ont la plupart du temps réitérées en 2015. A ces soutiens fidèles permettant de franchir la barre des 50% dès le premier tour dans ces communes sont venus s'ajouter de nouvelles recrues, qui ont constitué autant d'agents électoraux efficaces, venant significativement doper localement le score de la liste en 2015 comme le montre le tableau suivant.

Dans sa commune de Venaco, dont il n'est plus maire mais qui est dirigée par un proche, Paul Giacobbi parvient lui aussi à maintenir ses positions avec un score de 63,4% contre 65% en 2010 en dépit d'une procédure judiciaire le concernant. Stabilité également plus au nord, dans le village de Penta-di-Casinca (49,8% en 2010, 45,9% en 2015), fief de Joseph Castelli, sénateur radical de Haute-Corse proche de Paul Giacobbi et qui fut maire de cette commune de 1983 à 2010. Cette fidélité de l'électorat local n'allait pourtant pas de soi car Joseph Castelli était visé par une enquête judiciaire sur le financement de sa villa construite sur cette commune. De la même façon, le score spectaculaire que Paul Giacobbi enregistrait dans la commune de Sant'Andrea-di-Cotone en 2010 (92%) fut de nouveau égalé en 2015 avec 91,7% des suffrages dans ce village dont le maire, Stéphane Domarchi, est le fils de Dominique Domarchi, précédent maire et bras droit de Paul Giacobbi, assassiné en 2011[7]. 

Si la liste de Paul Giacobbi a donc su capitaliser sur l'implantation de son leader et sur celle d'un grand nombre de maires qui étaient colistiers, elle a, à l'inverse, localement pâti de la concurrence et de la dissidence de deux personnalités qui figuraient sur la liste en 2010 et appartenaient à la majorité sortante du conseil exécutif, mais qui se sont trouvées en désaccord avec Paul Giacobbi et ont monté leur propre liste en 2015.

Le premier est Jean-Charles Orsucci, maire de Bonifacio, qui a obtenu 4,1% soit 5532 voix sur l'ensemble de la Corse. Ce score peut paraître peu élevé mais comme pour d'autres listes, il est concentré géographiquement. La tête de liste obtient ainsi 56% des voix dans sa ville de Bonifacio. La liste approche aussi la barre des 50% à Ventiseri, dont le maire, François Tiberi, était membre tout comme à San-Martino-di-Lota, dont une conseillère municipale figurait aussi sur la liste. Un score assez élevé (36%) a également été enregistré dans une commune voisine de la précédente dans la région du Fiumorbo, San-Gavino-di-Fiumorbo. Or comme le montre le tableau suivant, dans toutes ces communes, le résultat de la liste Giacobbi a connu un véritable décrochage entre 2010 et 2015.

On retrouve un phénomène assez similaire avec la concurrence exercée dans certains territoires par Emmanuelle de Gentili, qui menait en 2015 une liste soutenue par le PS alors qu'elle occupait la seconde place sur la liste de Paul Giacobbi en 2010 mais qui a rompu son alliance. Jean-Charles Orsucci figurait à l'époque en 5ème position sur cette même liste et Jean-Louis Luciani, avec qui il a monté sa liste en 2015, était quant à lui à 3ème position sur la liste Giacobbi en 2010, ce qui montre que ces défections n'ont pas concerné des figures secondaires mais des éléments importants du dispositif giacobbiste de 2010. En 2015, la liste socialiste conduite par Emmanuelle de Gentili obtient 4353 voix soit un score de 3,3% sur l'ensemble de l'île. Mais comme on peut le voir dans le tableau suivant, les performances ont parfois été bien plus élevées dans certaines communes et ceci s'est, là aussi, traduit par une hémorragie localisée des voix giacobbistes entre 2010 et 2015.

3-     Le déclin du zuccarellisme

Autant Paul Giacobbi disposait encore, on l'a vu, d'une solide assise, autant Jean Zuccarelli, héritier de l'autre grande dynastie républicaine et radicale de gauche de Haute-Corse, n'est pas parvenu à perpétuer cet héritage. En mars 2014, la perte de la municipalité de Bastia avait constitué un véritable séisme en Corse. Cette ville avait en effet eu comme maire un certain Jean Zuccarelli de 1968 à 1989, puis son fils Emile Zuccarelli de 1989 à 2014[8]. Pendant pas moins de 46 ans, le grand-père, Jean (premier du nom) puis le père Emile régnèrent donc sans discontinuer sur la préfecture de Haute-Corse avant que le petit-fils, lui aussi prénommé Jean, ne soit battu en 2014 par une coalition hétéroclite emmenée par l'autonomiste Gilles Simeoni. On ajoutera que cette domination familiale sur la ville est plus ancienne encore car le grand-père, Jean Zuccarelli, était le gendre d'Emile Sari, qui fut maire de 1919 à 1937.  

Le choc des municipales signait le déclin du zuccarellisme qui allait être confirmé un an plus tard à l'occasion des régionales. La liste emmenée par Jean Zuccarelli n'obtient en effet que 3,2% des voix sur l'ensemble de la région et se classe ainsi en 10ème position sur les 12 listes qui concourraient, ce qui constitue un très net désaveu. Comme le montre la carte suivante, la liste ne franchit pas la barre des 3% dans la majeure partie de l'île et les zones de forces relatives sont rares.

Il s'agit de l'aire bastiaise élargie mais aussi de la région de Piana en Corse-du-Sud. Dans cette commune touristique, la liste atteint 63,8% des voix au premier tour. Ce score s'explique par la présence sur la liste d'Aline Castellani, première édile mais aussi par celle de Nicolas Alfonsi, ancien député et sénateur radical de gauche, qui fut maire de la commune de 1962-2001. Son père, Jean Alfonsi, grande figure de la vie politique insulaire l'avait précédé dans ce poste de 1947 à 1962. L'assise locale de la famille Alfonsi a donc bénéficié à la liste Zuccarelli à Piana et dans une moindre mesure dans les communes avoisinantes comme Ota par exemple (13,6%). Mais il s'agit là d'un cas isolé car comme l'indique la carte ci-dessus, les points d'appui dont disposait cette liste étaient infiniment moins nombreux que ceux de Paul Giacobbi. Hormis Piana, une seule autre commune, San-Gavino-di-Tenda, entre l'Ile-Rousse et Saint-Florent, avait un maire présent sur cette liste qui n'alignait donc que deux maires contre pas moins de 19 pour celle de Paul Giacobbi. Cette très maigre présence de maires, maires qui selon Pierre Tafani[9], constituent un maillon essentiel dans le système clanique insulaire, traduisait bien une fragilisation de l'assise du zuccarellisme qui apparaissait de surcroît comme de plus en plus rétracté sur Bastia. Pas moins de 18 colistiers sur 51 résidaient dans cette ville.

Cette érosion du zuccarellisme électoral s'est traduit à la fois par une rétraction de son aire géographique mais aussi par une érosion très nette dans le cœur même du dispositif, Bastia.

La baisse, tant sur le département de la Haute-Corse que sur la ville même, avait en fait commencé dès les régionales de 2010, où les résultats de la liste d'Emile Zuccarelli étaient en retrait par rapport à ceux qu'il avait obtenus aux régionales de 2004. Mais cette tendance s'est considérablement accélérée en 2015 et Jean Zuccarelli a vu le capital électoral de son père fondre comme neige au soleil. C'est le cas à Bastia (28,7% en 2010 contre seulement 13,5% en 2015) mais également dans d'autres communes rurales de Haute-Corse où le dispositif zuccarelliste, qui donnait déjà des signes d'usure en 2010 est cette fois quasiment totalement disloqué.

Il n'y a pas donc que le fief bastiais qui a été mis à mal mais également les bastions ruraux et cela dans toutes les micro-régions de telle sorte que ce mouvement apparaît généralisé. Antisanti se trouve dans la région de Ghisonaccia, Piève dans le Nebbio, Sermano dans le canton de Morsagglia, Barrettali est situé dans le Cap Corse et San-Gavino-d'Ampugnani en Casinca.

4-     Rossi et Rocca-Serra ou la bataille du Sud

Si avec 18,4% des voix, Paul Giacobbi a très largement surclassé tous ses concurrents à gauche et notamment l'héritier du zuccarellisme (3,2%), le premier tour a été beaucoup plus disputé à droite où les deux principales listes sont arrivées au coude à coude. Celle des Républicains et de l'UDI, emmenée par José Rossi a ainsi obtenu 13,2% coiffant sur le poteau la liste dissidente conduite par Camille de Rocca-Serra (12,7%). L'étiquette et l'investiture officielle des Républicains n'ont donc pas conféré de prime très significative à José Rossi et une fois encore en Corse, la solidité et l'étendue de l'implantation locale des têtes de liste et des colistiers ont beaucoup pesé par rapport aux considérations partisanes.

Autre permanence, les cartes du premier tour font nettement ressortir, comme l'analyse spatiale du vote Giacobbi,  la persistance du clivage nord/sud avec des votes de droite principalement cantonnés en Corse-du-Sud. C'est notamment le cas pour la liste de José Rossi dont le score est de 19,5% dans ce département contre seulement 8% en Haute-Corse avec ici aussi un rapport de plus de un à deux entre les deux départements mais dans une configuration inversée par rapport au vote Giacobbi.

Si la Corse-du-Sud apparaît marquée à droite, les deux listes se sont chacune appuyées sur des aires d'influence distinctes qui étaient déjà apparues à l'occasion d'autres scrutins. Camille de Rocca-Serra domine dans le sud-est autour du fief familial de Porto-Vecchio[10] tandis que José Rossi enregistre ses meilleurs résultats au nord-ouest du département, dans l'ère ajaccienne où il dispose d'une implantation ancienne et de nombreux relais, dont le maire de la ville-centre Laurent Marcangeli, présent sur sa liste. La ligne de partage entre ces deux zones d'influence passe dans la région du Taravo très disputée entre les deux candidats[11].

Ces deux listes comportaient toutes deux un nombre significatif et quasiment identique de maires : 13 pour la liste de Camille de Rocca-Serra et 14 pour celle de José Rossi. Dans les deux cas, la répartition de ces maires colistiers était très équilibrée entre les deux départements : 7 maires de Corse-du-Sud et 6 de Haute-Corse pour Camille de Rocca-Serra et respectivement 8 et 6 pour son concurrent. Dans les deux cas, ces maires nordistes ont permis aux deux listes de disposer de points d'appui dans un département qui ne leur était pas favorable. Camille de Rocca-Serra obtient ainsi au premier tour 69,6% à La Porta, 65,9% à Zuani ou bien encore 60,2% à Tallone quand José Rossi recueille par exemple 65,7% à Tagli-Isolaccio, 65% à San-Giuliano ou 60% à Vallica grâce à la présence de maires colistiers. En Corse-du-Sud comme le montrent les cartes, les soutiens de José Rossi étaient un peu plus concentrés dans sa zone d'influence du grand Ajaccio tandis que ceux de son concurrent sauf exception sont regroupés dans le sud est de l'île.

Si l'on procède à un zoom cartographique sur le département de la Corse-du-Sud, les deux aires d'influence apparaissent très clairement et l'on peut même distinguer une "ligne de démarcation" qui correspond à la vallée  du Taravo. Cette "frontière des droites" suit cette vallée de Serra-di-Ferro jusqu'à Zigliara en passant par Guargalé. Elle se poursuit ensuite par Argiusta-Moriccio, Aullène puis Quenza. Au sud de cette ligne, quasiment toutes les communes ont placé la liste Rocca-Serra devant celle de Rossi et plus on s'approche de Porto-Vecchio et plus la domination de Camille de Rocca-Serra est nette. Dans cette moitié sud, cette liste n'est devancée par sa concurrente directe que dans sept communes, et parmi celles-ci les trois communes où l'écart est le plus marqué sont des communes dont le maire était présent sur la liste de José Rossi (Sari-Solenzana, Fozzano et Monaccia d'Aullène). On constate également que cette "frontière des droites" est composée par pas moins de trois communes dont le maire était lui sur la liste de Camille de Roca-Serra (Serra-di-Ferro, Guargalé et Zigliara) comme si la tête de liste avait voulu assurer et marquer sa domination électorale aux limites de sa zone d'influence.

Au nord de cette ligne, la liste Rossi s'impose nettement et aligne 5 maires colistiers dans cette zone, dont un à Albitreccia, commune limitrophe de Guargalé mais séparée par cette "frontière des droites". De part et d'autre de cette frontière invisible, le rapport de force interne à la droite s'inverse du tout au tout à quelques kilomètres d'écart entre ces deux communes dont les maires étaient chacun engagé dans une liste concurrente.

Au nord de cette ligne, la liste Rocca-Serra ne compte qu'un seul maire colistier, comme si les élus locaux de droite de cette zone avaient du mal à défier José Rossi ou étaient moins liés aux réseaux d'influence de Camille de Rocca-Serra, élu du grand-sud. Dans la partie nord du département, il ne vire en tête de la droite que dans quelques communes, dont Renno, dont le maire était colistier et dans quelques communes avoisinantes.

Sur l'ensemble de la Corse, l'écart entre les deux listes n'est que 624 voix, ce qui est très peu et l'on mesure alors l'importance des soutiens locaux qu'il s'agisse de leur nombre et plus encore de leur poids respectif. Comme le montre le tableau suivant, José Rossi a construit son avance sur son rival en Corse-du-Sud en recueillant 2574 bulletins de plus. A l'inverse, Camille de Rocca-Serra le devançait, mais moins largement (de 1944 voix) en Haute-Corse, près de la moitié de cette avance provenant de Calvi, dont le maire Ange Santini, figurait en 5ème position sur la liste de Camille de Rocca-Serra, les deux listes faisant des scores quasiment identiques (et peu élevés) à Bastia.

En Corse-du-Sud, le député de la deuxième circonscription engrange certes dans son fief de Porto-Vecchio 1916 voix d'avance sur José Rossi, mais ce dernier, avec l'appui de Laurent Marcangeli, nouveau maire d'Ajaccio, le surclasse de pas moins de 3212 voix dans la principale ville du département. Cette avance massive prise dans la ville-centre s'accompagne également d'un avantage de 1278 voix sur le reste du département. Il est intéressant de noter qu'à Sartène, commune de taille relativement importante, la présence de Paul Quilichini, maire de la ville, sur la liste rocca-serriste n'a sans doute pas produit un rendement électoral aussi élevé qu'attendu. Pour une commune comptant 2148 inscrits, cette liste obtient 514 voix contre 80 à celle de José Rossi soit 434 voix d'avance alors qu'à titre de comparaison, la présence sur la liste rossiste de Xavier Lacombe, maire de Péri, commune de 1775 inscrits, se traduit par le rapport de forces suivant : 674 voix pour cette liste contre 26 seulement celle de son concurrent, soit une avance de 648 voix contre 434 voix d'écart à Sartène, commune pourtant plus peuplée. Cette moindre performance de Paul Quilichini dans sa ville s'explique sans doute par l'existence de clivages idéologiques plus marqués à Sartène qu'ailleurs, ce clivage venant limiter l'impact du vote clanique ou notabiliaire. Ainsi Dominique Bucchini, ancien maire communiste de la ville, obtint pas moins de 459 voix, soit un score de 27,2% très proche des 30,5% enregistrée par la liste de Rocca-Serra dont le maire faisait pourtant partie. 

5-     Alliance et dynamique permettent aux nationalistes de l'emporter au second tour

Le second tour des élections régionales en Corse a été marqué par la victoire historique des nationalistes emmenés par le tandem Simeoni-Talamoni. Avec 35,3% des voix, leur liste a nettement devancé la liste de gauche de Paul Giacobbi (28,5%) et celle de droite conduite par José Rossi (27,1%), le FN qui s'était qualifié au second tour obtenant 9,1%.

Différents éléments ont abouti à ce résultat inédit. Il est tout d'abord intéressant de relever que si les nationalistes l'ont emporté, leur score en 2015, 35,3%, était légèrement inférieur à celui obtenu en 2010 (35,7%), mais à l'époque ils avaient présenté deux listes au second tour, ce qui avait facilité la victoire de Paul Giacobbi[12]. La stratégie de fusion des listes a donc été payante et ce d'autant plus que comme le montre le graphique ci-dessous, les reports entre les deux tours ont manifestement été d'excellente qualité dans le camp nationaliste.

Mais comme on peut le voir, non seulement la fusion des listes a assuré de très bons reports mais de surcroît, cette liste a bénéficié d'une véritable dynamique puisqu'alors que le total des 3 listes nationalistes atteignait seulement 27,9% au premier tour, la liste d'union Simeoni-Talamoni obtient 35,3% au second tour soit une progression de pas moins de 7,4 points. Ce bond très important peut trouver son origine soit dans des transferts d'autres électorats (notamment ceux de listes éliminées après le premier tour) soit dans une hausse de la participation.

Pour ce qui est de la droite, le graphique montre que la fusion des deux listes s'est bien passée et les reports ont été bons puisque la liste du "Rassemblement" emmenée par José Rossi a atteint 27,1% des voix au second tour, soit exactement le score de l'ensemble des listes de droite au premier tour (27%) et un niveau très proche à celui de la liste de droite au second tour des élections régionales de 2010 : 27,7% (à l'époque c'est Camille de Rocca-Serra qui conduisait la liste). La qualité de ces reports à droite se lit également au travers des chiffres du tableau suivant. Si plus Camille de Rocca-Serra avait enregistré un score important au premier tour dans une commune et plus l'écart entre le résultat de la liste de droite au second tour et le total droite au premier tour augmente, le manque à gagner n'est jamais très important et atteint au pire de 2,5 points dans la strate des communes où le député de Corse-du-Sud atteignait plus de 20% au premier tour.

Si les reports se sont déroulés dans de bonnes conditions à droite, tel n'a pas été le cas à gauche. On a vu qu'au premier tour, la gauche était extrêmement divisée avec pas moins de cinq listes en concurrence. Trois d'entre elles n'ont pas franchi la barre des 5% et n'ont donc pu ni se maintenir, ni fusionner. La liste du Front de gauche conduite par Domnique Bucchini a, quant à elle, obtenu 5,6% au premier tour et a fusionné avec la liste de Paul Giacobbi. Ces divisions de la gauche et la multiplication des listes dénotaient déjà d'un climat dégradé au premier tour ce qui a joué très négativement sur la qualité des reports. La liste de gauche unie au second tour intitulée "Prima a Corsica"  rassembla ainsi seulement 28,5% des suffrages, soit nettement moins que le total gauche du premier tour (34,5%) et que le score de Paul Giacobbi au second tour en 2010 (36,6%). 

Quand on analyse les résultats, on constate que plus une "petite" liste de gauche a obtenu des voix au premier tour, et plus le manque à gagner de la liste de Paul Giacobbi au second tour par rapport au total gauche du premier tour augmente. On observe une relation linéaire entre ces variables ce qui traduit un mauvaise voire très mauvaise qualité des reports en provenance des électorats de de Gentili, de Zuccarelli et d'Orsucci. On a vu précédemment que ces listes avaient capté au premier tour une bonne partie de leur électorat respectif grâce à un phénomène notabiliaire en s'appuyant sur des maires ou des personnalités implantés localement. On peut penser qu'une bonne partie de leurs électeurs s'étaient plus portés sur ces listes sous l'effet de la présence de relais locaux, qui ont fait joué l'effet d'amitié locale selon la formule des politistes, que pour des considérations idéologiques. L'absence d'un processus de fusion de ces listes au second tour (qui n'a pas permis d'intégrer ces relais d'opinion sur la liste de gauche au second tour), les divisions et les inimitiés à gauche et la moindre structuration idéologique de ces "petits" électorats (s'apparentant davantage à une addition de micro-clientèles locales) a abouti à de très mauvais reports et a conduit à des pertes en ligne très importantes pour la gauche au second tour.

La carte suivante fait apparaître d'importants foyers de perte entre 2010 et 2015 dans l'agglomération ajaccienne et à Bastia et sa périphérie. A Bastia, la liste Giacobbi passe au second tour de 43,1%, soit 5230 suffrages en 2010, à seulement 28,5% et 3585 voix en 2015, soit 1645 bulletins de moins. On rappellera qu'à l'époque cette liste avait fusionné avec celle d'Emile Zuccarelli. Pas moins de 10 membres de cette liste, dont le fils d'Emile Zuccarelli, Jean Zuccarelli, intégrèrent cette liste fusionnée. L'absence d'un tel accord en 2015 a sans doute privé la liste Giacobbi des soutiens des réseaux zuccarellistes à Bastia mais aussi dans certaines communes comme Piana par exemple.

De la même façon, la liste de gauche du maire d'Ajaccio de l'époque Simon Renucci avait elle aussi fusionnée et pas moins de 8  de ses membres avaient alors intégré la liste Giacobbi au second tour. En 2015, il semble que ces appuis aient manqué dans l'agglomération ajaccienne. Sur cette ville, la liste passe ainsi de 34,5% (6557 voix) en 2010 à seulement 19,5% (3921 voix) en 2015 soit une perte de 2636 voix.

Comme on l'a vu précédemment, les dissidences d'Emmanuelle de Gentili et de Jean-Charles Orsucci, ont également creusé les pertes. Cela s'observe nettement au plan local avec des reculs très appuyés dans les communes dont les maires étaient impliqués sur ces listes.

Et on peut penser qu'une bonne partie de ces voix "orphelines" qui ne voulaient pas rallier la liste Giacobbi, représentant la majorité sortante, se sont reportées au second tour sur la liste des nationalistes qui est alors apparue comme une alternative crédible pour se voir confier le pouvoir à la Région.

A l'analyse, ces reports nous semblent avoir constitué le ressort essentiel de la dynamique d'entre deux-tours des nationalistes car l'autre hypothèse envisagée, celle d'un apport significatif d'abstentionnistes du premier tour est invalidée statistiquement, la progression de cette liste au second tour n'étant pas corrélée à une hausse de la participation.

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[1] Une troisième liste (Benedetti) se revendiquait également du courant nationaliste

[2] Nous employons le terme générique de "nationalistes" pour désigner cette part importante de l'opinion publique insulaire qui est néanmoins diverse et n'est pas forcément totalement acquise à l'idée de l'indépendance de la Corse. Ainsi, selon un sondage Ifop réalisé pour Corse Matin, France Bleu Frequenza Mora et Corse Via Stella, en juin 2012, seuls 19% des électeurs de liste Simeoni aux régionales de 2010 et 42% de ceux de la liste Talamoni se disaient favorables à l'indépendance, ce score étant à l'époque de 12% dans l'ensemble de la population insulaire. Sondage réalisé par téléphone du 24 au 26 mai 2012 auprès d'un échantillon représentatif de 702 personnes.

[3] Lutte armée à laquelle le mouvement clandestin FLNC déclare renoncer en juin 2014.

[4] Voir par exemple à ce sujet Marianne Lefèvbre "Géopolitique de la Corse : le modèle républicain en question", Paris, L'Harmattan. 2000

[5] La liste Corsica Libera de Jean-Guy Talamoni , au positionnement plus radical, n'en comptait aucun.

[6] Les Giacobbi ont dirigé cette commune de 1879 à 1940 puis de 1983 à 2001.

[7] On note également des scores significatifs dans les communes voisines d'Ortale (48%) et Valle d'Alesani (40,4%).

[8] Hormis la période 1997-2000, durant laquelle il était membre du gouvernement de Lionel Jospin et occupait le poste de second adjoint à la mairie de Bastia.

[9] Géopolitique de la Corse, Paris-Ajaccio, Fayard La Marge, 1986.

[10] Son grand-père, Camille de Rocca-Serra a été parlementaire mais aussi maire de cette ville de 1921 à 1943, après quoi c'est son père Jean-Paul de Rocca-Serra, député de 1962 à 1998 qui a occupé la mairie pendant pas moins de 47 ans, de 1950 à 1997, avant que cette charge ne revienne à Camille de Rocca-Serra, deuxième du nom, de 1997 à 2004.

[11] Luc Merchez avait déjà mis en évidence pour de précédents scrutins de fortes discontinuités communales du vote dans cette micro-région cf : "Les logiques spatiales du vote corse lors des scrutins régionaux et européens 2003-2005, héritage et renouvellement des comportements électoraux" in L'Espace Politique 2007-3.

[12] La victoire historique des nationalistes corses ne traduit donc pas une progression de l'audience de courant par rapport à 2010 mais l'efficacité d'une stratégie d'union au second tour.

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