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Et maintenant, la guerre des cadavres entre Israéliens et Palestiniens
©Reuters

Macabre

Au Proche-Orient, le Hamas et Israël ont pris pour habitude de ne pas rendre à l'ennemi les corps des soldats tués au combat, afin de les utiliser comme monnaie d'échange contre des otages ou d'autres corps. Un cercle vicieux qui n'arrange personne et empêche les familles des victimes d'inhumer leurs morts en paix.

Cela fait maintenant plus de deux ans que Simcha et Leah Goldin attendent la dépouille de leur fils, Hadar. Deux ans que ce jeune soldat israélien a été enlevé puis tué par un commando du Hamas qu'il affrontait sur la bande de Gaza. Deux ans que tout Israël, dont la doctrine militaire est de ne jamais abandonner un soldat aux mains de l'ennemi, pleure ce manque et dénoncent les méthodes barbares du Hamas. Mais ironie du sort : l'État hébreu procède exactement de la même façon avec les corps des activistes palestiniens neutralisés par Tsahal, et essuie les mêmes insultes de la part des autorités palestiniennes. Un jeu d'imitation morbide qui, loin d'arranger les choses, conduit à une gradation de la violence et empêche les familles des victimes, innocentes, de pleurer leurs morts en paix, constate The Washington Post.

Cercle vicieux

Dans le cadre d'un conflit, il est rare que l'un des deux camps qui s'opposent soit exempt de tout reproche. Israël et le Hamas continuent de détenir des corps qui ne leur appartiennent pas. Depuis les affrontements de 2014, Israël n'a toujours pas rendu les dépouilles des 19 combattants du Hamas tués par Tsahal à leurs familles. Selon la Palestinian Prisoners Society, basée à Ramallah en Cisjordanie, l'État hébreu a retenu quelque 130 corps depuis janvier 2016, dont une vingtaine n'ont toujours pas été rendus. L'un de ces cadavres a même été conservé six mois dans les morgues israéliennes. Israël indique procéder de la sorte afin de lutter contre le terrorisme. Le Hamas, de son côté, espère pouvoir utiliser les corps qu'il détient comme une monnaie d'échange, et faire sortir des verrous les centaines de ses militants incarcérés. Chacun campe sur ses positions, et les familles restent privées de leurs défunts.

Elles ne comptent d'ailleurs pas tourner la page comme si de rien n'était. Après une sortie du ministre de la Défense israélien Avigdor Lieberman dans le journal palestinien al-Quds, qui indiquait vouloir reconstruire la bande de Gaza et y ajouter une zone portuaire et un aéroport à condition que le Hamas mette fin à ses attaques meurtrières, les parents de Hadar Goldin ont qualifié leur ministre de "mollasson" dans les colonnes du Times of Israel, estimant qu'Israël aurait dû mener un sévère embargo à la bande de Gaza jusqu'à ce que leur soit rendue la dépouille de leur fils. Celui qui menaçait le Hamas de rendre le corps de Hadar Goldin sous 48 heures "parle maintenant de transformer Gaza en Singapour", s'exaspèrent-ils.

Négociations

Mais les négociations sont difficiles. Lior Lotan, l'envoyé de Benjamin Netanyahu dédié aux situations de négociation, avait affirmé en septembre 2016 que le Hamas avait refusé de rendre le corps de deux soldats israéliens en échange de ceux de 19 combattants du Hamas ainsi que de la libération de 18 otages palestiniens, estimant que ce n'était pas assez. En 2011, le Premier ministre israélien avait dû faire une offre encore plus déséquilibrée pour obtenir à ses fins : quelques 1 027 militants du Hamas avaient été libérés, dont 280 combattants coupables de meurtres, en échange d'un seul individu, en la personne du caporal Gilad Shalit, capturé cinq ans auparavant le long de la frontière. La population avait eu des réactions mitigées, entre le bonheur de voir rentrer au pays l'un des leurs et la crainte que cet échange incite le Hamas à enlever davantage d'Israéliens.

Une situation absurde face à laquelle Palestiniens comme Israéliens sont impuissants. Fin novembre 2016, des habitants du sud de Jérusalem ont demandé à ce que le corps du jeune Khaled al-Bahar, 15 ans, tué par Tsahal après leur avoir lancé des pierres, soit rendu à sa famille. Une pétition a été menée, et signée par de nombreux rabbins, dénonçant cette "violation des morts" d'accroître les tensions entre les Arabes et les Juifs qui cohabitent sur le territoire d'Israël. Parmi les corps retenus par Tsahal, celui d'Abdel Hamid Abu Srour, 19 ans, qui s'était fait exploser dans un bus à Jérusalem en avril 2016 et causé des blessures et brûlures aux passagers. Sa mère témoigne auprès du Washington Post: "J'ai élevé mon enfant. C'était à présent un adulte. Mais mon devoir n'est pas fini tant que je n'aurai pas recouvert et enterré son corps. Chaque jour, nous attendons. Ce n'est pas normal. Il est toujours mon fils. Je ne l'abandonnerai pas".

Comme quoi, en refusant de rendre les corps aux familles, c'est un peuple tout entier que l'on prend en otage. Et deux nations que l'on fige dans la haine et la douleur. 

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