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Equipe de campagne : Juppé-Fillon, le match des coulisses
©JEAN-FRANCOIS MONIER LOIC VENANCE / AFP

Versus

Les deux finalistes de la primaire de la droite et du centre ont débuté leur campagne de second tour, chacun avec sa stratégie propre. S'il ne leur est plus véritablement possible de se démarquer sur la semaine d'entre-deux tours, des différences tactiques antérieures sont susceptibles d'expliquer au moins partiellement les résultats du premier tour.

Bruno Dive

Bruno Dive

Bruno Dive est journaliste politique et éditorialiste à Sud Ouest, spécialiste de la droite française et auteur de plusieurs livres politiques dont "La métamorphose de Nicolas Sarkozy" (Jacob-Duvernet) en 2012 et "Au coeur du pouvoir : l'exécutif face aux attentats" (Plon) en 2016. Il a également écrit Alain Juppé, l'homme qui revient de loin (l'Archipel).

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Atlantico : Ce mardi 22 novembre ouvrait le début de la campagne opposant François Fillon à Alain Juppé pour le deuxième tour de la primaire. Fillon la commençait à Viry-Châtillon auprès des acteurs de terrain tandis que Juppé préférait les studios d'Europe1. Dans quelle mesure cette photographie peut-elle représenter les différences de stratégie des candidats, au-delà de ce seul deuxième tour ? Comment cela se traduit-il, logistiquement ?

Bruno Dive : Il est indéniable que François Fillon a sillonné le pays et fait des visites de terrain dans toute la France. Il est le premier à être parti en campagne, puisque cela fait presque quatre ans maintenant. Sa campagne a commencé dès 2013 et, visiblement, il a tiré les leçons de celle qu'il a perdue pour la présidence de l'UMP, en 2012. Il avait, à l'époque, pensé que la campagne serait simple à mener et que les jeux était d'ores et déjà fait. Il s'est reposé sur ses lauriers et cela à aboutit à l'échec  que l'on sait. Il a donc labouré le sol en prévision de cette primaire de la droite et du centre, un exercice d'autant plus facile pour lui qu'il disposait déjà à ce moment-là d'un nombre conséquent de parlementaires. Même au pire moment de sa campagne, quand il était au plus bas dans les sondages, il était celui qui en avait le plus. Ces soutiens sont primordiaux : ils constituent les réseaux susceptibles de porter la parole sur le terrain. François Fillon a réussi à agréger autour de lui une petite machine de guerre qui organisait ses déplacements.

Néanmoins, Alain Juppé est parti tôt également. Cela fait presque deux ans, désormais, qu'il a démarré sa campagne et qu'il a commencé à se déplacer sur le territoire, puisqu'il a débuté en 2015. A partir de là, il a fait quasiment un déplacement par semaine, en prenant exemple sur le modèle Chirac de 1995. Jusqu'au début de la "vraie" campagne cet été, il a finalement fait assez peu de médias – bien que plus que François Fillon. Ses apparitions médiatiques régulières, il faut le dire également, étaient plus reprises que celles de François Fillon. Ce dernier, qui a aussi donné plusieurs interviews, était moins invité sur les plateaux, probablement du fait qu'il était moins crédité dans les sondages. François Fillon, bien que moins présent dans les médias, a fait plus de déplacements et était plus présent qu'Alain Juppé sur le terrain. Pour autant, tous deux sont partis en immersion dans la même idée d'alimenter leurs livres respectifs. La publication de Faire, de François Fillon, a d'ailleurs été l'occasion de repartir en province pour des séances de dédicaces. Le succès de son livre constitue – avec le recul – un signe avant-coureur, précurseur, de sa victoire au premier tour de la primaire de la droite et du centre.

Si sur les aspects précédemment évoqués les stratégies diffèrent, y'a-t-il des points ou les dispositifs de campagne de Fillon comme de Juppé se ressemblent, selon-vous ? En quoi peut-on les comparer ?

Les campagnes respectives de François Fillon et d'Alain Juppé se ressemblent et se rejoignent sur plusieurs points. D'abord, en cela qu'ils ont tous deux été obligés de faire campagne en dehors du parti, contrairement à Nicolas Sarkozy qui s'est longtemps servi des moyens du parti, avant de se déclarer très tardivement. Par conséquent, François Fillon comme Alain Juppé ont du se constituer un QG personnel, en dehors des Républicains. L'un comme l'autre ont dû rassembler autour d'eux un noyau dur de fidèles qui, pour Fillon comme pour Juppé, n'était pas très large à l'origine. Cependant François Fillon a toujours eu le soutien de davantage de parlementaires qu'Alain Juppé, même quand le maire de Bordeaux l'écrasait littéralement dans les sondages.

Tous deux ont également partagé une même stratégie d'écriture. Alain Juppé a rédigé trois livres, François Fillon deux. Le dernier, rédigé plus rapidement que le premier, est intitulé Vaincre le terrorisme islamique et lui a permis de recentrer sa campagne sur le thème de la sécurité. Cela témoigne largement du point de départ des deux campagnes : Juppé et Fillon ont commencé par se concentrer sur l'économie. Ils négligeaient, à l'origine, l'aspect identitaire et sécuritaire. Les deux ont corrigé le tir en cours de campagne. François Fillon l'a fait après Nice. Alain Juppé a durci le ton tout en décidant d'assumer son concept d'identité heureuse.

Au vu du score de François Fillon au premier tour de la primaire, peut-on penser qu'une campagne privilégiant l'exposition aux médias fonctionne aussi bien que celle basée sur le contact avec les Français ? Qu'est-ce que cela peut présager pour des candidats comme Emmanuel Macron, par exemple ?

Au vu du résultat du premier tour, il me semble que l'on peut dire qu'une campagne de terrain – au contact de la population – est plus intéressante, particulièrement pour un candidat qui partirait en position de challenger. Il ne faut rien négliger et c'est justement ce qu'a fait François Fillon. Alain Juppé, s'il n'a jamais été véritablement challenger, a tenté de suivre cet exemple.

Ce genre de campagne, inhérente à une élection primaire, ne concerne finalement qu'un électorat restreint. Quand bien même 4 millions d'électeurs constitue un chiffre important, il reste limité en comparaison à l'ensemble de l'électorat français. Or, quand il n'est pas possible de toucher l'intégralité de cet électorat, aller au contact de celui-ci est autrement plus efficace que de passer par la seule presse. Dans une telle situation, il vaut mieux se montrer à la télévision – et dans les médias de façon générale – durant la dernière ligne droite, quand les Français sont réellement intéressés par le scrutin. C'est précisément ce qu'a fait François Fillon. A plus d'un égard, la "méthode François Fillon" a porté ses fruits. Cependant, je ne pense pas qu'elle soit la seule explication de sa victoire. Cette dernière est due avant tout à son positionnement au confluent de toutes les idéologies de droite.

Quant à des candidats comme Emmanuel Macron… Je ne sens pas sa campagne. Il fera certainement du terrain, mais à l'inverse de Juppé ou de Fillon, il n'a pas les soutiens pour mener activement une campagne sur le terrain. Peut-être, s'il parvient à s'appuyer sur les réseaux sociaux, peut-être pourra-t-il mener une campagne moderne susceptible de réussir. Cela ne résout en rien le problème de l'espace politique qu'il prétend occuper.

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