Raréfaction des biens immobiliers et difficultés pour accéder à la propriété : pourquoi un encadrement des loyers étendu pourrait aggraver la crise du logement en France<!-- --> | Atlantico.fr
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Même si la loi autorise à prendre en compte un certain nombre de paramètres et à corriger à la hausse les loyers, les propriétaires ont été un peu refroidis par la complexité des procédures.
Même si la loi autorise à prendre en compte un certain nombre de paramètres et à corriger à la hausse les loyers, les propriétaires ont été un peu refroidis par la complexité des procédures.
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Fausse bonne solution

Selon une étude de la Fnaim, l'encadrement des loyers, actuellement en vigueur à Paris, aurait conduit plusieurs propriétaires à retirer leurs biens du marché. Si la mesure est étendue à d'autres zones sous tension en France, cela donnera lieu à une raréfaction des biens mis en location, soit l'inverse de l'objectif poursuivi par les pouvoirs publics.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : D'après une étude de la Fnaim, l'encadrement des loyers aurait directement causé la disparition de 13% du portefeuille des mandats de gestion sur Paris. Comment expliquer que cette mesure ait poussé les propriétaires à retirer leurs biens du marché ? 

Philippe Crevel : Cet encadrement du crédit vise en particulier des arrondissements sensibles du cœur de Paris (5e, 6e, 7e, 8e, 9e) et peut aboutir à des diminutions de loyers alors que certains appartements pouvaient  jusqu'à maintenant bénéficier soit d'une qualité soit d'une exposition valorisantes. Même si la loi autorise à prendre en compte un certain nombre de paramètres et à corriger à la hausse les loyers, les propriétaires ont été un peu refroidis par la complexité des procédures.

Deux phénomènes doivent être étudiés : premièrement, l'encadrement en tant que tel, c’est-à-dire le fait que dorénavant le loyer ne doit pas dépasser un certain montant et deuxièmement, la mise en place de cet encadrement et en particulier la problématique de gestion des dérogations au tarif maximal fixé par les pouvoirs publics.

Ce sont donc à la fois l'encadrement et la complexité qui ont conduit aux retraits.

Quant à la diminution des mandats de gestion locative, il faut peut-être y voir un autre phénomène : le développement des locations touristiques. Avec le développement des plateformes collaboratives (Airbnb et autres), les propriétaires préfèrent louer moins longtemps mais à des tarifs supérieurs et surtout avec beaucoup moins de contraintes administratives. 

Que se passerait-il si l'encadrement des loyers était étendu à d'autres zones sous tension, tel que cela est prévu ? 

On aurait le même résultat qu'à Paris : une raréfaction des biens mis en location et une réduction du parc privé des logements locatifs, ce qui était l'inverse de l'objectif poursuivi par les pouvoirs publics. Ceux qui ne peuvent pas accéder au logement social et qui ont besoin d'avoir un parc locatif large pour se loger seront les premiers pénalisés. C'est donc une fois de plus les classes moyennes, et les personnes ne pouvant pas ou ne voulant pas accéder à la propriété qui sont pénalisées. 

Si l'encadrement des loyers semble être une fausse bonne solution, quel dispositif permettrait selon vous de faciliter l'accès au logement dans les grandes villes sous tension ? 

L'encadrement du crédit est évidemment une mauvaise solution : on a réinventé la loi de 1948, qui avait abouti à une dégradation du parc immobilier français et avait favorisé la pénurie.

L'immobilier en France est à la fois soumis à trop de réglementations, trop de contraintes et est trop aidé par d'autres voies.

L'encadrement du crédit, les contraintes de normes, de fiscalité concourent soit au développement de la location saisonnière soit au développement de la location au noir. L'encadrement du crédit risque en effet d'entrainer le développement de locations non déclarées où le propriétaire comme le locataire sont en situation de précarité totale car ils sont en dehors du droit.

Le système français fait que l'on aide énormément le logement - plus de 30 milliards d'euros chaque année - à travers des dispositifs qui ne résolvent en rien la pénurie de logements.

Il faut remettre les logements sur le marché locatif privé, supprimer l'encadrement du crédit, et remettre à plat l'ensemble des mécanismes d'incitation fiscale, qui constituent au mieux une rente pour quelques filous mais en aucun cas une solution pour accroitre le nombre de logements.

Il faut travailler sur l'amélioration de la rentabilité de l'investissement locatif au niveau fiscal et au niveau des charges, il faut libérer les tarifs et, le cas échéant, aider de manière neutre les Français à trouver leurs logements et non pas créer un marché à plusieurs vitesses (logement social, accession à la propriété et locatif privé, qui est aujourd'hui le plus pénalisé). 

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