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L’effet Trump : le sondage qui montre le gouffre qui s’ouvre sous les pieds des candidats de la primaire de la droite et du centre
©Reuters

Trump Test

L'élection de Donald Trump a provoqué des réactions très contrastées au sein des Républicains, révélant des tensions qui laissent présager certains retournements lors des mois à venir.

Jean-Daniel Lévy

Jean-Daniel Lévy

Jean-Daniel Lévy est directeur du département politique & opinion d'Harris Interactive.

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Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Atlantico : Depuis l'élection de Donald Trump, plusieurs ténors de la droite comme Dominique de Villepin ou encore Edouard Balladur ont exprimé leurs doutes quant à la primaire de la droite et du centre. Dans une enquête Harris Interactive pour Atlantico, 64% des Français pensent qu'une surprise en 2017 serait une bonne chose. En quoi selon vous cela peut-il rebattre les cartes à droite ?

>>> Lire le sondage ici : L'effet Trump : pour 62% des Français, une surprise à l'élection de 2017 (et 64% pensent que ce serait souhaitable)

Jean Petaux : Pour parfaitement respectables que sont les ténors de la droite que vous citez et qui ont occupé les plus hautes fonctions existant en France en matière de responsabilités politiques (tous les deux ont été Premier ministre deux ans au moins), ce n’est pas leur faire injure que de rappeler qu’ils sont tous les deux des "has been". Leur opinion, pour intéressante qu’elle soit, concerne plus les mémorialistes que les analystes politiques. Pour ce qui est de la "surprise" appelée largement de leurs vœux par une majorité des sondés (64%), il faut faire la part entre plusieurs éléments parmi les répondants. Ceux-ci peuvent avoir, pour partie, envie de "jouer la cote" dans leur réponse. Autrement dit : "je dis que je souhaite l’improbable parce que si cette hypothèse devient réalité j’aurais eu raison avant tout le monde". Outre le surcroît d’estime de soi (par rapport aux autres) que cela peut engendrer, il y a aussi la reconnaissance d’avoir eu raison contre le "main stream".

Choisir la surprise en 2017, c’est aussi espérer en de nouvelles configurations qui peuvent se résumer ainsi : "Sortons les sortants" et "Du passé faisons table rase !"… Il se peut alors que les Français provoquent eux-mêmes la crise consécutivement à une surprise. L’exemple de la dissolution de 1997 est tout à fait significatif de cela.

Jean-Daniel Lévy : Cette donnée est nouvelle pour les acteurs politiques de la droite. La partie de l'électorat qui est la plus encline à souhaiter une surprise est la frange issue des catégories les plus populaires. Cela correspond en partie à l'électorat de Nicolas Sarkozy qui aujourd'hui ne s'est pas encore manifestée mais qui en même temps souhaite la victoire de Nicolas Sarkozy sans pour se mettre en avant aujourd'hui. C'est donc une dimension qui peut être très favorable à l'ancien président. 

A contrario, l'idée qu'Alain Juppé puisse gagner la présidentielle est importante, et son électorat n'est pas celui qui souhaite une surprise, donc d'une certain façon, ce sondage lui est défavorable.

Quand à Bruno Le Maire qui insiste sur la question du renouvellement, son problème est que, pour le coup, s'il est bien perçu sur ce point, il ne l'est pas sur son contenu politique, que les gens n'ont pas encore identifié. C'est une difficulté à laquelle il est confronté. Quant à François Fillon, il a le même problème qu'Alain Juppé malgré une vraie progression ces derniers temps, en ce que son électorat n'est pas celui qui souhaite le plus une certaine forme de surprise, même si d'une certaine façon son élection en constituerait vraiment une.

Depuis plusieurs semaines d'ailleurs, les enquêtes montrent qu'une minorité seulement des électeurs de droite ont l'intention de se déplacer en novembre (20% pour l'Ifop). Si Alain Juppé était désigné, pourrait-il y avoir une demande de cet électorat de droite pour d'autres candidats ? Lequel pourrait alors trouver dans cet espace politique un moyen de se présenter légitimement ?

Jean Petaux : Je ne crois pas une seule seconde. Si Alain Juppé est désigné (ou n’importe quel autre des candidats à la primaire de la droite), il entraînera avec lui nombre de soutiens qui auront voté pour lui ou pour l'un de ses concurrents à cette même primaire, mais qui se rallieront à son "panache blanc". Et malheur à celui par qui arrivera la division. Reste que tout dépendra du score au soir du 27 novembre entre les deux "finalistes". Si celui-ci est vraiment très étroit et donc contestable, alors toutes les aventures sont possibles et dans ces conditions les surprises pourraient être multiples !

Jean-Daniel Lévy : Ce qui est intéressant, c'est qu'on est aujourd'hui face à des électeurs qui sont prêts à voter pour lui, sans pour autant appartenir à sa base politique. Sa base électorale est différente, elle est constituée de sympathisants de gauche et du centre. Ce qui n'est pas impossible, c'est qu'il y ait une partie de la droite qui se sente orpheline parce que son programme politique ne leur correspond pas. On peut envisager de ce fait une possibilité de report sur un autre candidat, mais aussi de l'abstention, et malgré tout aussi un soutien au candidat Juppé malgré les différences. Il y a un champ des possibles certain qui existe dans ce cas de figure.

Selon vous, le Front national pourrait-il vraiment capitaliser plus qu'actuellement sur cette demande de surprise ? En quoi l'offre que représente Marine Le Pen, bien qu'assimilée à du populisme, pourrait-elle bénéficier (ou non) de la dynamique de Donald Trump ?

Jean PetauxDe fait, le FN semble le mieux placé pour bénéficier de cette attente (ou de ce désir) de surprise. D’abord parce qu’il incarne en quelque sorte encore (quoi que de moins en moins) la prédilection actuelle pour "l’anti-système", le parti "détesté" (apparemment de toutes et de tous… mais qui recueille quand même 6,8 millions de voix aux dernières régionales. Mais d’autres formations ou candidats sont aussi en mesure d’avoir ce profil "surprenant" : Mélenchon sans doute, voire Macron. La dynamique de Donald Trump est à prendre avec beaucoup de réserves. D’abord parce que "comparaison n’est pas raison", ni en histoire ni en science politique. Mais surtout parce que même Marine Le Pen ferait figure d’intellectuelle aux USA… C’est dire le niveau de la vie politique nord-américaine et surtout de cette dernière campagne présidentielle outre-Atlantique !

Jean-Daniel Lévy : Aux Etats-Unis, on est à 50% de participation. En France, on avoisine les 80%, ce qui montre que les stratégies vont nécessairement différer.

Le vote Marine Le Pen n'est pas un vote anodin, car c'est un vote qu'on sait aussi capable de progresser entre un premier et un second tour d'élections régionales, de départementales, et qui peut encore progresser aujourd'hui de manière nette, indépendamment de l'effet de surprise. Une partie de l'électorat FN est aujourd'hui remobilisée par la victoire de Trump, considérant qu'ils ont leur chance. En cela, il y a une dynamique. Mais un succès de Marine Le Pen dépendra très fortement de l'adversaire qui se présentera face à elle à la présidentielle, qu'il s'agisse de Juppé, Sarkozy, Hollande… Cela peut tout changer.

Par ailleurs, la désignation de la primaire est fixée au 27 novembre, ce qui laisse de longs mois avant le premier tour de la présidentielle... Que peut-il se passer dans ce laps de temps ?

Jean Petaux : En 2011, le délai était encore plus long pour François Hollande, puisqu’il est sorti vainqueur de la primaire socialiste le 16 octobre 2011. Bien sûr qu’il peut se passer des choses importantes pendant ces 6 mois et demi pour le candidat choisi par la droite. Au premier rang des événements figurera la désignation de son adversaire socialiste et apparenté. Tant il est vrai qu’une élection diffère totalement d’une autre du fait de l’offre électorale. Donc en tout de cause et quoi qu’il fasse, le candidat "officiel" de la droite devra attendre pour connaître celui qui le "challengera" pour le premier tour de la présidentielle.  Et cela n’interviendra que le 29 janvier au soir, soit très tardivement dans la campagne. Il peut aussi, hélas, se produire un ou des attentats particulièrement sanglants, en direction d’une école par exemple. Il peut aussi advenir une crise industrielle grave avec une menace de chômage élevée, un dossier écologique qui "tourne mal"… Bref : impossible de faire des prévisions intégrant la notion de surprise puisque par définition et pour le devenir, est une surprise ce qui n’était pas prévu tout simplement.

Il se peut aussi que le président actuellement en poste à l’Elysée soit battu lors de la primaire socialiste fin janvier. Auquel cas le président sortant (et en passe d’être sorti), aura toutes les peines du monde à rester aux manettes, tellement il sera délégitimé pour gouverner… Et dans ce cas-là aussi, en guise d’interaction, le comportement et les choix du candidat de la droite seront forcément différents selon que Hollande sera choisi pour candidater à un second mandat, ou bien Montebourg ou Hamon. 

D’ores et déjà, des surprises ont eu lieu… Cécile Dufflot se voyait remporter sans trop de difficultés la primaire "écolo". Hollande a accepté de passer par la case primaire pour se ressourcer en quelque sorte. Le phénomène est plutôt original pour un président encore en exercice… Autre surprise : le comportement et le choix stratégique des cadres du PCF de ne pas soutenir Mélenchon, contre la volonté affichée du premier secrétaire national de cette organisation, Pierre Laurent. 

Traditionnellement, une élection présidentielle en France est marquée par la surprise du "troisième homme" (ou "femme"). Pas au sens du célèbre et remarquable film de Carol Reed avec l’immense Orson Welles… Le troisième homme, c’est celui qui vient perturber le duel annoncé… A la primaire de la droite, cela pourrait être François Fillon qui jouerait ce rôle et qui éjecterait un des "duellistes" attendus, Juppé ou Sarkozy. Imaginons la surprise si le second tour de la primaire de la droite (ce qui est loin d’être impossible) devient un "Juppé-Fillon" ou un "Sarkozy-Fillon" au lieu du "Juppé-Sarko" annoncé. Dans le second cas, si Sarkozy l’emporte au soir du second tour sur Fillon, alors François Bayrou se présente… Un "troisième homme" coutumier du rôle en quelque sorte (puisqu’il l’a joué déjà deux fois, en 2007 et en 2012) succéderait à un autre troisième homme (Fillon). Et pour couronner le tout, deux autres troisièmes hommes à gauche, en-dehors du PS (et sans parler de Mélenchon), pourraient aussi jouer les "trouble-fêtes" : Emmanuel Macron au centre-gauche et Yannick Jadot sur le créneau qu’a occupé Europe Ecologie – Les Verts lors des Européennes de 2009 avec un score, rappelons-le, exceptionnel : 2,8 millions de voix (soit 30 000 voix de moins tout juste que le PS et un score en pourcentage des suffrages exprimés de 16,28%, soit 0,2% de moins que le PS…).

On le constate aisément. Jamais jusqu’alors le paysage politique français n’a été aussi brouillé et brumeux. Jamais il n’aura été effectivement aussi propice aux surprises… Avec peut-être parmi celles-ci l’existence d’une surprise de taille : un coup de tonnerre à l’envers en quelque sorte : la non-qualification pour le second tour de Marine Le Pen, donnée pourtant comme acquise d’ores et déjà. En politique, et c’est une loi que semblent redécouvrir nombre d’observateurs et d’analystes avec l’élection de Donald Trump, une élection n’est jamais jouée d’avance. Pas plus une élection que le casting offert au choix des électeurs d’ailleurs.

Jean-Daniel Lévy : On manque d'éléments cruciaux. On ne connaît pas le candidat de la gauche ni de la droite. On ne sait pas qui va vraiment se présenter, et on ignore tout des événements qui pourraient perturber sérieusement la campagne présidentielle, à commencer par l'éventualité d'un nouvel attentat. Nous ne connaissons pas encore les thématiques qui seront abordées, ou pas avec certitude. 

Tous ces aspects peuvent jouer sur la campagne. D'une certaine manière, la surprise sera certainement là, car on manque de visibilité réellement aujourd'hui pour apporter un réel pronostic à l'issue de cette campagne. On a toujours dit que 6 mois avant une campagne, on ne savait pas ce qui allait advenir. On devrait en savoir nettement plus autour de février et mars.

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