Un Français sur deux en surpoids : la faute aux patates de canapé que nous sommes… Ou de l’industrie agroalimentaire ?<!-- --> | Atlantico.fr
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L'obésité et le surpoids des Français renvoient donc aux modifications de notre mode de vie, quelle est la part de l'inactivité physique et la part de la malbouffe ? L'impact sera différent selon les individus.
L'obésité et le surpoids des Français renvoient donc aux modifications de notre mode de vie, quelle est la part de l'inactivité physique et la part de la malbouffe ? L'impact sera différent selon les individus.
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Mangez-bougez

La moitié des Français souffrent de surpoids, et le phénomène ne cesse de s'amplifier selon l'INSERM. Pour la majorité des personnes concernées, les causes sont évidentes : manque d'activité physique et mauvaises habitudes d'alimentation.

Arnaud Cocaul

Arnaud Cocaul

Arnaud Cocaul est médecin nutritionniste. Il est membre du Think Tank ObésitéSIl a dernièrement écrit Le S.A.V. des régimes aux éditions Marabout.

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Atlantico : Selon une récente étude menée par l'INSERM, un Français sur deux serait en surpoids. Dans quelle mesure peut-on blâmer le manque d'activité physique de nos concitoyens ? Qu'en est-il des mauvaises habitudes alimentaires ? Laquelle de ces deux causes occasionne le plus de dégâts ?

Arnaud Cocaul : La société actuelle mute rapidement et l'être humain n'a pas forcément le temps de s'adapter. La problématique du poids est donc la conséquence d'un changement sociétal avec une inadaptation de certains d'entre nous à évoluer dans ce monde moderne. Le changement s'accompagne de progrès technologiques et d'innovations ce qui simplifie la vie. On fait donc moins d'efforts pour une rentabilité maximale. Les journées de 24 h doivent être remplies au maximum et on se met à rogner sur des temps essentiels comme le temps accordé aux repas, aux activités physiques ou au sommeil.

L'obésité et le surpoids des Français renvoient donc aux modifications de notre mode de vie, quelle est la part de l'inactivité physique et la part de la malbouffe ? L'impact sera différent selon les individus, certains paieront davantage leur inactivité d'autres leur errance alimentaire mais cela reste deux contributeurs majeurs à la prise de poids. On mange de plus en plus mal et on bouge de moins en moins. Aux Etats-Unis on parle de patates de canapés (couch potatoes) et certains se rapprochent de cette image.

Plusieurs études américaines (voir ici) montrent que les causes de l'obésité seraient moins liées au manque d'activité physique que ce que l'on pouvait croire jusqu'alors. Selon elles, les régimes alimentaires contemporains, friands notamment de féculents et de céréales raffinées (sans germe ni enveloppe), pourraient être les principaux responsables de l'obésité. En quoi ces résultats peuvent-ils aider à lutter contre le surpoids ?

Il ne faut pas banaliser le manque d'activité physique car on peut être obèse et être en bonne santé (métaboliquement sain comme Teddy Riner) dès lors que l'on pratique régulièrement de l'activité physique comme les fameuses 30 minutes de marche à pied quotidienne. On peut avoir un poids normal mais être métaboliquement obèse car, entre autres, sédentaire. Le reproche que l'on peut faire à ces études est qu'elles s'attardent sur le prisme de l'indice de masse corporelle trop élevé et que l'on tient rarement compte de la répartition des graisses. 

Néanmoins, il va s'en dire que notre alimentation moderne est trop riche en sucres rapides (en particulier les boissons sucrées) et en graisses alourdissant la facture calorique et faisant que les apports sont supérieurs au poste dépense, ce qui fait forcément prendre du poids. Mais tous les consommateurs de produits raffinés ne finissent pas obèses comme tous les sédentaires ne connaissent pas le sort unique de finir gros. Chacun d'entre nous est unique : la réponse à ce problème majeur de santé publique légitime donc des réponses multiples tenant compte de nos disparités. On doit conjuguer l'obésité au pluriel. 

Dans quelle mesure le surpoids et l'obésité traduisent-ils des inégalités de revenu entre les Français ? Quelles sont les populations les plus touchées ?

Les populations les plus touchées par la problématique de l'obésité sont les populations les plus précaires car la pression économique alimentaire est alors la plus forte (une famille modeste va consacrer un budget avoisinant les 20% à l'alimentation contre 13% pour une famille aisée).

Le gradient socioéconomique est une réalité et rend compte de l'inadéquation de nos messages nutritionnels sur certains types de population. Dire qu'il faut manger 5 fruits et légumes à une famille en précarité économique est un non-sens car leur priorité est déjà de se sustenter en temps et en heure. Demain est pour eux un autre jour et ils ne s'inscrivent pas dans une perspective de prévention mais bien plutôt de nourriture nourrissante et roborative où le gras tient une place importante car est un nutriment facilement disponible et peu cher. Un kilo de pomme est plus cher qu'un kilo de gras. La stigmatisation sociale se creuse d'autant plus qu'il s'agit d'enfants obèses et de femmes obèses ainsi que de migrants obèses. L'insertion sociale passe par une normalisation du poids aux yeux de bon nombre de personnes.

Les messages de prévention doivent donc s'adresser aux populations précaires, aux populations migrantes nouvellement installées sur le territoire et dont les enfants connaissent un risque élevé de développer du surpoids ou de l'obésité, mais aussi les étudiants en situation de précarité et qui sont oubliés, les personnes âgées isolées…

Comment la France lutte-t-elle contre le surpoids et l'obésité ? Quelles sont les pistes pour améliorer une situation qui représente un "problème sanitaire majeur" ?

On lutte en préservant notre modèle alimentaire basé sur la commensalité, le partage alimentaire, on doit manger comme dans la dernière image des albums d'Astérix autour d'une table ensemble en savourant et en échangeant. La nourriture doit être bonne à penser. Le plaisir alimentaire doit rester le maître mot et il faut démédicaliser la nourriture et non pas la vivre comme les Américains qui veulent tout connaître de ce qu'ils mangent au risque de manger n'importe quoi n'importe quand. Nous ne sommes pas des poubelles gastronomiques mais nous devons poursuivre ce sens de la relation empathique entre l'aliment et le mangeur.

On doit lutter également contre le stress, la pollution, les perturbateurs endocriniens, source de prise de poids. Il y a urgence et cela nous concerne tous, pas seulement les médecins.

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