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La méthode Monti : comment réussir à faire passer un plan d'austérité tout en restant populaire
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Super Mario

Le successeur de Silvio Berlusconi est un austère économiste qui met en oeuvre une politique de rigueur. Adoubé par Nicolas Sarkozy comme par Barack Obama, il semble être en mesure de redresser l'Italie.

Manuel Maleki

Manuel Maleki

Manuel Maleki est Docteur en Sciences Economiques à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne.

Il est spécialiste des questions de réformes. Il a travaillé à Londres dans une grande institution financière avant de rejoindre les équipes de la recherche économique du groupe ING en tant que Senior Economiste.

Il s'exprime sur Atlantico à titre personnel.

 

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 « Si nous voulons que tout continue il faut que tout change » Comment oublier le sourire narquois d’Alain Delon prononçant cette phrase dans le Guépard où il incarne le neveu du riche aristocrate planté par Burt Lancaster. Peut-être que les Italiens ont fait leur, ces mots de l’auteur du Guépard, le Prince de Lampedusa…Plus généralement, le soutien à des réformes difficiles mené par le nouveau gouvernement de Mario Monti peut surprendre. Il s’appuie pourtant sur plusieurs dimensions qui peuvent être complémentaires aussi bien qu'antagonistes. Toutefois, l’axe central touche à la notion de crise et procède de la séquence suivante : on ne change pas une équipe qui gagne… et quand l’équipe ne gagne plus on change.

Tentons d'y voir plus clair. Ici on a des mauvais résultats qui sont visibles et qui nous dérange. De ces mauvais résultats naît le désir de réformes : ce serait donc la crise qui ferait la réforme, mais tout de suite se pose alors une autre question : qu’est-ce qu’une crise ?  Et là tout se complique… A partir de combien de chômeurs suis-je en crise, quel taux d’inflation, combien de jours sans gouvernement etc. ?

Pour résumer, dès lors que l’on veut donner de la substance au concept de crise le mystère s’épaissit grandement. Toutefois, on peut s’orienter en partant du principe qu’il faut un grand nombre de perdants pour accepter de remettre en cause l’ordre établi, plus une part importante des individus se trouvent dans le domaine des pertes plus ils sont prêts à prendre des risques pour retrouver leur situation d’avant et donc à accepter des pertes qu’ils espèrent temporaires dans l’espoir de « se refaire ».

Ainsi, la présence d’aspects cognitifs et psychologiques rend difficile la détermination d’un niveau objectif de crise. Par contre, ce que nous enseignent les études empiriques est qu’il existe des éléments très favorables à la mise en place de réformes car ils font naître le sentiment de crise. Parmi les éléments les plus efficaces, on trouve l’hyperinflation qui poussent quasiment tout le monde dans le domaine des pertes en cassant toute anticipations et en augmentant le sentiment d’incertitude.

Par contre, le chômage est une variable bien moins efficace pour réformer puisqu’il ne touche qu’une partie de la population et que ceux qui sont épargnés n’ont aucune envie de changer les règles : il faut donc atteindre un niveau de chômage pour voir émerger des réformes. Bien que les variables économiques jouent un rôle il ne faut pas négliger les structures institutionnelles (formelles et informelles) d’un pays : une majorité peut voir sa situation se dégrader sans voir apparaître de réformes car cette majorité est silencieuse ou n’a pas les moyens de se faire entendre alors que d’autres n’auront aucun mal à obtenir des réformes car le Prince est prompt à les entendre.  

Mario Monti met des réformes en place en Italie, non pas suite à une dégradation soudaine de l’économie italienne mais bien plus suite à un long délitement de sa compétitivité et de ses structures économiques que la crise de 2008 a mis en évidence. Ce changement à permis à une partie de la population d’exprimer son mécontentement et de se faire entendre au détriment de groupes corporatistes comme les taxis ou les pharmaciens. En fin politique, Mario Monti profite de l’occasion pour non seulement casser ses corporatismes mais aussi pour mettre en place des réformes plus larges qui causeront des pertes de bien-être à une grande partie de la population mais qui est prête à l’accepter car elle se « sent » en crise et espère que cela les aidera à revenir au niveau d’avant crise ou au moins de stopper la chute.  

Mario Monti est populiste mais propose une qualité de service que Berlusconi (populiste aussi mais au sens négatif du terme) ne proposait pas. Il offre aux italiens un discours empreint de pédagogie et  joue sur son image d'homme sérieux et rigide ; ce qui lui donne une crédibilité importante. De plus, il y a une certaine pondération dans son discours, il ne fait pas de promesse intenable. cet homme fait preuve d'un certain réalisme politique : c'est son angle de communication. Il décrit la réalité de la situation aux Italiens et leur explique que ces réformes sont ce qu'il y a de mieux à faire. 

Il a une gestion très subtile de ses réformes. Il propose des réformes dures mais intelligentes. Monti a une très grande connaissance de l’économie politique, qu'il arrive à mettre en pratique. C'est assez rare. En général, les hommes qui ont de grandes connaissances théoriques ont beaucoup de mal avec la pratique. Pas Monti. C'est une thérapie de choc qu'il applique à l' Italie, tout en allant dans des considérations de long terme. Mais, on ne connait pas ses intentions pour la suite. Envisage t-il une carrière politique ? Où se considère t-il en intérim ? On ne le sait pas vraiment et il n'en parle pas pour l'instant.

En revanche il peut en être victime de cette image trop sérieuse, s'il n'obtient pas de résultat assez vite. Les Italiens attendent un retour sur investissement. Le risque de déception est donc très fort si les reformes sont infructueuses.

Il est bien sûr encore trop tôt pour dire si ces réformes obtiendront les résultats escomptés, car réussir à faire passer une réforme est une chose être sûr de son résultat en est une autre.

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